Il s’appelle Mohamed Diallo. Il est en France depuis quinze ans, a des papiers en règle. Il travaille. Sa femme travaille. Leurs enfants toujours tirés à quatre épingles vont à l’école où ils sont plutôt bons élèves. Ils paient leurs impôts et aussi un loyer à un marchand de sommeil arabe qui leur loue à prix d’or un petit logement rongé par l’humidité aux portes Nord de Paris. Mohamed et Fatoumata ont déposé une demande de logement social, sans réponse depuis dix ans. Régulièrement, Mohamed se rend au bureau demander où en est son dossier. La semaine dernière, on lui a répondu : « Vous travaillez, vous avez de quoi payer un loyer, alors n’y comptez pas, avec tout ce qu’on a comme réfugiés syriens qui arrivent ! »
Mohamed et sa femme sont sierra-léonais, passés par la Côte d’Ivoire de monsieur Gbagbo avant d’arriver chez nous. Ils parlent un français fort correct, sont certes de religion musulmane mais vivent comme vous et moi. Font tout ce qu’il est possible de faire pour s’intégrer. Alors Mohamed et sa femme voient d’un drôle d’œil ce qui est en train de se passer, et surtout de leur passer devant le nez maintenant que le show-biz et les médias ont sorti leurs mouchoirs.
Il y a déjà en France des milliers de Mohamed et de Fatoumata, de Lakdar et de Slava, de Rafal et de Chang, et avant eux encore des milliers de Paulette et de Maurice ou de Kevin et de Cindy qui attendent un logement, sans espoir désormais d’en voir un jour la couleur. Des gens qui ne sont ni des sauvages ni des sans-cœur, qui savent eux aussi s’émouvoir à la photo d’un petit enfant dont la mer a rejeté le corps sur une plage de Turquie. Mais des gens qui voudraient juste qu’on s’émeuve aussi de leur propre sort. Qui aimeraient bien que la mairie leur offre, comme on nous le claironne depuis plusieurs jours, un « accueil chaleureux », avec un frigo plein et des vêtements pour les gosses, et puis des petites chaussures alignées comme à la parade. Et puis les minima sociaux sans le casse-tête des démarches, les soins, les bons de chauffage… la vie, quoi.
Et même sans aller jusqu’à eux, tous ces demi-miséreux en attente d’une manne publique depuis longtemps tarie, que pensent par exemple nos éleveurs de cochons de retour de la capitale ? Eux qui bossent entre 60 et 80 heures par semaine pour moins d’un SMIC et qui découvrent, rentrés dans la cour de ferme, qu’on va trouver des fonds pour accueillir les réfugiés syriens, et peut-être bombarder leur pays, et si ça ne suffit pas y envoyer demain des troupes au sol…
On a tort d’ignorer le sentiment d’injustice, certes particulièrement aigu dans notre belle France, mais injustice tout de même. François Hollande se targue d’imposer à l’Europe un « mécanisme permanent et obligatoire de l’accueil des réfugiés ( NDLRB . Réfugiés dont on sait que seulement une petite minorié (20 %?) fuit la Syrie en guerre . les autres – réfugiés économiques- voulant avoir la part de notre gâteau ). Comment, avec quoi et, pour finir, contre qui ? L’avalanche de bons sentiments ne fait pas une politique, encore moins un budget. Il y a le désirable et puis il y a le possible. Le rêve et la réalité. La dictature de l’émotion et l’épreuve du pragmatisme.
Palme d’or de l’insatisfaction des présidents de la Ve République, François Hollande croit sauver sa réélection dans la convocation d’une énième conférence internationale, sur les réfugiés celle-là. Réfugiés d’Afrique ou du monde arabe, mais aussi d’Asie… Et pourquoi pas de la galaxie ?
Marie Delarue Ecrivain, musicienne, plasticienne
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