» Il faut établir des distinctions semblables entre les formes de » gouvernements justes » . Si le gouvernement est exercé par quelque multitude, il est généralement appelé « république (politia)« , comme quand la multitude des combattants exerce le pouvoir dans une cité ou une province.
S’il est exercé par un petit nombre d’hommes, mais qui soient vertueux, le gouvernement de ce genre s’appelle « aristocratie », c’est à dire pouvoir le meilleur ou des meilleurs, qu’on appelle pour cette raison des nobles.
Mais si le gouvernement juste appartient à un seul homme, celui-ci est appelé « roi ». C’est pourquoi le seigneur dit par Ezéchiel : » Mon serviteur David sera roi au-dessus de tous et il y aura un seul pasteur pour eux tous » ( 37-24). Cela montre manifestement que la notion de roi implique qu’il n’y ait qu’un seul homme qui gouverne et qu’il soit un pasteur recherchant le bien commun de la multitude , et non son avantage personnel. »
Après avoir présenté les raisons d’être du gouvernement terrestre, l’origine naturelle de celui-ci et la classification aristotélicienne des régimes politiques, Saint Thomas d’Aquin arrive à la définition de la monarchie à la fin du premier chapitre du traité [44][44] Op. cit. I, 1, op. cit. p. 449-451.. Il consacre les quatre chapitres suivants à la démonstration de sa thèse, selon laquelle la monarchie est le meilleur de ces régimes : il commence par énumérer ses arguments généraux ; il confronte, ensuite, la monarchie aux autres formes de gouvernement. Conformément à la position de Grosseteste et en s’appuyant sur un passage de l’Éthique (III, 8, 1112b14), Saint Thomas considère la création et le maintien de l’unité et de la paix des sujets comme les conditions préalables de la vie sociale.
Or, affirme-t-il dans le sillage d’Albert le Grand, un monarque peut atteindre ces buts plus facilement que les dirigeants d’un regimen plurium ; le règne d’un roi est donc plus efficace et, ainsi, plus utile que celui de ces derniers. L’unité de la multitudo se réalise, avant tout, par le gouvernement exercé par une seule personne. A ces considérations se succèdent les arguments tirés des connaissances naturelles : les membres du corps sont dirigés par le cœur, comme les autres parties de l’âme sont régies par la raison ; les abeilles n’ont qu’une seule reine, comme le Dieu unique a créé et gouverne l’univers. Pour finir, Thomas n’oublie pas le principe néoplatonicien de la reductio ad unum [45][45] Ibid. I, 2, 9-13 et 22-48, ibid. p. 451 : « Bonum autem…. Cependant, on peut déceler, aussi, une nouveauté considérable dans l’argumentation.
Saint Thomas évoque l’expérience de la vie politique de l’époque (il l’a promis d’ailleurs dans le prologue du traité) [46][46] Ibid. Prol., 7, ibid. p. 449. : celle-ci prouverait que les pays et les villes sous le contrôle d’un monarque jouissent de la paix, de la justice et de l’abondance, tandis que sous des regimina plurium ils sont la proie des discordes et vivent ainsi sans paix.
En conclusion, seul le Monarque peut garantir la paix et l’unité de son Royaume, selon Saint Thomas d’Aquin.