01 SEPTEMBRE, 2017
En Espagne, l’autorité ecclésiastique vient d’intervenir afin de faire cesser le scandale de prières syncrétistes dans un sanctuaire dédié à la Sainte Vierge. La lecture du communiqué épiscopal, au-delà d’une ferme prise de position, laisse plusieurs questions en suspens.
Ce n’était pas une nouveauté : chaque année depuis huit ans maintenant, des cérémonies interreligieuses se tiennent à l’intérieur du sanctuaire Notre-Dame d’Afrique, à Ceuta, localité située au nord du Maroc, en territoire espagnol.
Ainsi le dimanche 27 août 2017, à l’occasion des fêtes de Ganesh – fête hindoue au cours de laquelle le dieu-éléphant prétendument fils de Shiva est particulièrement vénéré – une effigie de la divinité païenne a pu entrer dans le sanctuaire dédié à la Sainte Vierge, avec l’accord de l’autorité ecclésiastique locale.
Là, des enfants de confession hindoue ont récité un Notre Père aux pieds de la statue de Marie tandis que des fidèles catholiques ont entonné un cantique à Marie… en hommage au dieu Ganesh !
Le scandale a néanmoins connu une issue différente de l’an dernier : alerté par de nombreux fidèles catholiques, le diocèse de Cadix, dont dépend le sanctuaire, a réagi sous la forme d’un communiqué de presse pour condamner cet acte.
Mgr Rafael Zornoza ordinaire du lieu et donc juge en cette affaire, a exprimé « sa profonde douleur pour ce fait lamentable qui a pu causer du dommage, de la confusion, du scandale au sein de la communauté chrétienne, et en tant que représentant de l’Eglise à Cadiz et Ceuta, il demande pardon à tous ceux qui ont pu être blessés, scandalisés ou troublés dans leur foi par cet acte ».
Le recteur du sanctuaire mis en cause, le Mgr Rafael Zornoza – qui est par ailleurs vicaire épiscopal – « a reconnu son erreur », selon les termes du communiqué diocésain qui cherche surtout à apaiser les esprits en arguant du fait que le prêtre n’aurait pas maîtrisé les événements : « À aucun moment, il n’a voulu vénérer autre chose que notre Dieu unique et véritable. Son intention était simplement d’accueillir un geste de respect de la communauté hindoue par une offrande de fleurs à l’extérieur de l’église, et non pas de célébrer un acte religieux commun ». « Il a présenté sa démission, qui a été acceptée », conclut l’évêque.
Cette réaction motivée par des fidèles justement scandalisés est l’occasion de rappeler cette vérité de foi : l’Eglise refuse que toute autre divinité en dehors du vrai Dieu soit adorée, surtout dans un de ses sanctuaires. Ceci est au premier plan des injonctions divines : le premier commandement donné par Dieu à Moïse (Exode 20, 2-5) stipule que le peuple doit rejeter les idoles et n’adorer que Dieu seul.
Une injonction que l’on retrouve en de nombreux endroits dans le Nouveau Testament, notamment dans l’épître de saint Paul aux Corinthiens : « Ne devenez pas idolâtres » (1 Co. 10, 7). Saint Pierre, premier pape, exhorte les chrétiens à être fidèles au vrai Dieu et à son Fils unique, Notre Seigneur Jésus-Christ, le seul Sauveur des hommes : « Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le Ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés » (Ac. 4, 12).
L’Eglise a même inscrit dans son Droit canonique son horreur de la profanation d’un sanctuaire par des actes impies qui sont des injures à Dieu et à la sainteté du lieu, au grand scandale des fidèles. Il n’est alors plus permis d’y célébrer le culte tant qu’une réparation aux moyens de rites pénitentiels n’a pas été effectuée.
Relevons qu’à côté d’une heureuse fermeté, le communiqué de l’évêché de Cadix et Ceuta croit devoir ajouter qu’ « en aucun cas l’amour des membres de la communauté hindoue pour leurs croyances n’est condamné ».
Ceci est en parfaite cohérence avec la nouvelle approche des religions non-chrétiennes que le concile Vatican II a développée dans la déclaration Nostra Aetate. En son paragraphe 2, le document du 23 octobre 1965 considère l’hindouisme et le bouddhisme sous un jour très positif. Ainsi juge-til que par l’hindouisme, auquel appartient le culte de Ganesh, « les hommes scrutent le mystère divin et l’expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie » (sic). Aussi, continue la déclaration conciliaire, « l’Eglise considère avec un respect sincère (leurs) règles et (leurs) doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes ». Un tel langage s’accorde mal avec les exemples des missionnaires qui, à la suite d’un saint François Xavier (1506-1552)bou d’un saint Jean de Brito (1647-1693), n’ont pas hésité à risquer leur vie pour témoigner de la vraie foi et pourfendre les mythes païens, l’emprise des Brahmanes et le culte des idoles.
S’il est heureux que l’acte syncrétique qui a eu lieu le 27 août dernier soit condamné, ne convient-il pas de s’interroger sur une certaine confusion des genres entretenue depuis cinquante ans ? Comment des fidèles et des prêtres en sont-ils venus à de tels comportements ? A l’origine de tels errements, se trouve le dialogue interreligieux et l’œcuménisme tous azimuts qui font perdre à l’esprit de foi sa force et sa saveur, tel le sel qui s’affadit (cf. Mt 5, 13). La déclaration conciliaire Nostra aetate, en envisageant de manière irénique et toujours positive les relations entre catholiques et infidèles, porte une grave responsabilité.
De la même manière, à ce type de réunions syncrétistes fait écho l’inculturation dans la liturgie catholique de rites et de gestes venant d’autres religions. Rappelons, à la suite de Marie Malzac dans La Croix, que c’est sous le pontificat de Paul VI, en 1969, soit quatre ans après Nostra Aetate, que le Vatican a autorisé « douze éléments d’adaptation » pour la célébration de la messe selon les coutumes indiennes, comme la salutation avec les mains jointes devant le nez pour remplacer la génuflexion et l’échange de paix, ou l’utilisation d’encens, de fleurs et de lampes à huile sur un mode païen… Mais, même au pays des maharadjas, l’« indianisation » de la messe ne fait plus recette, et – relève la journaliste de La Croix – depuis quelques années « les Indiens chrétiens préfèrent le rite romain, avec servants d’autel et surplis en dentelles ».
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