L’appel de Jean Raspail, lancé dans Le Figaro en janvier 1992, invitant les Français à venir fleurir la place de la Concorde du 21 au 24 janvier 1993, et demandant au cardinal Lustiger d’ouvrir toutes grandes, le 21 janvier à 10h22, les portes de sa cathédrale pour une cérémonie religieuse nationale, fit sensation, tout en provoquant également certains remous au sein des autorités civiles et religieuses. Ayant immédiatement pris contact avec l’auteur du Camp des Saints pour lui proposer un soutien logistique et un cadre juridique pour mettre en œuvre son initiative dans le cadre des activités conduites par l’association Louis XVI, un Comité national put être constitué pour permettre de donner une réelle ampleur à ces futures célébrations. Le Comité directeur était composé d’un président, Jean Raspail, d’un vice-président délégué, Marc-Antoine de Sèze ( NDLRB. Qui habite en Limousin) , qui devait par la suite organiser les cérémonies du 16 octobre 1993, de deux vice-présidents représentant, pour le premier, l’aîné des Capétiens, le duc de Bauffremont, et, pour le second, le comte de Paris, le baron de Cassagne. Le Comité disposait aussi d’un secrétaire général et enfin de quinze membres permanents, dont Pierre Lemoine, conservateur général des Musées de France et ancien directeur des châteaux de Versailes et de Trianon, Madame Isabelle du Pasquier, conservateur du musée de la Légion d’honneur, du professeur Claude Goyard (Université Panthéon-Assas), de Georges-Albert Salvan, ancien correspondant de l’AFP à Rome puis à Bruxelles, d’Édouard Secrétan, ancien diplomatique et président de l’Académie des Sciences sociales. Des antennes du Comité furent instituées dans la plupart des départements avec à leur tête des délégués nationaux qui se dépensèrent sans compter. Le dispositif se complétait d’un Comité d’honneur, institué dans un véritable esprit d’ouverture, regroupant de hautes personnalités dont la baronne Élie de Rothschild, membre du Conseil des Musées de France, la duchesse de Gramont, plusieurs académiciens, d’éminents historiens, etc.
Estimant que l’appel de Jean Raspail avait cherché à lui forcer la main, le cardinal Lustiger ne permit pas l’organisation d’une cérémonie religieuse à Notre-Dame, mais il délégua auprès du Comité Monseigneur Armand le Bourgeois, évêque émérite d’Autun, en proposant l’organisation d’une cérémonie à Saint-Germain-l’Auxerrois le samedi 23 janvier 1993.
Malgré les démarches effectuées en ce sens par le cabinet du maire de Paris pour faire aboutir la demande d’utilisation de la place de la Concorde le 21 janvier 1993, à deux reprises, le préfet de Police notifia son interdiction au Comité. Liliane de Rothschild prit alors une initiative qui allait sauver cette situation, devenue totalement compromise. Elle organisa chez elle, vers le 15 janvier, un grand dîner d’adieu au cinquante-septième ambassadeur des États-Unis d’Amérique en France, Walter Curley, qui allait quitter son poste à Paris, au terme du mandat présidentiel exercé par George Bush (le 20 janvier). Au cours de la réception, Lilane de Rothschild fit valoir à son prestigieux invité et ancienne connaissance tout ce que Louis XVI avait fait pour favoriser l’indépendance américaine en demandant au diplomate s’il accepterait, lui aussi, de venir, au nom de son pays, déposer une gerbe de fleurs, Place de la Concorde, le 21 janvier à 10 heures. L’ambassadeur répondit vouloir consulter son gouvernement avant de donner sa réponse. Positive, celle-ci me fut communiquée quelques jours plus tard par la baronne de Rothschild à l’instant même où, avec Jean Raspail et Marc-Antoine de Sèze, nous allions entrer une réunion pour une ultime tentative de conciliation dans le bureau du directeur du cabinet du Préfet de Police, un certain monsieur Sanson ! Je fis part de cette nouvelle information. La Préfecture de Police devait réexaminer la demande et nous répondre sans tarder.
C’est en vain que nous avons espéré un appel. Toutefois, sur la base du principe qui ne dit mot consent, nous avons pensé pouvoir investir, comme cela était prévu de longue date, la place de la Concorde.
En quittant le soir du 20 janvier la basilique de Saint-Denis, où une veillée de prière avait été organisée par l’abbé Christian-Philipe Chanut avec la participation de Dom Antoine Forgeot, abbé de Fontgombault, avec Édouard Secrétan nous regagnâmes sans plus attendre le périmètre que nous devions occuper à la Concorde. Un cordon de police était déjà présent. Nous étant présentés, un officier nous signifia de quitter immédiatement les lieux puisque la manifestation était interdite. Après avoir demandé à cet agent de vérifier ses ordres et en rappelant la venue de l’ambassadeur des États-Unis le lendemain matin, nous alors trouvé refuge dans un bureau qui avait été mis à notre disposition à l’hôtel Crillon pour alerter les nombreux journalistes qui souhaitaient suivre l’événement. A six heures du matin, l’autorisation fut enfin donnée. Les préparatifs purent commencer Par son initiative, Liliane de Rothschild avait permis aux Français de répondre massivement à l’appel de Jean Raspail.
Au cours de la journée, diverses entraves furent apportées par les forces de l’ordre au bon déroulement de cet hommage. Les camionnettes, dans lesquelles chaque participant pouvait venir signer le livre d’or, furent expulsées du site et durent faire deux fois le tour du périphérique, encadrées par des motards, à une vitesse réduite… avant de pouvoir revenir sur place lorsque la manifestation était terminée.
Avec les services municipaux, nous avions convenu que le ramassage des fleurs, qui seraient déposées à l’endroit même où Louis XVI avait été exécuté deux cents ans plus tôt, ne seraient enlevées par la voirie que le lendemain matin ou tard dans la soirée.
Dès 15 heures, les forces de l’ordre demandaient de mettre fin à la manifestation en avisant que les services de voirie procéderaient et immédiatement à l’enlèvement du monceau de gerbes accumulées sur place et sur toute la longueur de la balustrade de pierre délimitant le côté de la place faisant face à l’hôtel de Crillon.
Dans un dernier appel lancé au micro, j’eus alors l’idée de demander aux nombreuses personnes présentes de porter, en voiture ou à pied, ces fleurs à la Chapelle Expiatoire où nous savions qu’elles pourraient être accueillies avec les innombrables bougies que nous n’avions pas eu l’autorisation de pouvoir allumer.
Un cortège se mit rapidement en route. Les fleurs couvrirent bien vite les autels de la chapelle, le sol de la crypte, celui de l’église supérieure, les marches extérieures qui y conduisent. Il en arrivait encore. Spontanément, les porteurs recouvrirent les tombes aménagées de chaque côté du jardin. Plus d’un millier de pots à feu furent allumés. Le soir était tombé et nous partions lorsqu’une dernière fois j’ai voulu me retourner pour admirer ce spectacle quelque printanier, aux accents féériques et funèbres.
Il fallait se rendre à l’évidence : les menées ourdies par Jack Lang n’avaient pas eu un grand effet. Mais surtout, par une initiative providentielle des forces police qui, peut-être par zèle, avaient voulu hâter la fin de l’hommage rendu à Louis XVI, ces manœuvres avaient revêtu de notre retraite d’un caractère prophétique.
Le ministre, qui avait cherché à faire interdire à tout prix cette journée de commémoration en y faisant apporter le trouble et la confusion, avait finalement contribué, bien involontairement, à donner à cette manifestation civile un caractère presque mystique : deux siècle, jour pour jour, après l’exécution de Louis XVI, les fleurs offertes en sa mémoire par les Parisiens, les Français et bien d’autres personnes venues de l’étranger, au lieu de finir l’après-midi dans une benne à ordure, venaient orner l’endroit où le corps mutilé du souverain avait été déposé mais, davantage encore, recouvraient, dans un authentique sens chrétien du pardon des offenses, les tombes d’un certain nombre des ennemis du roi, qui l’avaient condamné, et dont les dépouilles avaient été ensevelies en ce même cimetière de la Madeleine, après leur exécution capitale, place de la Concorde !
L’histoire de ces diverses commémorations mériterait d’être écrite. Les archives ont été conservées et seront peut-être un jour ouvertes par des chercheurs ou des sociologues. A chaque fois, des fioretti viennent émailler la gravité du moment ou rehausser davantage l’allégresse de l’instant.
Il revient peut-être à Monseigneur Fortunato Baldelli, nonce apostolique en 2004, d’avoir su résumer en une seule et brève formule tout ce que ces élans populaires successifs pouvaient signifier. Au sortir de la cathédrale de Saint-Denis, le mardi 8 juin 2004, à la personne qui le raccompagnait à sa voiture, après avoir assisté à la messe solennelle en l’honneur du Sacré-Cœur célébrée à l’occasion de la déposition du cœur de Louis XVII dans la crypte de la basilique, il réitéra cette réflexion à plusieurs reprises tant il se montrait impressionné : « Je crois que je viens d’assister à la résurrection de la France » !
Jacques Charles-Gaffiot
Historien
J’y étais, avec Jean Raspail et le Prince Sixte-henri de Bourbon-Parme.
Le prince Louis, Duc d’Anjou, était au même moment, à saint-Denis, en compagnie de sa grand-mère, la regrettée Duchesse de Ségovie.
Jack Lang, la Laideur en col Mao !