L’abbé Claude Barthe est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués sur la crise actuelle de l’Eglise. Il se consacre également à la défense et à l’explication de la liturgie romaine classique, pour ne pas dire « normale » ou « traditionnelle ». Nous apprécions son travail tant par la qualité de ses analyses que par l’érudition dont il fait preuve. Avec cette Histoire du missel tridentin il nous offre un livre riche et passionnant que nous recommandons vivement.
Etudier et expliquer la longue histoire de la liturgie ne signifie pas s’arrêter au fondamental Concile de Trente et ses suites. L’histoire de l’Eglise, contrairement aux fantasmes de certains, ne commence pas en 1545 pas plus qu’en 1962. Ceci étant dit, pour présenter une étude sérieuse et complète il convient de remonter aux origines, lorsque les premières communautés chrétiennes répétaient les gestes de Jésus en mémoire de Lui. Sur ce sujet précis, il rappelle que : « le christianisme n’est pas le fruit du judaïsme rabbinique, mais le judaïsme de l’après-Temple et le christianisme ont eu une gestation commune : ils sont cohéritiers et non héritiers l’un de l’autre. » Ainsi, il est essentiel de savoir que la messe est la réalisation du sacrifice non sanglant de Jésus Christ. Au cours de celle-ci, tout renvoie à Notre Seigneur : « la messe est la représentation de la vie du Christ, depuis son Incarnation (la procession d’entrée correspond à l’entrée du Christ dans le monde, le chœur qui chante l’introït est le chœur des Prophètes qui annonçait sa venue), jusqu’à l’Ascension (à laquelle correspond l’Ite missa est). » Tout au long de son étude, l’abbé Barthe rappelle des vérités et des enseignements méconnus voire oubliés : « Le Gloria, dans la grande doxologie antiarienne (attribuée pieusement à Saint-Hilaire), a été un chant de l’office divin au titre d’hymne de l’aurore. Son intégration à la messe est propre à la liturgie romaine et aux liturgies romanisées, d’abord à Noël, puis le dimanche et aux fêtes de martyrs, dont l’intonation d’abord réservée à l’évêque s’est étendue à tout prêtre. » Il explique également le sens profond du baiser du prêtre à l’autel : « le baiser à l’autel est le symbole du baiser que l’humanité du Christ donne à la divinité, comme le baiser de la bouche de l’Epoux à l’Epouse dans le Cantique des Cantiques. » Entre deux explications théologiques, l’abbé Barthe fournit des repères historiques forts intéressants : « le premier missel romain imprimé connu fut achevé le 6 décembre 1474, à Milan (il en existe deux exemplaires), par l’imprimeur Zarotto. » Il poursuit en précisant : « la marque propre de la liturgie tridentine est qu’elle est réglée, elle est un miroir, dans la loi de la prière, de la regula fidei de Rome. » Il donne de l’ampleur à son propos en évoquant le grand renouveau liturgique du Grand Siècle : « il y eut, au XVIIème siècle, dans toute l’Europe, un mouvement de renouvellement des études ecclésiastiques dans les grands séminaires, fondés sur un esprit tridentin, pour une bonne formation intellectuelle et spirituelle des futurs prêtres. Il ne se démentit pas tout au long du XVIIIème siècle, de sorte que le Clergé de l’Ancien Régime, qu’il soit gallican ou pro-jésuite, était dans l’ensemble un corps savant et zélé. » Malheureusement, l’histoire de la liturgie ne fut pas celle d’un long fleuve tranquille : « Après le Concile Vatican II, les modifications seront telles qu’elles mettront fin à l’époque tridentine de la liturgie romaine pour la faire entrer dans une autre époque, mais ceci est une autre histoire. » Cependant, l’abbé Barthe en guise de conclusion et d’espoir pour l’avenir estime que « l’histoire du missel tridentin est loin d’être terminée ».
Ce livre nous plonge littéralement dans l’histoire de la liturgie romaine qui fut en quelque sorte canonisée par le Concile de Trente, après avoir été stabilisée au Moyen Age. A l’appui de nombreuses et utiles références historiques, nous découvrons l’histoire du missel de Pie V à Jean XXIII. L’auteur développe des idées fortes pour saisir la pertinence des gestes liturgiques au cours du déroulement de la messe. Il revient également sur l’auto-survivance du missel tridentin, qui finit malgré tout par être consacré par les autorités romaines avec le motu proprio Summorum Pontificum, publié le 7 juillet 2007. Un livre passionnant et essentiel pour connaitre l’histoire du missel tridentin et comprendre les enjeux des différentes réformes liturgiques.
Franck ABED
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/histoire-du-missel-tridentin-et-de-197084
Merci à Frank Abed d’attirer notre attention sur la Messe Tridentine par cette pertinente analyse.
Excellente chronique d’Abed Franck qui confirme jour après jour tout le bien que je pense de lui.