ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
Le courrier est officiel, il provient du rectorat, sous l’autorité du ministère de l’Éducation nationale.
On imagine la perplexité des directeurs concernés : que faire ? Déboulonner la plaque « enseignement catholique » posée depuis des temps immémoriaux sur la porte ? Décrocher les icônes ? Voiler les statues ? Gratter fébrilement à la paille de fer, jusqu’à faire disparaître, sur le frontispice, la mention « saint(e)» devant Étienne ou Monique, comme autrefois, sur les arcs de Triomphe, celle des empereurs romains ? Et tiens, d’ailleurs, pour le col du même nom, priera-t-on l’aumônier de le cacher discrètement derrière un passe-montagne opportun quoiqu’un peu décalé eu égard à la canicule sévissant dans le Sud-Ouest ?
Un solide chef d’établissement dans un courrier sans ambiguïté, bien que dénué, comme il le dit, de « toute animosité », a tranché, et répondu avec fermeté : « Je ne toucherai à rien ! » C’est le « non possumus » des premiers chrétiens. Et le non volumus, aussi, pour être franc, parce que le grand n’importe quoi, voyez-vous, ça va bien : « Quelle unité nationale construire avec ces susceptibilités phobiques et anachroniques ? » s’interroge-t-il dans cette lettre dont nous avons eu connaissance. Comment lui donner tort ?
Ce serait donc cela, la France ? certains auraient le droit d’aller s’exhiber avec fierté dans l’espace public, par la marche du même nom, imposant leurs signes ostentatoires avec une provocation agressive à des passants n’ayant rien demandé, et d’autres devraient se dissimuler avec honte jusque chez eux, dans l’espace privé, parce que ce qu’ils sont défriserait certains invités ?
Alors que l’école publique, face à la montée de l’islam, est incapable de faire respecter la loi chez elle – « Laïcité à l’école : les contestations sont de plus en plus nombreuses », titrait 20 minutes le 12 juin dernier – elle prétendrait aller l’appliquer dans le privé, là où s’afficher catholique, est jusqu’à preuve du contraire, parfaitement autorisé ?
Les profs survivront-ils à cette immersion de l’extrême, à ce Koh-lanta dans un bénitier ? Bénéficieront-ils d’une prime de risque ? D’un suivi psychologique ? D’un témoignage haletant dans L’Obs : « J’ai corrigé des copies de 3èmeB dans une école privée » ? Tout permet de le supposer, car heureusement pour le ministère – qui dit-on, peine à recruter – le ridicule ne tue pas.