La grande nouveauté réside dans l’évolution radicale des modes de diffusion. Grâce ou à cause des nouvelles technologies de l’information et de la communication, presque n’importe qui peut désormais se prétendre historien ou devenir vulgarisateur historique. La société du divertissement, dominée par l’immédiateté et l’éphémère, explique en grande partie pourquoi le grand public, pourtant intéressé par l’Histoire, hésite à recourir aux supports traditionnels que sont le livre et les revues papier. Ces transformations obligent les historiens à redoubler de vigilance pour préserver leur crédibilité et défendre une approche scientifique rigoureuse face à la prolifération de récits simplistes ou biaisés.
Il est plus facile de regarder une vidéo de trois à vingt minutes sur une thématique historique que de lire un article de trois pages ou un livre de cinq cents pages. Par conséquent, les historiens, qu’ils soient institutionnels ou indépendants, doivent s’approprier les nouveaux supports de communication s’ils souhaitent diffuser leurs travaux au-delà des cercles universitaires, des spécialistes ou des passionnés. L’historien contemporain doit composer avec des défis inédits, tels que la surabondance d’informations, la rapidité de leur diffusion et la grande influence des médias sociaux sur les productions intellectuelles et culturelles.
L’historien consciencieux continuera d’adopter une démarche rigoureuse face à un flot croissant et incessant d’informations, souvent orientées ou simplifiées à l’excès. Son rôle majeur reste de déchiffrer les temps anciens en appliquant les méthodes propres à son domaine : aller aux sources, les confronter, les croiser et toujours replacer les événements dans leur contexte. Cela permet d’éviter la projection d’un regard contemporain sur les faits passés. L’anachronisme se révèle mortifère pour l’analyse historique. L’historien doit éviter les biais de confirmation et rester impartial pour restituer les faits dans toute leur complexité. Par ailleurs, nul ne peut ignorer que l’Histoire subit régulièrement des instrumentalisations visant à répondre à des attentes émotionnelles ou pour justifier différentes idéologies.
Cela dit, il ne faut jamais idéaliser le passé, ni même noircir le présent : l’Histoire n’est pas forcément mieux ou moins bien connue aujourd’hui qu’elle ne l’était autrefois. Chaque époque compte ses cancres et ses esprits talentueux, même si certaines ont connu plus de génies que d’autres. Dans un pays qui souffre d’une grave crise civilisationnelle, le rôle de l’historien devient non seulement important, mais absolument nécessaire.
La véritable vocation de l’historien demeure inchangée : elle consiste à rendre le passé intelligible, non pas pour le magnifier ou le dénigrer, mais pour en offrir une compréhension approfondie.
Face à une société dominée par la spontanéité et le flux permanent de notifications, l’historien doit s’adapter aux nouveaux supports et modes de communication, sans jamais renier les principes fondamentaux de ce métier exigeant. Afin d’éviter les erreurs du passé, je vous invite à lire des livres et à réfléchir sur cette maxime : « L’Histoire nous apprend une seule leçon, les leçons de l’Histoire ne sont jamais retenues »…
Franck Abed