Eglise catholique. Des Papes canonisés comme s’il en pleuvait . Mais est-ce bien raisonnable ?

Après que le Synode a donné à l’encyclique Humanae Vitae une approbation enthousiaste (que le clergé avait refusée lors de sa promulgation), on peut penser – si toutefois l’on n’adopte pas la thèse (qui n’est pas la mienne) que le pape a tout prévu pour modifier profondément la doctrine chrétienne sur le mariage, y compris sur le mariage gay – que chez Paul VI c’est l’auteur courageux de cette encyclique qui est béatifié et non le pauvre pape manipulé par Mgr Bugnini et qui n’avait pas été en mesure d’empêcher « les fumées de Satan » d’entrer dans l’Église.

Cela dit, j’avais – et j’ai toujours – beaucoup d’objections, non pas à cette béatification en elle-même, car je ne vois pas de raison de ne pas croire que Paul VI a vraiment été un saint homme, mais à la précipitation presqu’indécente qui a été mise à la promulguer : il a suffi d’un seul miracle, qui sera douteux aux yeux de beaucoup dans la mesure où son bénéficiaire et ses circonstances exactes ne sont pas connus, sous le prétexte de ne pas perturber un « adolescent » qui a tout de même 24 ans ! Tout ce que l’on en sait c’est qu’une jeune Catholique se voyant conseiller d’avorter l’enfant qu’elle portait, parce qu’il aurait été atteint d’une infirmité de la vessie ayant provoqué une ascite (eau dans l’abdomen) et une insuffisance de liquide amniotique, susceptibles de provoquer de graves atteintes cérébrales, avait refusé et, ayant prié Paul VI, en touchant un fragment de vêtement lui ayant appartenu remis par une religieuse amie, avait appris 10 semaines plus tard que les symptômes s’étaient réduits et a fini par accoucher à terme et par césarienne d’un garçon qui, 24 ans plus tard, se porte à merveille.  

Mais ce n’est pas ce qui suscite mes réserves. C’est le fait que, de 1304 à 1954 (quand le Vénérable Pie XII  a canonisé saint Pie X), l’Église n’a canonisé qu’un seul pape, Pie V et n’en a béatifié qu’un autre (Benoît XI). Encore avait-elle attendu 140 ans avant de canoniser le pape du Concile de Trente… et 432 ans avant de béatifier Benoît XI.

Au contraire, le pape François, en deux ans et demi de pontificat, a canonisé deux papes (il est vrai béatifiés par son prédécesseur Benoît XVI) et en béatifie un troisième, tous très peu de temps après leur décès, en « exemptant » saint Jean XXIII du miracle normalement exigé entre la béatification et la canonisation (comme on lui prête l’intention de le faire pour Paul VI qui serait canonisé dès l’an prochain). Un de ces papes a été à l’initiative de Vatican II, un autre l’a porté à bout de bras, le troisième y a siégé et a régné après ce Concile.

 La comparaison entre les deux papes canonisés  (saint Pie V et saint Pie X) et les deux papes béatifiés (Benoît XI et Innocent XI) ayant régné  pendant les six cent cinquante-huit ans qui précèdent Vatican II et les trois papes ayant régné depuis l’ouverture de ce Concile portés sur les autels, suggère une idée fort déplaisante : comme le prétendent ceux qui ont adopté ce qu’ils ont appelé « l’esprit du Concile » (et que saint Jean-Paul II comme Benoît XVI considéraient comme « le concile des médias » et non « le Concile de l’Église) : le pape estimerait que la véritable Église serait tombée dans une sorte de coma après les temps apostoliques ; il n’y aurait, pendant des siècles, pas eu de véritable Église du Christ. Celle-ci se serait réveillée grâce à « l’esprit du Concile » Vatican II. La preuve ? il n’y aurait eu presqu’aucun bon pape, sinon saint Pie V et saint Pie X et les bienheureux Benoît XI et Innocent XI (qu’on ne peut « décanoniser » ni « débéatifier », au grand regret de certains, car les postconciliaires exècrent les mémoires de  saint Pie V, le pape du Concile de Trente, et celle de saint Pie X, le pape du Concile Vatican I) depuis des siècles, alors que Vatican II aurait fait naître une véritable moisson de saints papes.

Anne.