C’est pourquoi nous voudrions profiter de la récente visite d’Etat du roi Frederik X du Danemark et de son épouse, la reine Mary, pour mettre en exergue l’évolution des armoiries du royaume scandinave avec lequel notre pays entretient des relations d’amitié profondes et anciennes.
Le premier temps en a été le changement de dynastie intervenu à la suite de l’abdication de la reine Margrethe II, dont l’époux, feu le prince Henrik était né Henri de Laborde de Montpezat, de nationalité française. Ainsi, la très ancienne maison de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg, une branche cadette de la maison d’Oldenbourg, a cessé par là même de régner sur le pays où elle était présente depuis 1448.
En janvier dernier, à l’approche du premier anniversaire de son règne, le roi Frederik X de Danemark a dévoilé les nouvelles armoiries royales réalisées par un comité ad hoc présidé par l’héraldiste Ronny Skov Andersen et l’historiographe Jes Fabricius Mølle. Elles sont à la fois les armes personnelles du roi et un symbole d’État, utilisées sur les drapeaux, les étendards et tous les documents officiels.
Les premières armoiries du Danemark se fondaient sur un sceau du roi Knut IV datant de 1194 qui représentaient trois lions léopardés d’azur couronnés, entourés de cœurs de gueules. Le blasonnement se lisait alors: « d’or à trois lions léopardés d’azur, armés et lampassés de gueules, couronnés du champ et accompagnés de neuf coeurs aussi de gueules rangés en trois pals». Ces armoiries figurent toujours dans le premier quartier des armoiries du Danemark, y compris dans la nouvelle version du roi Frederik X.
Armoiries du roi Knud IV.
Mais le royaume du Danemark est composé de trois territoires constitutifs : le Danemark, les Iles Féroé et le Groenland d’où un écu qui fut rapidement écartelé. Sous le règne précédent de la reine Margrethe, le premier quartier reprenait les armes du roi Knud pour le Danemark qui étaient répétées une seconde fois dans le quatrième quartier. Le deuxième quartier se blasonnait » d’or à deux lions léopardés d’azur armés et lampasses de gueules » pour rappeler le duché de Schleswig et les origines de la dynastie régnante tandis que le troisième quartier était une combinaison des armes des territoires annexes et se blasonnait ainsi : « parti au 1 d’azur à un bélier d’argent passant, lampassé de gueules et armé d’or (Iles Féroé) ; au 2 d’azur à un ours polaire debout d’argent, armé du premier (Groenland) ; au chef d’azur à trois couronnes ouvertes d’or (Suède en souvenir de l’Union de Kalmar entre les deux royaumes). Les quatre quartiers séparés par la croix pattée du Dannebrog, d’argent bordée de gueules et, sur-le-tout-du-tout, un écu d’or à deux fasces de gueules (Oldenbourg). »
Armoiries de la reine Margreth II
Le roi Frédéric X a choisi une autre orientation héraldique en supprimant le rappel de l’Union de Kalmar qui n’est plus d’actualité depuis… 1523 et en donnant une place équivalente au Danemark, aux Iles Féroé, au Groenland et au Schleswig qui occupent donc désormais et respectivement les premier, deuxième, troisième et quatrième quartier de l’écartelé. La croix du Dannebrog a été conservée de même que l’écu d’Oldenbourg sur-le-tout-du-tout, ce qui est en revanche en contradiction avec le changement d’état-civil et donc de dynastie intervenu par le mariage de la reine Margrethe avec Henri de Laborde de Montpezat ! Mais il est vrai que c’est le frère cadet du roi Frédéric, le prince Joachim, qui a hérité du titre (devenu danois) de « comte de Montpezat » et qui porte donc les armes de son père sur le tout de ses armoiries :
Dernière version des armoiries du royaume de Danemark (Frédéric X).
Armoiries du prince Joachim de Danemark
L’écu est posé sur un manteau de gueules doublé d’hermine et timbré de la couronne royale; les tenants sont deux hommes sauvage de carnation (issus de la tradition folklorique scandinave), vêtus de sinople et armés de massues de tanné reposant à terre. Il est entouré des colliers des ordres de l’Eléphant et du Dannebrog.
Vous observerez que ces nouvelles armoiries prennent une importance géopolitique toute particulière en ces temps troublés où le Président des Etats-Unis prétend étendre l’influence de son pays au-delà de ses frontières avec l’objectif avoué d’accaparer… le Groenland. Ou comment montrer une fois encore les richesses offertes par l’héraldique qui sait nous dire beaucoup avec peu.
Le 23 avril 2025.
Pour le CER et la Charte de Fontevrault, Jean-Yves Pons, CJA.