Deuxième édition de l’étude de chouandecoeur sur la Triple Donation mise en ligne le jeudi 26 Septembre 2019 avec une analyse supplémentair.
Pour la première édition qui comporte aussi la liste des tags ( voir la colonne de droite) voir : https://chartedefontevraultprovidentialisme.wordpress.com/2019/09/26/26081/
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« Il faut prendre le problème par le bon bout de la raison ! » (Joseph Rouletabille – Le Mystère de la Chambre Jaune).
La Triple Donation, le 21 juin 1429 : IMPOSSIBLE !
Commentaires, après lecture approfondie, sur le livre de Louis-Hubert Remy
« Dossier sur la Triple Donation – Le plus grand événement de l’Histoire de France » Editions ACRF (2017).
1. « Lire, c’est relire ! »
C’était le leitmotiv de notre bien cher et regretté Charles Barbanès.
Fondateur et administrateur du blog CRIL17 (Cellule de Recherche sur Internet de Louis XVII), il nous a hélas quitté il y a presqu’un an maintenant, après nous avoir laissé son livre fort bien documenté sur le mystère du cimetière Sainte-Marguerite à Paris, et de l’enfant du Temple : « Autopsie d’une fausse vérité ». https://chartedefontevraultprovidentialisme.wordpress.com/2019/01/31/franck-peyrot-charles- barbanes-et-le-mystere-de-la-mort-de-louis-xvii/
. Rappel :
Depuis la naissance du forum du Conservatoire de la Triple Donation, la recherche principale du site tourne autour de la date, et par conséquent du lieu, où a pu être réalisée cette Triple Donation du Royaume de France. Consulter par le lien suivant : www.jeannetripledonation.forumactif.com
La date constamment citée est le 21 juin 1429, à 16h00.
Pour la première fois, elle est évoquée en 1923 par le Père Théotime de Saint-Just dans une note (page 10) de son livre : « La Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ, d’après le cardinal Pie », mais où il ne donne aucune source documentaire pouvant corroborer ce quantième et ce mois.
Depuis, elle a été reprise pour argent comptant par de nombreux auteurs écrivant sur la Triple Donation ; et même le site internet Wikipédia, comme si c’était un fait historique acquis, énonce sansscrupule dès la troisième ligne de son article sur la commune de Saint-Benoît-sur-Loire : « Cette commune est connue pour avoir été le théâtre de la Triple donation de Jeanne d’Arc auDauphin Charles en 1429 ». Vous remarquerez quand même que la date n’est pas reprise par le site en question.
Il semble bien que cet emballement autour de cette date soit dû à Louis-Hubert Remy et à ses deux livres : « La vraie Mission de Jeanne d’Arc – Jésus-Christ Roi de France » (2012), et surtout : « Dossier sur la Triple Donation – Le plus grand événement de l’Histoire de France » (2017), qui tous les deux ont relancé indiscutablement la curiosité et l’intérêt pour cette scène importante et méconnue de notre Histoire.
Quant au lieu, ici Saint-Benoît-sur-Loire, il est déduit par Louis-Hubert Remy (il l’avoue lui-même plusieurs fois dans ses ouvrages) de la date de Théotime de Saint-Just, prise comme postulat, en recherchant ensuite le parcours et la localisation présumés de Jeanne d’Arc en ce 21 juin… « Car Théotime, homme honnête et sérieux, ne peux avoir inventé cela ! «
. Les doutes :
J’ai toujours « tiqué » sur cette date du 21 juin, principalement à cause du manque de source documentaire, mais aussi par le contexte psychologique de Charles VII dans ces jours-là. Malgré le retentissement des victoires sur la Loire, en particulier celle de Patay (18 juin), malgré la liesse de la population, malgré l’attente des Orléanais dans la venue de leur monarque pour lui faire montre de l’espérance retrouvée, Charles ne manifeste aucune joie, aucune reconnaissance, aucune empathie. Bien au contraire, jusqu’au 21 juin, il reste enfermé chez le plus mauvais de ses conseillers, La Trémouille, celui qui se complait à le confiner dans son inclination dépressive, bref à le désespérer pour conserver son poste, son influence et son pouvoir. Ce 21 juin, Charles est fermé comme une huître… il ne peut rien entendre de ce qui vient du Ciel !
Puis, avec la découverte du livre du Lieutenant-Colonel F. de Richemont (Louis Auguste Ferdinand Lemercier des Maisoncelle Vertille de Richemont): « Jeanne d’Arc d’après les documents contemporains » (1912, Paris, Librairie Saint-Paul), dont j’ai parlé dans un autre article intitulé : « La Triple Donation, le 21 juin 1429, et à Saint-Benoît sur Loire… difficile à croire ! », c’est sur le lieu même de Saint-Benoît sur Loire que j’ai « tiqué ». En effet, tous les historiens n’interprètent pas les mêmes documents d’époque d’une façon identique et quelques variantes (à 1 jour près) existent sur la localisation de Jeanne et de Charles les 21 et 22 juin 1429.
Mais aujourd’hui, le fait que Jeanne et Charles soient passés à Saint-Benoît sur Loire le 21 ou le 22 juin en se rendant à Châteauneuf-sur-Loire, n’a plus beaucoup d’importance comme vous allez le constater par la suite…
. « Mais, lisez mon livre ! »
C’est à la suite de cet article et de la réponse de Louis-Hubert Remy, comme à ses multiples injonctions, que j’ai repris son livre, « Dossier sur la Triple Donation – Le plus grand événement de l’Histoire de France » (2017), que j’avais lu une première fois, mais sans doute trop en diagonale.
Oui, c’est bien vrai, je confirme « lire c’est relire », et j’ai relu ce livre complètement et mot à mot trois fois de suite, en prenant bien soin d’écrire des notes. Je crois que je le connais presque par cœur, au moins les passages les plus importants pour notre affaire de date.
Je ne peux que remercier Charles Barbanès pour son conseil, comme Louis-Hubert Remy pour son insistance.
2. Résumé synthétique du livre
C’est un excellent livre !
Avec ses 228 pages, il est constitué de cinq chapitres, précédés d’une introduction générale et terminés par une annexe écrite par Marie-Christine Remy. Ce sont les suivants :
. Introduction (pages 3 > 6),
. Chap. 1 : Léopold Delisle (pages 7 > 34), . . . Chap. 2 : Le Révérend Père Ayroles (pages 35 > 46 / 47 > 60 / 61 > 76),
. Chap. 3 : L’Enseignement de Rome (pages 77 > 88),
. Chap. 4 : Le Révérend Père Dondaine (pages 89 > 106 / 107 > 184 / 185 > 188),
. Chap. 5 : La vraie mission de sainte Jehanne d’Arc – La Triple Donation (pages 189 > 218), . Annexe : Les voix de Jehanne d’Arc (Pages 219 > 222).
Il est important de rappeler que cet ouvrage, comme son titre l’indique, est un DOSSIER, c’est-à-dire constitué d’un rassemblement de textes épars, écrits par des auteurs différents, et regroupés par Louis-Hubert Remy, dans le but de démontrer ou d’éclairer une thèse.
Tout est très captivant dans ce livre.
Le chapitre 1 et le chapitre 4 (spécialement ce dernier) nous apportent des informations nouvelles extrêmement importantes au sujet des sources documentaires de l’événement « Triple Donation », et en particulier de la date de ces sources.
Le chapitre 2 n’est qu’un rappel commenté du chapitre 1, suivi d’un écrit sur les conséquences pour la France de cet acte officiel.
Le chapitre 3 est le décret pontifical pour la cause de la béatification de Jeanne, où le rappel de la prééminence du Christ comme Roi de France et la lieutenance de Charles sont reconnues comme missions de Jeanne.
L’annexe est un texte fort intéressant, mais ne concernant pas la Triple Donation.
Quant à l’introduction et le chapitre 5, nous les évoquerons à la fin de cette étude.
Le Chapitre 1 : Sur le Brevarium Historiale
C’est le chapitre qui nous présente l’existence du manuscrit « Brevarium Historiale » ou « Abrégé de l’Histoire ».
Il faut bien comprendre que, pour le moment, ce « Brevarium Historiale » est la seule source documentaire de l’existence de la Triple Donation.
. Le texte d’origine
Ce document a été retrouvé par le comte Ugo Balzani et retransmis en France par Léopold Delisle. On y apprend qu’à l’origine cette compilation historique, qui n’a jamais été terminée, a été écrite sous le nom de « Brevarium Historiarum » pendant le règne de Charles IV le Bel entre 1322 et 1328, donc un siècle avant Jeanne d’Arc, par un chanoine de Chartres, Dom Landolphe de Colonna.
A ce stade, ce texte ne parle aucunement de la Triple Donation !
. Le texte mis à jour
Un siècle plus tard, en 1428, il va être repris et réutilisé par un clerc, inconnu pour Ugo Balzani comme pour Léopold Delisle avec, pour ce dernier, par certains indices existant dans le texte, la quasi-certitude qu’il est Français et en poste à Rome auprès du Pape Martin V.
Quand on parle de reprise et de réutilisation, cela signifie que c’est un copier-coller avant l’heure, avec certaines modifications et mises à jour jusqu’en 1428. A la page 20, Léopold Delisle écrit : « C’est du Brevarium Historiarum que dérive en grande partie le Brevarium Historiale rédigé à Rome en 1428. »
A ce stade, ce texte ne parle toujours pas de la Triple Donation !
. Le rajout sur la Geste de Jeanne d’Arc
C’est en l’année 1429, et plus exactement dans la première moitié de l’année que « le clerc français inconnu » encore à Rome, va faire, sur son propre exemplaire, une mise à jour dédiée uniquement aux événements incroyables qui se passent en France par l’arrivée et l’intervention de La Pucelle.
C’est à ce stade seulement, et par ce rajout, que le Brevarium Historiale PARLE de la Triple Donation !
Je dirais, cependant, qu’il en parle avec un bémol… car le sujet principal du rajout n’est pas la Triple Donation, mais bien la personne de Jeanne et la surnaturalité de ce qu’elle dit, de ce qu’elle fait et comment elle le fait.
Et puis, enfin, tout à la fin de son texte (c’est le dernier paragraphe), « le clerc inconnu » conclut par l’évocation de la Triple Donation en commençant par ce « Quid plura ? – Que dire de plus ? ».
Apparemment, ce qui suit immédiatement cette entrée en matière, le récit de la Triple Donation, ne semble pas avoir pour lui beaucoup plus d’importance que ce qu’il connait jusqu’à présent des réalisations de Jeanne… En quelque sorte, il finit le rajout sur la Pucelle par : « Ah, j’allais oublier… » Commence alors le récit : « Un jour… », sans plus de précision.
Ça, c’est l’apparence !
Mais n’oublions pas que ce rajout est écrit dans l’esprit d’une « Histoire Brève », donc courte et concise, n’informant que du strict nécessaire. Alors sous cet éclairage, on comprend mieux ce « Que dire de plus ? » : c’est au contraire la réflexion mentale du « clerc inconnu » du choix qu’il va faire sur ce qui pour lui est le plus représentatif de la surnaturalité de Jeanne, parmi d’autres choses qu’il connait d’elle.
En fait, il termine son œuvre par le passage qui, prophétiquement, est le plus important pour son pays.
Le Chapitre 4 : Sur l’apport capital du Révérend Père Antoine Dondaine
Jusque-là, Ugo Balzani, Léopold Delisle et nous-mêmes ne savons rien de l’identité du « clerc inconnu » ni de la date de son rajout dans son Brevarium Historiale, sinon que c’est entre le 1er janvier et le 30 juin 1429.
(Cf. page 18, la citation de Léopold Delisle « Ainsi la composition du Brevarium Historiale [dans sa totalité, c’est nous qui précisons] est au plus tard du milieu de l’année 1429 […] »
Le Révérend Père Dondaine va alors nous révéler, et le nom du « clerc inconnu », et quand il a écrit ce rajout au Brevarium Historiale.
Le chapitre 4 est la partie cruciale du livre de Louis-Hubert Remy !
. Antoine Dondaine, qui est-ce ?
Le Révérend Père Dondaine n’est pas n’importe qui. C’est un médiéviste, c’est un savant, une « pointure » de l’Histoire du Moyen-Age et surtout un spécialiste des documents et manuscrits d’époque. Il a été formé à la fois scientifiquement et théologiquement, et il connait parfaitement la méthode historico-critique.
On peut lui faire confiance parce qu’il donne ses sources :
(Cf. page 92 : […] l’histoire ecclésiastique doit se construire à l’aide d’une méthode critique et d’un accès direct AUX SOURCES dont il importe de mesurer tant l’authenticité que la crédulité).
(Cf. page 99 : […] pour Antoine Dondaine, l’avancée de la connaissance ne peut s’effectuer en dehors d’un recours privilégié et scientifique aux textes médiévaux […] il s’irrite de devoir montrer sans cesse « aux bonzes de la science médiévale qu’il faut lire les textes pour en parler. »).
. Que nous apprend-il ?
Que nous découvre Antoine Dondaine ?
C’est dans son Archivum Fratrum Proedicorum volume XII (1942) que tout s’éclaire.
Il nous révèle, dans l’ordre, que :
1. Le clerc inconnu est Jean Dupuy, Inquisiteur à Toulouse depuis 1411, et évêque de Cahors en 1431.
2. Il est l’auteur de l’ouvrage De Potestate sur les pouvoirs du Pape et ceux du Concile (il y a déjà les partisans du Pape et ceux du Concile qui s’opposent).
3. Il est l’auteur du Collectarium Historiarum, écrit à partir du Brevarium Historiarum de Landolphe Colonna déjà cité plus haut.
(Cf. page 143 – Antoine Dondaine écrit : Les recherches historiques entreprises par Jean Dupuy en vue de son traité De Potestate (1432) lui avait appris à ses dépens combien était fastidieuse la lecture des grandes compilations des siècles précédents. […] Ne pouvait-on pas résumer et simplifier, rendre maniable ces chroniques ? […] Jean se proposa un travail plus modeste, un compendium ou résumé de l’histoire générale. […] Jean Dupuy résolut de reprendre le travail – de Landolphe de Colonna – selon sa méthode et de le mener à bonne fin : le Collectarium Historiarum est le fruit de cet effort).
4. Il écrit donc ce Collectarium Historiarum et le termine en fin d’année 1428. Ce document prend le nom de Brevarium Historiale au moment où il est édité à Poitiers en 1479.
5. Il fait une dernière mise à jour qui achève la chronique le 22 avril 1429 et peu après écrit à Rome la partie additionnelle sur Jeanne d’Arc (voir page 168).
6. ATTENTION, à partir de maintenant dans ce chapitre 4, Antoine Dondaine nous donne la substantifique moëlle de ce que nous recherchons dans notre forum https://jeannetripledonation.forumactif.com/forum:
. Page 168 et 169 – Antoine Dondaine donne des précisions primordiales :
[…] le contenu du fragment sur Jeanne exige une date de composition aussi rapprochée que possible des événements d’Orléans. Il ignore en effet les succès rapides qui allaient bientôt confirmer la délivrance de la ville : Jargeau, où Suffolk fut fait prisonnier (12 juin), Beaugency (17 juin), Patay (18 juin) ; les Anglais se retirèrent précipitamment vers Paris, laissant Talbot aux mains des vainqueurs. Il n’est pas fait non plus allusion à la marche sur Reims et au sacre du roi Charles VII (17 juillet). Enthousiasmé par le miracle d’Orléans, Jean Dupuy n’aurait pu se taire si ces événements avaient déjà été connus à Rome, ils étaient une confirmation trop éclatante de la mission divine de Jeanne, hardiment soutenue par lui.
Il faut donc dater le chapitre additionnel de la fin du mois de mai 1429 ou des premières semaines de juin. DANS CES CONDITIONS la question d’authenticité ne peut faire de difficulté.
Vous avez bien lu ?
Eh bien, je vous demande de relire encore… et une 3ème fois si nécessaire !
Ceci fait, à présent nous devons quitter un instant Antoine Dondaine, pour demander son aide à notre ami Joseph Rouletabille qui, pour résoudre énigmes et mystères, nous enseigne de « prendre le problème par le bon bout de la raison ».
Quel est le « bon bout de la raison » dans la quête qui nous occupe (la date de la Triple Donation) ? Il est le suivant :
Tout événement rapporté par écrit est évidemment antérieur à cet écrit !
Sinon, c’est du prophétisme, de la prédiction, ou encore de la divination.
Revenons à Antoine Dondaine.
Il faut donc bien en convenir :
Si le rajout sur le Brevarium Historiale a été écrit tout de suite après le miracle d’Orléans, et compte- tenu du temps du voyage à Rome pour porter urgemment la nouvelle, soit 10 à 15 jours (*), Jean Dupuy a dû la recevoir au plus tôt entre le 18 et le 23 mai… et il a aussitôt rédigé sa note.
C’est donc bien vers la fin mai ou dans les deux premières semaines de juin, que Jean Dupuy parle de la Triple Donation qui, forcément, a eu lieu AVANT !
(*) Comme quoi les nouvelles allaient vite à cette époque !
A la page 171 du livre, il est précisé : « […] entre le 10 et le 15 mai, la date est incertaine, Pancrazio Giustiniani écrivait de Bruges à son père Messer Marco à Venise, pour lui annoncer les événements. »
C’est donc maintenant très clair et indiscutable, et confirmé dans ce livre par le Père Dondaine :
La Triple Donation, le 21 juin 1429… EST IMPOSSIBLE ! CQFD.
Vous comprenez maintenant que :
1. Théotime de Saint-Just a donné une date non sourcée qui se révèle fausse, mais qui, hélas, a été diffusée à tout va… Il va donc falloir corriger !
2. Louis Hubert Remy ne peut qu’abandonner sa thèse du 21 juin à Saint-Benoît sur Loire, qu’il défend dès l’introduction de son livre :
(Cf. Introduction page 6 – Les travaux fouillés, irréfutables, de RP Dondaine qui prouve que l’auteur du texte de la Triple Donation (*) fut Mgr Jean Dupuy, O.P. évêque de Cahors et qui en plus donne une date précise de cet écrit (*) « fin du mois de mai 1429 ou des premières semaines de juin. Dans ces conditions la question d’authenticité ne peut faire de difficulté ».
Quand le RP Théotime de Saint-Just précise que ce fut le 21 juin à 16h00, il avait en main un document que nous n’avons pas redécouvert. Le texte du RP Dondaine confirme à quelques jours près cette date »)
(*) Note de Chouandecoeur :
LHR aurait dû écrire « que l’auteur du texte AU SUJET DE la Triple Donation », et non « que l’auteur du texte DE la Triple Donation » … en fait l’auteur du Brevarium Historiale.
Même chose, plus loin dans la même phrase.
Dans la phrase suivante il est évident que Théotime de Saint-Just et Antoine Dondaine ne parlent pas du même événement : l’un parle de l’événement « Triple Donation », l’autre parle de l’événement « écrit du rajout au Brevarium Historiale » !
Ensuite, Louis-Hubert Remy répète sa thèse plusieurs fois dans son chapitre 5, aux pages 191, 194, 195 et 196.
Mais à la page 195, il fait une singulière erreur, difficilement compréhensible :
« L’événement historique qui va être relaté [la Triple Donation], nous est assuré par le témoignage qui est cité dans le Brevarium Historiale, texte rédigé peu après, au cours de l’été 1429, pour le pape Martin V (qui, lui, ne doutait pas de la légitimité du dauphin Charles). »
Et pourtant, la moitié de son livre (100 pages sur 228) est consacré au Père Dondaine qui nous explique avec force et érudition, et nous prouve, que ce texte a été rédigé fin mai 1429 ou avant le 15 juin au plus tard…, donc avant le 21 juin, et donc avant l’été 1429, et alors qu’il cite cette phrase de Dondaine dans son introduction !
3. La recherche de la preuve de la présence de Jeanne et de Charles à Saint-Benoît sur Loire le 21 ou du 22 juin n’a donc plus aucun intérêt dans notre quête.
. Avant Orléans !
Mais, c’est aux pages 177 et 178 où la réflexion du Père Dondaine atteint son summum de pertinence :
Antoine Dondaine pense logiquement que la Triple Donation a eu lieu AVANT la victoire d’Orléans.
« […] Faut-il croire pour autant avec H. Debout que la scène (de la Triple Donation) n’eût lieu qu’après la délivrance d’Orléans ? Nous ne le pensons pas.
L’intention de Jeanne était déjà clairement manifestée dans sa requête du 11 mars, il n’y a aucune raison de penser qu’elle aurait attendu pour renouveler sa demande jusqu’après la réalisation du signe promis comme gage de sa mission, elle exigeait un plus bel acte de foi de la part du roi avant le triomphe d’Orléans. »
L’explication qu’il fournit de l’intention de Jeanne donne un éclairage non seulement surnaturel mais aussi mystique à l’acte qui se produit.
Comme je l’ai développé sur le forum https://jeannetripledonation.forumactif.com/forum il y a quelque temps en réponse à la question de Maryvonne : « la Triple Donation avant ou après le sacre ? », la Triple Donation ne peut s’être produite QU’AVANT et non APRES le sacre de Reims, et je lui donnais alors comme raison :
« [comme saint Martin a donné la moitié de son manteau, moitié qui lui appartenait en propre], Jeanne fait demande à Charles de la part du royaume qui lui appartient en propre par sa naissance, c’est-à- dire son royaume « de jure », sa part d’héritage du Royaume de France, bref ce qu’il peut légitimement donner en propre. Après cette première donation, il a TOUT donné ; officiellement il est totalement dépouillé, je dirais « ruiné », et ne possède plus rien juridiquement… C’est bien « le plus pauvre chevalier du Royaume ! »
Avec Antoine Dondaine, on a une précision supplémentaire justifiée par le commentaire qu’il en fait : la Triple Donation ne peut s’être produite QU’AVANT la victoire d’Orléans.
L’union des deux explications éclaire l’intention de Dieu et ce qu’Il attend du Dauphin : Charles doit se dépouiller de tout ce qui est encore humain avant toute intervention divine sur ses ennemis, pour que celle-ci soit perçue par les Grands et le peuple comme uniquement divine.
C’est ce que reconnaitra Jean Dupuy dans son rajout au Brevarium Historiale.
Alors, seulement après cette Donation, Dieu agira Lui-même et « le Roi du Ciel fera pour lui ce qu’Il avait fait pour ses prédécesseurs et le rétablira dans l’état d’autrefois. (Jeanne) »
Charles a fait acte d’obéissance et d’hommage-lige… la victoire d’Orléans en est l’acquiescement divin !
3. Quand et où – Prospective
Pour terminer cette petite étude, faisons un peu de prospective :
Si la Triple Donation, comme le suppose Antoine Dondaine, a eu lieu avant Orléans, quelle pourrait en être la date la plus probable, peut-être parce que la plus digne de sens, et signe pour nous tous ?
Je n’en vois qu’une seule : Le Vendredi 25 mars 1429 !
C’est à la fois la fête de l’Annonciation et le Vendredi Saint de la Rédemption, donc le jour du Jubilé du Puy-en-Velay, ville où sont présents ce jour-là Isabelle Romée, mère de Jeanne, à la place de sa fille, Jean de Metz et Bertrand de Poulangy, Jubilé du Puy appelé encore « Grand Pardon ».
Cette date du 25 mars 1429 pour la Triple Donation ne serait-elle pas un signe pour « annoncer » à la France son « grand pardon » et sa résurrection par la reconnaissance de la légitimité de son Roi… en Nom Dieu ?
Où étaient Jeanne et Charles ce jour-là ?
A Poitiers… c’est une piste pour notre recherche !
N’oublions pas non plus, encore une fois, le contexte psychologique de Charles en cette fin mars 1429. Il a alors le moral au beau fixe. Quinze jours avant, Jeanne lui a révélé son secret et tous les courtisans et témoins ont vu, sortant de la petite pièce où ils s’étaient isolés, le visage du dauphin radieux comme jamais… C’est encore tout frais et, pour Charles, Jeanne et Dieu, c’est vraiment le moment !
Et ce serait bien dans l’esprit de Jeanne de nous donner un signe (de piste ?), une illustration de la Triple Donation et de sa date, dans les insignes qu’elle a fait faire quelques semaines après. Je veux parler de son pennon (*), de la « bannière des prêtres », et de son étendard.
Comme on le voit sur l’image :
Le pennon de Jeanne représente l’Annonciation.
En effet Jeanne « annonce ». Elle annonce à Charles, elle annonce aux capitaines, elle annonce aux Anglais. A ces derniers, avant chaque bataille, elle annonce par lettre ce qui va leur arriver s’ils ne quittent pas le Royaume.
(*) Remarque : Le pennon est un petit drapeau en forme de triangle dont une pointe est dirigée vers le haut, servant à indiquer au sein d’un bataillon, l’endroit de la présence physique du commandant. Il est porté par un simple chevalier servant sous les ordres d’un suzerain.
. La « bannière des prêtres » représente la Rédemption.
Ce choix rappelle que les prêtres seuls, et eux seuls, ont le pouvoir de renouveler dans la Sainte Messe le sacrifice du Calvaire. Levée bien haut, cette bannière indique à tous le lieu où des prêtres sont présents.
. L’étendard de Jeanne représente la Donation.
C’est bien l’illustration de la triple Donation, dans les anges, représentant Charles et Jeanne présentant au Christ en majesté, vrai Roi de France, le don du Royaume figuré par les deux fleurs de lys.
Tout le 25 mars 1429 y est !
« Si Je leur parle en parabole, c’est qu’ils regardent sans regarder, qu’ils écoutent sans écouter et sans comprendre. » [Matthieu 13, 1-23]
Cependant, ce n’est qu’une interprétation de ma part.
Pour conclure, j’ai une pensée affectueuse pour Charles Barbanès qui m’a beaucoup encouragé à « lire et à écrire » ; je remercie vivement Louis-Hubert Remy pour son livre qui nous a fait avancer à pas de géant dans nos recherches.
Et puis, je vais finir par la citation de Joseph Rouletabille, phrase clef, sésame qui lui ouvre la porte de la mystérieuse Chambre Jaune et de la solution, tout comme le livre de LHR nous conduit apophatiquement * vers celle de la date de la Triple Donation : « Le presbytère n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat ».
*L’adjectif apophatique permet de désigner un mode de pensée ou un mode de communication qui consiste à n’utiliser que des termes ou des idées négatives pour évoquer une chose, une personne ou une action.
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/apophatique/
La voici en gage de consolation :
« Le Monastère (de Saint-Benoît) n’a rien perdu de son charme ni le jardin (du cloître) de son éclat » même si la Triple Donation n’a pas eu lieu … en ce lieu.
Et la voilà en gage d’espérance : « Le Ministère (du Roi) n’a rien perdu de son charme ni le jardin (de France) de son éclat. »
Chouandecoeur