Deuxième et troisième lignes de la branche aînée : ducs de Séville et ducs de Santa Elena.
Elles sont issues de l’infant Henri (1823-1870), deuxième fils de l’infant François-de-Paule (troisième fils du roi Charles IV d’Espagne) et premier duc de Séville. L’aîné de ligne des ducs de Séville est aujourd’hui Son Excellence (les ducs sont grands d’Espagne et les grands d’Espagne sont appelés Excellence) François-de-Paule de Bourbon et Escasany, né le 16 novembre 1943. Il a un fils, François-de-Paule (1979) et deux frères, Alphonse et Henri. L’aîné des ducs de Séville, qui n’est plus dynaste en Espagne depuis le mariage inégal de l’infant Henri, serait de droit et depuis l’accession au trône d’Espagne de Don Felipe VI, premier prince du sang s’il demandait et obtenait la nationalité française.
Deux rameaux cadets des ducs de Séville sont désormais éteints : les marquis de Balboa et les marquis de Squilache, issus du deuxième fils de l’infant Henri. Mais le troisième fils de l’infant Henri, prénommé Albert, fut duc de Santa Elena avec descendance actuelle.
L’aîné des ducs de Santa Elena est aujourd’hui Son Excellence Alphonse de Bourbon et Sanchiz (1961) qui a lui-même un fils, Alphonse (1995) et plusieurs neveux et petits-neveux.
Les lignes des ducs de Séville et de Santa Elena sont successibles au trône de France puisque les mariages inégaux n’existent pas dans la maison de France.
Les armoiries des ducs de Séville et des ducs de Santa Elena sont, pour tous les rameaux, fort simples : d’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules (issus de Philippe de France, duc d’Anjou avant d’être le roi Philippe V d’Espagne).
Armoiries des ducs de Séville et de Santa Elena.
Quatrième ligne de la branche aînée : rois et princes des Deux-Siciles
La situation héraldique est ici rendue complexe par l’existence d’une querelle dynastique qui divise cette famille en deux rameaux rivaux. L’affaire remonte à l’Acte de Cannes du 14 décembre 1900 lorsque le prince Charles de Bourbon, deuxième fils d’Alphonse Ier, roi de droit des Deux-Siciles, fut contraint de renoncer à ses droits pour épouser l’infante Maria de las Mercedes de Bourbon, fille aînée du roi d’Espagne Alphonse XII. En effet, il pouvait accéder par son mariage au trône d’Espagne puisque, à cette époque, le futur Alphonse XIII (fils posthume d’Alphonse XII) n’était pas encore né. Or la pragmatique de Charles III interdisait la réunion des couronnes d’Espagne et des Deux-Siciles sur la même tête. Mais l’infante mourut en 1904, trois ans après son mariage, tandis que le frère aîné du prince Charles, Ferdinand III, roi de droit des Deux-Siciles, n’eut que des filles (la couronne des Deux-Siciles était alors régie par la loi salique). On vit alors le fils aîné du prince Charles, Alphonse II, revenir sur la renonciation de son père, considérant que les règles imposées par la pragmatique de Charles III n’avaient plus lieu de s’appliquer. Son oncle Rénier, troisième fils d’Alphonse Ier, qui se trouvait devenir le successeur de Ferdinand III par le fait de la renonciation de Cannes, contesta la démarche de son neveu Alphonse II et se considéra comme roi de droit des Deux-Siciles.
Il existe donc aujourd’hui deux prétendants au trône de ce royaume hypothétique, celui issu de Charles et celui issu de Rénier ! Cette querelle aurait bien peu d’importance si l’on ne se référait qu’à la probabilité d’uns restauration monarchique à Naples. Mais, en réalité, elle en sous-tend une autre, plus vive encore tant les hommes sont attachés aux vanités du monde : celle de la maîtrise et de l’attribution des ordres dynastiques de chevalerie de ce royaume. Nous aurons bien sûr à y revenir.
Quoi qu’il en soit, le chef de nom et d’armes de la famille des Deux-Siciles est, aux yeux du chef de la maison de Bourbon comme de son cousin le roi d’Espagne, S.A.R. Pedro de Bourbon, titré duc de Calabre et comte de Caserte, de droit roi des Deux-Siciles. Le prince Pedro, né le 16 octobre 1968 , a épousé en 2001 Sofia Landaluce y Melgalejoi (1973), fille de José Manuel Landaluce y Domínguez, riche propriétaire terrien, et de Blanca Melgarejo y González, petite-fille du 5e duc de San Fernando de Quiroga . Le couple a sept enfants dont l’aîné est le prince Jaime (Jacques), titré duc de Noto et de Capoue, de droit prince héréditaire des Deux-Siciles.
Armoiries du prince Pedro de Bourbon Deux-Siciles et de son épouse.
voir illustration ci-contre
Le descendant du prince Rénier (branche cadette) est S.A.R. Charles de Bourbon (autre Charles), prince du sang (car de nationalité française) et titré duc de Castro. Né le 24 février 1963, le duc de Castro a épousé Mademoiselle Camilla Crociani, riche héritière Italienne le 3 octobre 1998. Le couple n’a que deux filles. Mais un troisième rameau existe, issu du prince Gabriel, prince des Deux-Siciles et quatrième fils d’Alphonse Ier ; ce rameau comporte une nombreuse descendance masculine qui, à moins d’un accord avec le chef de famille, ne manquera sans doute pas de manifester ses prétentions en cas d’extinction du rameau du duc de Castro.
La ligne des princes des Deux-Siciles est successible au trône de France qu’elle soit de nationalité française ou espagnole.
Les princes des Deux-Siciles portent tous soit les grandes armes du royaume soit, plus simplement (et surtout lorsqu’ils sont considérés comme non dynastes à Naples du fait de mariages inégaux ou non autorisés –notion inconnue en France- ), l’écu d’azur à trois fleurs de lys d’or, à la bordure de gueules(issus de Philippe de France, duc d’Anjou avant d’être le roi Philippe V d’Espagne). Les grandes armes du royaume des Deux-Siciles, qui sont les plus complexes de la maison de Bourbon, doivent être ainsi blasonnées : parti de trois traits ; au I parti de 2 et coupé d’un trait (6 quartiers),aux 1) et 6) d’or à 6 fleurs de lys d’azur rangées en pal (Farnèse pour Parme), aux 2) et 4) de gueules à la fasce d’argent (Autriche), aux 3) et 5) bandé d’or et d’azur à la bordure de gueules (ducs de Bourgogne de la première lignée), sur le tout un écu d’argent à 5 écussons d’azur, posés à plomb et rangés 1, 3, 1, chargé chacun de 5 besants d’argent, rangés 2, 1, 2, à la bordure de gueules chargée de 7 châteaux d’or, ouverts et ajourés d’azur (Portugal) ; au II coupé de trois traits, au 1) écartelé de Castille et de Leon, enté en pointe de Grenade, au 2) d’Autriche, au 3) des ducs de Bourgogne de la première lignée taillé-ployé de Flandre, au 4) d’azur semé de fleurs de lys d’or au lambel de gueules (rois de Sicile de la première lignée d’Anjou) ; au III coupé de trois traits, au 1) parti d’Aragon et des rois de Sicile de la lignée d’Aragon, au 2) des ducs de Bourgogne de la seconde lignée, au 3) de Brabant tranché-ployé de Tyrol, au 4) de Jérusalem ; au IV de Médicis ; sur le tout de France, à la bordure de gueules (issus de Philippe de France, duc d’Anjou). Tous les quartiers cités aux II, III et IV ont été blasonnés à propos des armes du comte de Barcelone, père de S.M. le roi Juan-Carlos d’Espagne. Il est donc facile de s’y reporter. Nous n’insisterons que sur le fait qu’il est tout à fait possible dans un blasonnement, lorsque les armes territoriales sont connues et identifiables, de ne les citer que par leur nom, ce qui allège beaucoup la description et montre bien la souplesse et la simplicité de la langue du blason. Par exemple, écrire de Brabant tranché-ployé de Tyrol exprime en très peu de mots un écu qui devrait être ainsi décrit : de sable au lion d’or, armé et lampassé de gueules (Brabant), tranché-ployé d’argent à l’aigle de gueules, becquée, membrée, couronnée et les ailes liées d’or (Tyrol) !
Grandes armoiries du royaume des Deux Siciles. Voir illustration ci-aprés
Cet écu des rois des Deux-Siciles est bien sûr timbré d’une couronne royale donc fermée (au style souvent variable) et entouré des colliers des ordres de Saint-Janvier (premier ordre sicilien), de Saint Ferdinand et du Mérite, du Constantinien de Saint-Georges et, pour certains princes, de la Toison d’or. Les princes des Deux-Siciles doivent timbrer leurs armes d’une couronne ouverte.
Ces armes sont particulièrement intéressantes car elles nous montrent à quel point et de quelle façon l’héraldique permet de dire précisément quelles sont les origines, les possessions ou même les prétentions d’un lignage. Pour cela entrons dans le détail.
En 1734, l’infant Charles, fils de Philippe V et d’Elisabeth Farnèse, duc de Parme et de Plaisance depuis 1731 du chef de sa mère, renonça aux duchés au profit d’abord de la maison d’Autriche puis de son frère cadet Philippe pour le royaume plus pretigieux de Naples. Il fut ensuite investi de la Sicile et du royaume (un peu fictif à l’époque) de Jérusalem par le pape Clément XII. L’ensemble de ces territoires prit alors le nom de royaume des Deux-Siciles. Notons dès à présent que Charles VII continua de se prétendre « duc de Parme et de Plaisance » malgré les changements politiques et territoriaux intervenus. Nous retrouvons et retrouverons bientôt l’ensemble de ces évènements dans les armoiries de ce royaume.
Au centre figurent les quartiers dont Charles hérita du chef de son père (et celui-ci des Habsbourg d’Espagne depuis Charles-Quint) : Castille, Leon, Grenade, Aragon, Sicile (écartelé en sautoir d’Aragon et de Hohenstaufen), Autriche, Bourgogne moderne, Bourgogne ancien, Flandre, Brabant et Tyrol avec, sur le tout, les armes d’Anjou (dites de Bourbon en Espagne). Il y ajouta le quartier d’Anjou ancien (pour le royaume de Naples) et celui de Jérusalem. Enfin, il rappela les domaines auxquels il prétendait du chef de sa mère : à dextre les quartiers de Farnèse pour Parme et Plaisance mais aussi un parti d’Autriche et de Bourgogne ancien rappelant que l’épouse d’Octave Farnèse était une fille naturelle de Charles Quint (Marguerite de Habsbourg, gouvernante des Pays-Bas espagnols) ; sur le tout furent d’ailleurs ajoutées les armes du Portugal rappelant que le fils d’Octave Farnèse et Marguerite de Habsbourg, Alexandre, ayant épousé une fille du prétendant au trône du Portugal, ses descendants pouvaient espérer régner sur ce royaume. À senestre, un unique quartier aux armes des Médicis pour manifester ses prétentions sur le Grand-Duché de Toscane (en réalité aux mains des Habsbourg d’Autriche depuis 1737) du chef de la grand-mère d’Elisabeth Farnèse, Marguerite de Médicis, fille du grand-duc Côme II.
Les ordres dynastiques de la famille des Deux-Siciles qui entourent l’écu dans les grandes armoiries sont tout autant instructifs. Deux sont légitimes : l’ordre de Saint-Janvier et l’ordre de Saint-Ferdinand et du Mérite. Un troisième, l’ordre constantinien de Saint-Georges est beaucoup plus discutable malgré l’énergie que déploient les tenants de chacun des rameaux rivaux de la famille pour en manifester la prééminence. Nous allons, dans un premier temps, dire quelques mots des deux premiers. Le troisième méritera, à lui seul, un développement particulier après que nous aurons exposé la situation héraldique des cinquième et sixième lignes de cette branche aînée de la maison de Bourbon.
L’ordre illustre et royal de Saint-Janvier ( voir illustration ci-dessous) a été fondé par Charles VII de Bourbon, roi des Deux-Siciles et de Jérusalem (cf. supra) le 3 juillet 1738 en l’honneur du saint patron de Naples ; il fut approuvé par une bulle du pape Benoît XIV le 30 juin 1741. Les chevaliers de Saint-Janvier doivent impérativement être de religion catholique. Cet ordre est le premier ordre de chevalerie du royaume des Deux-Siciles. Il est à noter, dans l’esprit de ce que nous évoquions plus haut à propos de Charles VII, que lorsque celui-ci quitta le trône de Naples en 1759 pour celui de Madrid où il régna sous le nom de Charles III, il garda la grande-maîtrisee Saint-Janvier. Il ne la transmit à son successeur à Naples, son fils Ferdinand, que le 9 décembre 1766. Nous aurons à reparler de ce trait de caractère de Charles VII (III) à propos de l’ordre constantinien de Saint-Georges. Cet ordre est encore conféré aujourd’hui par…chacun des deux prétendants au royaume des Deux-Siciles ce qui ne manque pas de poser quelques problèmes, les statuts de chacun de ces deux ordres précisant que… l’appartenance à l’un exclut d’appartenir à l’autre !
L’ordre royal de Saint-Ferdinand et du Mérite ( voir illustration ci-dessous) a été fondé par le fils de Charles VII le 1er avril 1800. Il est le deuxième ordre de chevalerie du royaume. Cet ordre est, comme le précédent, encore conféré aujourd’hui avec les mêmes rivalités magistrales. En revanche, il peut être attribué à des personnes non catholiques (l’un des derniers exemples en fut Madame Rachida Dati, ex-Garde des sceaux et actuellement ministre de la culture de la République française, à laquelle il fut attribué par S.A.R. Charles de Bourbon, duc de Castro et chef de la branche cadette de la famille des Deux-Siciles…).
Ordre royal de Saint-Ferdinand et du Mérite.
A suivre.
Jean-Yves Pons, CJA.
Merci Alain pour ta patience dans la mise en page de mes chroniques !
Hélas cher Régent, je suis bien indigne des compliments que tu m’adresses mais ta patience et conseils avisés donnent grâce à Dieu un résultat fort convenable.