Ce samedi 28 novembre 2020, 24 heures avant le premier dimanche de l’Avent, la Cour suprême administrative a étudié en urgence la limitation du culte.
Par Paule Gonzalès
Publié hier à 18:33, mis à jour hier à 18:48
Place Saint-Sulpice à Paris. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
« Mais, expliquez-nous pourquoi le gouvernement a fait le choix d’une jauge limitée en valeur absolue à trente personnes et pas en fonction de la superficie ? On peut comprendre ce choix pour un enterrement où les proches ont besoin de se rassembler, mais pour des cérémonies religieuses dans de grands édifices ! ». Frédéric Aladjidi du Conseil d’Etat, présidait, samedi 28 novembre après-midi, une nouvelle fois l’audience de référé dédiée à la liberté du culte.
Quatre recours ont été déposés contre l’article 47 du décret du 27 novembre 2020 qui interdit les cérémonies religieuses de plus de trente personnes. Une provocation pour les fidèles catholiques puisque pour la première fois, figure, comme requérant aux côtés de la Conférence des évêques de France et de Monseigneur Michel Aupetit, archevêque de Paris, les associations « Pour la messe » et Civitas, ainsi que le Comité protestant évangélique pour la dignité humaine.
Pascale Léglise qui représente le ministère de l’Intérieur devant le Conseil d’Etat, se tasse un peu dans la lumière tamisée de la salle du contentieux. « Parce que les gens ne se mettent pas aux quatre coins de l’église, ils se rassemblent », argue-t-elle. Visiblement insatisfait, le juge a reposé la question, évoquant une nouvelle fois la taille des bâtiments religieux et la circulation des fidèles.
En cette veille du premier dimanche de l’Avent, il a beaucoup été question de chiffres, place du Palais-Royal. Car pour les avocats des requérants, et comme l’a développé Maître Antoine Delvolvé, avocat de Monseigneur Aupetit, «aucune des mesures imposées par le gouvernement ne l’est en fonction des édifices qu’il s’agisse d’une cathédrale, d’une chapelle ou d’un oratoire. Cette autorisation de trente personnes n’est propre qu’au culte lui-même. C’est là une jauge arbitraire qui s’impose aux milliers de mètres carrés de Saint-Sulpice comme à la petite chapelle de la Beauce qui pourrait néanmoins accueillir 40 personnes si on tenait compte de la jauge imposée aux commerces ». Soit 8 mètres carrés par personnes, le nouveau chiffre d’or auquel aspirent désormais les représentants de l’institution catholique. Cette distorsion entre les Eglises et les commerces est pour les requérants, comme l’a défendu Maître Valdelièvre pour la Conférence des évêques de France, « non nécessaire, non proportionnelle et discriminatoire». Incidemment, l’avocat vient de reprendre les termes principaux de l’ordonnance rendue le 18 mai dernier par ce même magistrat et qui avait permis la reprise des cultes en France.
«Tellement incompréhensible»
Tous les requérants ont martelé la discrimination entre lieu de culte et commerces. « La liberté de commerce est largement garantie par le gouvernement, la liberté de culte particulièrement restreinte », a insisté Maître Delvolvé alors que la première « n’est invoquée que par les commerçants, tandis que la seconde est à disposition non seulement des professionnels du culte mais aussi des fidèles », a-t-il insisté. « Du 31e au dernier habitant catholique de la planète, il n’y a pas de place à la messe, quand la Fnac des Ternes affiche en panonceau publicitaire que son magasin accueille en flux continu 604 personnes. Nous, nous ne parlons qu’une heure dominicale », s’est-il offusqué. « C’est tellement incompréhensible que l’on voit peu à peu s’introduire l’idée d’une désobéissance légitime car l’autorité apparaît incohérente », surenchérit Maître Henri de Beauregard, pour l’Association de la messe.
Pascale Léglise, d’une voix mesurée et un peu lasse défend la position du gouvernement, rappelant qu’ailleurs en Europe, « des pays ont fixé des jauges à 15 ou vingt ». Elle rajoute : «il faut comparer ce qui est comparable. Un commerce n’est pas comme un lieu de culte où l’on s’assoit côte à côte, où l’on parle, chante, se regroupe et où l’on bouge ensemble. Nous avons bien pris en compte le fait que le culte mérite une protection particulière, puisque les théâtres et les cinémas qui ont la même pratique stagnante sont eux toujours fermés ». Et d’insister « Rien n’empêche de célébrer plusieurs messes le même jour ». « Non, parce que la désinfection entre les offices est particulièrement compliquée », affirme Monsieur Meyer, représentant du Comité protestant évangélique pour la dignité humaine. Et de citer l’évangile de Saint-Mathieu : « l’homme ne vit pas que de pain ». Décision attendue d’ici à dimanche matin.