Avec quelques 200 jeunes, et comme plusieurs centaines de personnes depuis quelques mois, j’ai été embarquée, ou plutôt raflée, par vos forces de l’ordre, le soir du 26 mai, près de l’esplanade des Invalides.
Mon crime ? Être restée paisiblement chanter et discuter avec quelques amis avant de vouloir quitter les lieux vers 22 h. Pour ce délit de la pire espèce, 23 h de garde à vue.
Je souhaiterais comprendre, Monsieur le Ministre, pourquoi plus de deux cents jeunes, pour la plupart pacifiques, furent placés cette nuit en garde à vue, alors qu’une vingtaine seulement de hooligans, véritables casseurs provoquant en quelques heures plus d’un million d’euros de préjudice lors du rassemblement le 13 mai au Trocadéro, furent arrêtés.
Quelles vitrines brisées, combien de voitures brûlées, en cette journée du 26 mai alors que des centaines de milliers de manifestants défilaient dans les rues ?
J’aimerais connaitre les raisons pour lesquelles certains policiers (pour ne pas dire la plupart) en viennent à nous avouer leur désarroi et leur désaveu, face aux ordres reçus. La priorité des forces de l’ordre n’est-elle pas d’assurer la sécurité des citoyens ?
Nos chants et nos slogans sont-ils de réelles menaces pour notre pays ?
« Contrairement à ce que vous espériez, le traitement que vous nous avez infligé, les coups, les gazages, les interpellations, les gardes à vue, massifs et abusifs, n’ont fait que renforcer notre mobilisation et notre détermination. »
Je voudrais qu’on m’explique, pourquoi un traitement si répressif nous est réservé. Comment peut-on gazer des familles, des jeunes dans des bouches de métro ou dans des paniers à salade ? Depuis quand le port d’un sweat justifie-t-il une interpellation ?
Auriez-vous donc si peur de nous ?
Monsieur le Ministre, je ne suis qu’une jeune de 20 ans, étudiante en droit, ni nervi d’extrême droite, ni violente militante, qui aime seulement son pays et croit en son avenir. C’est au nom de mon attachement à la France, et pour défendre les valeurs auxquelles j’adhère, que je me suis décidée à entrer en résistance, puisqu’il s’agit bien de cela aujourd’hui.
Beaucoup de politiques regrettent que les jeunes s’abstiennent des grands débats ; plusieurs auteurs nous ont exhortés à l’action, à l’indignation ; on ne cesse de décrier un individualisme grandissant, un égoïsme et une indifférence latents.
Pourtant, depuis plusieurs mois maintenant, la jeunesse de France s’est levée pour affirmer avec force ses convictions ; pour défendre la cause de ceux que la loi a délaissés ; pour s’engager dans ce qui aurait dû être des grands débats de société.
Au lieu de l’écouter, au lieu de nous respecter, vous avez fait passer en force une loi bouleversant «notre civilisation» ; vous avez ridiculisé nos effectifs, minimisé notre force, redoublé de mensonges, dans le seul espoir de nous décourager ; vous n’avez cessé de nous insulter, taxant d’homophobe toute personne opposée à cette loi, dans la seule optique de décrédibiliser notre mouvement ; vous vous êtes livrés à de sordides manipulations, et je pense notamment aux infiltrations de policiers en civil chargés d’exciter et de provoquer les foules, afin de justifier vos répressions policières dignes des pires régimes totalitaires.
Mais contrairement à ce que vous espériez, le traitement que vous nous avez infligé, les coups, les gazages, les interpellations, les gardes à vue, massifs et abusifs, n’ont fait que renforcer notre mobilisation et notre détermination.
Monsieur le Ministre, vous pouvez continuer à nous mépriser, à nous humilier autant qu’il vous plaira, mais, parce que nos convictions et notre combat dépassent nos propres intérêts, parce que nous ne voulons pas d’une société sans repères, et parce que nous sommes décidés à faire entendre nos voix, soyez assuré que nous ne lâcherons rien. JAMAIS.