Votre serviteur a voulu écrire cet article à l’attention de nos amis transalpins. Les Royalistes Français d’un certain âge seront heureux de se voir conforter dans leurs traditions et dans leur Foi. Les plus jeunes apprendront peut être quelque chose…
A L’ORIGINE DE LA CHEVALERIE : UNE CREATION ROYALE
Sans doute la Chevalerie représente-t-elle encore aujourd’hui le legs le plus estimé, sinon le plus vivant, de l’héritage Chrétien: qualifier quelqu’un de Chevalier, estimer Chevaleresque un comportement, une action, c’est formuler une éloge. Le mot chevalerie exprime, comme le remarque avec raison Victor Euphémien Philarète Chasles (1798-1873), un ensemble de mœurs, d’idées, de coutumes, particulier au Moyen Age européen et dont l’analogie ne se retrouve pas dans les annales humaines. La notion a traversé les siècles, depuis qu’elle a été définie, magnifiée et véhiculée par toute une littérature épique et romanesque. Mais peu se rappellent que la Chevalerie est une création Royale.
L’histoire de la Chevalerie commence avec HUGUES CAPET. Selon François Sicard, Histoire des institutions militaires des Français, (éd. Corréard, Paris, 1835) https://books.google.fr/books?id=24FAAAAAcAAJ&hl=fr&source=gbs_similarbooks, à l’issue de l’élection de Senlis, se fait jour dans l’esprit du nouveau Roi l’idée d’une milice Royale ayant pour but de contraster les féodaux rebels des temps Carolingiens finissants. La cavalerie lourdement armée, avec homme en armure qui combat avec la lance ou l’épée, fait partie de l’appareil militaire Carolingien. Le Roi et chaque féodal possèdent leur propre cavalerie.
L’idéal d’une milice Royale Chrétienne lui est donnée par l’Evangile de Saint-Luc :
–Puis Il (il s’agit de N.S. Jésus-Christ) leur dit : « Quand je vous ai envoyé sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose? » – « De rien! », dirent-ils. Et Il leur dit : Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même qu’une besace, et que celui qui n’en a pas vende son manteau pour acheter un glaive (Luc 22:35-36).
Reprenant les Saintes Ecritures, l’oeuvre d’Eudes (ou Odon) de Cluny,( 878 ou 879 ou 882 – 942) rédigée peu avant l’An 942, sur la vie de Saint-Géraud d’Aurillac (855-909), un Comte imprégné d’une grand foi Chrétienne qui, depuis le décès de son épouse, vit comme un moine dans le siècle et n’utilise sa cavalerie que pour secourir les pauvres et les déshérités de son Comté et leur assurer la justice, appliquant à la perfection la religion pure et sans tache devant Dieu : secourir les veuves et les orphelins, et se garder de toute souillure du monde (Jacques 1:26). Lorsque son fils atteint l’âge de porter les armes et de le substituer à la tête de son fief, il se retire dans un vrai couvent et finit véritablement sa vie comme un moine.
La figure de Saint-Géraud d’Aurillac (855-909)est présenté comme l’idéal du Chevalier, cavalier pieux et milicien Chrétien au service du Roi. L’idéal du Chevalier est sensiblement le même que l’idéal proposé au Roi de France: combattre pour le droit et la justice, protéger les clercs, les femmes, les faibles, les pauvres, l’Eglise et le Saint-Royaume de France. Cette Chevalerie est consacrée à la Très Sainte Vierge Marie. On ne peut comprendre le recul de la brutalité féodale que par un action Royale continue, héréditaire, qui oppose une Chevalerie dévouée à des soudards à cheval, stipendiés par des féodaux brutaux et grégaires les utilisant comme des mercenaires.
Et on comprend que l’Eglise, pour contrôler ces guerriers turbulents à cheval et leur donner l’idéal Chevaleresque, de s’emparer au passage de l’institution Chevaleresque en y introduisant des rites religieux. Les formules liturgiques, inspirées de la remise d’arme de Charlemagne à son fils Louis le Pieux, rappellent cet idéal et le jeune Chevalier, après une nuit passée en prière, jure au petit matin, à genoux et sur l’évangile, de défendre l’Eglise, les veuves, les orphelins, les faibles, d’observer les règles Chrétiennes, d’être juste, d’aimer la Paix et de combattre non pas pour tuer les hommes mais pour atteindre les puissances du mal au travers de ceux qui les défendent.
Le Roi, ou celui qui adoube le Chevalier en son nom -ce ne peut être qu’un Chevalier confirmé- prononce la formule suivante: » Par le Tout Puissant, Par Notre-Dame, par Saint-Georges et par Saint-Michel, je te fais Chevalier et te donne le pouvoir de porter les armes et d’administrer la justice! » en posant l’épée sur l’épaule droite, sur la tête puis sur l’épaule gauche du Chevalier. La Chevalerie constitue donc la gendarmerie du Roi, elle assure l’ordre public dans le Royaume et la protection Royale, comme la défense de l’Eglise. Le Chevalier novice, ou « bas Chevalier« , est dit « Bachelier« . Le Chevalier confirmé et » assez puissants pour lever sous sa bannière 50 cavaliers au moins « guide les Bacheliers » ( A.Texier Op. Cit p, 495) et porte la bannière de la Maison, est dit pour celà « Chevalier Banneret« .
La milice Chevaleresque créée par Hugues Capet aurait été constituée en un Ordre de la Couronne Royale, à moins que ce dernier fut un de ces Ordres imaginaires qu’a trop souvent créé l’imagination des anciens héraldistes. C’est cet Ordre qui aurait été envoyé en Espagne pour secourir le comte de Barcelone assiégé par les Sarrazins. Profitant de la nécessité de devoir se rendre lui-même Outre-Pyrénées, Hugues Capet, alors âgé de quarante cinq ans, aurait alors proposé aux grands du Royaume de faire Sacrer son fils Robert, âgé de vingt deux ans et en grade de tenir une épée, de son vivant, réalisant la demande exprimée secrètement par Dieu dans le Songe dit d’Hugues Capet : de là, la Loi de Primogéniture mâle. Et le pape Urbain II, lorsqu’il vient prêcher la première Croisade en France en 1095, sait de pouvoir compter sur l’aide du Roi de France et de sa Chevalerie : oui, la Chevalerie est une création Royale.
Un Ordre de Chevalerie est un institution Christique, dispensant à ses membres l’initiation, la consécration et l’investiture de la Chevalerie, distribuant aux Chevaliers et à leurs cercles d’influence les lumières et les forces sourdants de l’immuable tradition de la garde de l’Eglise et de la défense de la Chrètienté, assument en son vivant esprit l’honneur de la Catholicité, au service de N.S. Jésus-Christ et de l’établissement ici-bas de Son Royaume.
Selon François Sicard, Histoire des institutions militaires des Français, (éd. Corréard, Paris, 1835), L’Ordre Royal Militaire et Religieux de Notre-Dame de l’Étoile, aurait été créé le 15 août 1022 par Robert II le Pieux (connu pour sa dévotion à la Vierge) –à ne pas confondre avec l’Ordre de l’Etoile de la Maison Noble de Saint-Ouen fondé par Jean II le Bon– et cet Ordre Royal Militaire et Religieux de Notre-Dame de l’Étoile aurait été le premier Ordre de la Couronne Royale de France. Robert II le Pieux aurait également créé L’ORDRE ROYAL, MILITAIRE, HOSPITALIERE ET RELGIEUX DES CHEVALIERS DE SAINT LAZARE DE JERUSALEM, DE NAZARETH, DE BETHLEEM, AU-DELA ET EN DECA DES MERS, ou ORDRE DE SAINT-LAZARE, ce pour envoyer des Chevaliers aux Croisades, ce qui aurait fait le bonheur du pape.
Les premiers Ordres Croisés sont L’Ordre du Souverain Hospitalier et Militaire de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhôdes et de Malte, dit Ordre de Malte, L‘Ordre Royal, Militaire et Religieux du Saint-Sépulcre, l’Ordre Royal Militaire, Hospitalier de Saint-Lazare de Jérusalem, de Nazareth et de Bethléem
, en-deçà et au-delà des mers, dit Ordre de Saint-Lazare, l’Ordre Militaire et Religieux de la Pauvre Milice du Christ et du Temple de Jérusalem, dit Ordre du Temple, et l’Ordre Militaire et Hospitalier des Teutons de Sainte-Marie de Jérusalem, dit Ordre Teutonique.
Partir aux Croisades assure l’indulgence plénière. Lorsqu’un Croisé endosse son Blanc-Manteau, il renaît, lavé de ses péchés. Si le thème de la Jérusalem Céleste comme symbole du paradis est un lieu commun de l’époque, la Jérusalem Terrestre, vision de Paix, de Justice et d’Union pour toutes les tribus d’Israël, est le symbole du Royaume messianique et de l’Eglise Chrétienne ouverte à tous les peuples.
Après la chute de Jérusalem, les Rois de France vont fonder une série d’Ordres de Chevalerie à soi, sur le modèle des Ordres Croisés, pour domestiquer une Noblesse parfois turbulente. L’antique lien de vassalité risquant de se relâcher à nouveau, le Roi, pour restaurer une hiérarchie pyramidale entre sa Noblesse et lui, se réfère tout naturellement à la hiérarchie angélique et créé une confrérie de fidélité qu’il préside à la manière du Roi Arthur et des Chevaliers de la table Ronde. Saint Louis créé l’Ordre Royal de la Cossse de Genêt. Il sera imité par la suite par les Rois d’Europe. Plusieurs corporations Chevaleresques devaient voir ainsi le jour jusqu’à la Renaissance, et on connait par exemple l’Ordre de la Jarretière du Roi d’Angleterre, de la Toison d’Or des Ducs de Bourgogne, de l’Ecu d’Or des Bourbons ou de l’Hermine de Bretagne.
La Chevalerie voit son éclat s’accroitre tout au long du Moyen Age, l’institution Chevaleresque attirant la Noblesse post-féodale qui la dirige à en revendiquer bientôt l’appartenance, le contrôle, puis dans une certaine mesure l’exclusivité, le fils de Noble étant éduqué dès l’enfance pour devenir un Chevalier, entre art du combat et spiritualité.
A l’ Ordre de la Cosse de Genêt sera substitué plus tard par l’Ordre Royale de l’Etoile de la Maison Noble de Saint-Ouen, fondé le 16 Novembre 1351 par Jean II le Bon, assisté par Godefroy de Charny, théoricien de l’idéal Chevaleresque et déjà conseiller de Philippe VI de Valois, ce pour repousser les anglais, Ordre inspiré peut-être de l’Ordre de Notre-Dame de l’Étoile créé par Robert II le Pieux (François Sicard, Histoire des institutions militaires des Français, éd. Corréard, Paris, 1835) : l’Ordre de l’Etoile aura une belle épiphanie en tombant presque dans la totalité de ses membres à la bataille de Crécy où les anglais, utilisant des archers, violèrent les règles du combat Chevaleresque. Puis Louis XI, accomplissant une volonté de son père Charles VII mort avant d’avoir pu la réaliser, instituera l’Ordre de l’Aimable Compagnie de Monsieur Saint-Michel, que l’on synthétise toujours en Ordre de Saint Michel, avant qu’Henri III ne créé L’Ordre Royal du Benoit Saint-Esprit.
Le Roi Philippe VI de Valois a publié plusieurs lois et ordonnances touchant ces tournois. On connait la qualité des tournois de Chevalerie de la Cour de Bourgogne. Mais c’est René II d’Anjou, qui a codifié les règles des tournois de Chevalerie, donnant naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui l’héraldique ou science du blason. René II d’Anjou, Duc de Lorraine -c’est l’ancêtre de Marie-Antoinette!- Comte de Provence et Roi de Naples : c’est le Bon Roi René dont la soeur a épousé Charles VII le Victorieux et lui a donné un fils, le futur Louis XI, Bon Roi René dont Sainte Jeanne d’Arc était la sujette et à qui il donnera son propre fils, le beau Duc d’Alençon, comme compagnon…
La mort accidentelle du Roi Henri II de France à quarante ans : le 30 juin 1559, lors d’un tournoi tenu rue Saint-Antoine à Paris (devant l’ancien hôtel des Tournelles) sonne le glas des tournois de Chevalerie
L’ancien Régime rend la Chevalerie anoblissante : à côté de la traditionnelle Noblesse d’Epée se lève une Noblesse de Robe, au grand dam d’un Saint-Simon. La Révolution Française abolit les Ordres de Chevalerie le 30 juillet 1791. La Restauration rétablira les Ordres de Chevalerie.
On lira avec fruit l’Ordonnance Royale de Louis XVIII du 16 Avril 1814 relative aux Ordres de Chevaleries Français, où on apprend que l’Ordre de la Légion d’Honneur fut institué par Napoléon I°, maintenue par la Restauration comme Ordre Royal de la Légion d’Honneur, la Monarchie de Juillet, le Second Empire et la République. Et encore plus l’Instruction du Grand Chancelier de l’Ordre Royal de la Légion d’Honneur, pour l’exécution de l’Ordonnance du 16 Avril 1824, et des décisions Royales qui y ont fait suite, concernant les Ordres Français et étrangers.
https://books.google.fr/books?id=4StIAAAAcAAJ&pg=PA469&lpg=PA469&dq=ordonnance+16+avril+1824+décorations&source=bl&ots=T7LQ-Hn2Aw&sig=ACfU3U0-h5BdMjwp_oYyfrgzm1Q34WXS0Q&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwiD2vz5443hAhUHhxoKHW49CCoQ6AEwC3oECAcQAQ#v=onepage&q=ordonnance%2016%20avril%201824%20décorations&f=false . P. 469 et 470
Il est dit dans l’Instruction :
–Les seuls Ordres Royaux avoués (reconnus) sont ceux: 1° du Saint-Esprit; 2° de Saint-Michel; 3° de Saint-Louis; 4° du Mérite Militaire; 5° de la Légion d’Honneur; 6° de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont Carmel réunis.
Un Ordre de Chevalerie sert aujourd’hui à trois choses : anoblir un roturier méritant comme on le voit encore en Angleterre, fidéliser une Noblesse déjà existante comme on le voit encore en Espagne et sacraliser le métier des armes, réintroduisant les grades de l’Ordre de Chevalerie au sein de la hiérarchie militaire.
Les vrais Royalistes comprendront ici que l’une des fonctions Royales soit non seulement rayonner dans le Royaume visible, mais encore de faire rayonner aussi les sujets qui l’entourent : de même que le Soleil, en projetant ses rayons bienfaisants sur les astres qui l’environnent, les fait briller à leur tour. Cette belle métaphore louis-quatorzième nous fait comprendre de quelle façon la Royauté, vécue comme l’ascension de chacun vers un idéal spirituel, moral et politique, est une réalité à nouveau envisageable.
Hervé J. VOLTO, CJA, Président Honoraire de la Charte de Fontevrault (Président 1991-1994), Chroniqueur et Mémorialiste, membre du Chapitre Général et Délégué Officiel pour l’Italie
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A lire :
-Alain Texier, Quest-ce que la Noblesse ? (Tallandier). – Léon Gauthier, La Chevalerie (Ed. Pays et Terroir). – Jean Flori, La Chevalerie (Ed. Gisserot, Collection Bien Connaître)
A lire :
-Alain Texier, Quest-ce que la Noblesse ? (Tallandier).
– Léon Gauthier, La Chevalerie (Ed. Pays et Terroir).
– Jean Flori, La Chevalerie (Ed. Gisserot, Collection Bien Connaître)
Ouvrages que j’ai déjà indiqués in fine de mon article mais c’est important.
Merci au passage à notre bon Alain TEXIER pour toutes ses belles images et photos qui illustrent mon modeste article…