Histoire ancienne mais toujours actuelle.Viol tranquille à Dubaï où un voile « pudique » est encore jeté sur la condition féminine

Jonathan Koskas

Publié le 23 juillet 2013 / Monde Société

Mots-clés : charia, Dubaï, Marte Dalelv, viol

« Etes-vous sûre de vouloir appeler la police ? » Question pour le moins gonflée adressée à Marte Dalelv, jeune Norvégienne de 24 ans, tout juste victime d’un viol collectif dans sa chambre d’hôtel dubaïote alors qu’elle était de sortie avec des collègues du cru.  « Evidemment que j’en suis sûre, c’est une réaction normale dans ma culture » rétorque t-elle en substance, visiblement sidérée par tant de mépris et d’indifférence à l’égard de son indéniable statut de victime. Pourtant, vu la tournure des événements, il eut été plus judicieux de comprendre cette question comme une véritable mise en garde. Un tribunal de Dubaï va en effet de condamner la jeune décoratrice d’intérieur à une peine de seize mois de prison pour « comportement licencieux, impliquant une relation sexuelle hors mariage, et la consommation de substances alcoolisées ». Et voilà ! Encore une qui aurait mieux fait de potasser l’indispensable « Charia pour les Nuls » plutôt que de se contenter des bons plans du Lonely Planet. Bon sang que les occidentaux sont incorrigibles… toujours si prompts à tenir pour universel un corpus de valeurs dont ils oublient allègrement qu’il est le fruit d’une histoire singulière. Comment ?! Le statut de victime échapperait-il à des critères universellement établis ? M’aurait-on menti ?! Pauvre Marte. Toi qui croyais naïvement que le mouvement d’unification du monde était achevé, tu découvres avec stupeur que l’Ailleurs existe encore. Un ailleurs d’autant plus répugnant qu’il se pare des atours de la modernité pour mieux te duper.

Dubaï. Il faut dire que l’on se sentirait presque à la maison dans cette ville champignon abonnée aux superlatifs : gratte-ciels hyper-modernes, centres commerciaux hyper-climatisés, collègues anglophones hyper sympas. Autant d’ingrédients familiers qui, pour le coup, invitent le visiteur occidental à baisser la garde à la moindre occasion. Du soleil toute l’année. Des expats en veux-tu en voilà. Des soirées bien arrosées. Une ambiance de fête… Et c’est là que le piège peut se refermer violemment. Tel fut le cas d’Alicia Gali, cette australienne qui, en 2008, écopait d’une peine de 11 mois de prison ferme pour des faits similaires, et qui se faisait lâcher par son propre gouvernement histoire de « ne pas faire de vagues » avec le puissant partenaire Emirati. Nothing personal, just business. Ou encore le cas de Charlotte Adams, cette jeune britannique qui a passé 23 jours derrière les barreaux en 2010 pour avoir commis l’impair de saluer un ami en public « en l’embrassant sur la joue ». De bien belles leçons pour tous ces touristes bernés par l’illusion d’un occident sans frontières, qui considèrent à tort que nos valeurs relèvent de l’évidence partout où ils se rendent (quitte à piétiner, au passage, le sacro-saint relativisme culturel que certains parmi eux se plaisent à défendre farouchement ! Mais bon, on n’est plus à une contradiction près…)

Mais restons un instant sur Dubaï. Cet oasis de modernité dans une région en proie au sectarisme religieux. Ou plutôt ce village Potemkine destiné à masquer la réalité d’une société façonnée par des mœurs archaïques qui, malgré les apparences, restent toujours aussi vivaces. En dépit des ornements et du maquillage, le ventre de la bête reste particulièrement fécond. Ce faux parfum de modernité mystifie aisément l’occidental de service, sûr de ses valeurs, qui finit par occulter deux ou trois points de détails, comme le fait que le code juridique local soit fondé sur la charia. Ce qui en soit peut poser quelques problèmes d’acclimatation notamment dans le cas… d’un viol, par exemple. En effet, on est heureux d’apprendre que dans la loi traditionnelle islamique, le viol ne peut être prouvé que lorsque quatre hommes (musulmans bien évidemment) affirment avoir été témoins de la scène (Sourate 24:4,13). Dit autrement, une femme violée ne peut en aucun cas demander réparation en tous lieux où commande la loi islamique. Et, cerise sur le minaret, une femme qui a eu l’audace de dire qu’elle a été violée et qui échoue à présenter quatre témoins mâles (ce qui est manifestement le cas pour notre pauvre Norvégienne) finit par être punie car sa plainte est reçue comme un aveu d’un rapport sexuel pré-mariage ou adultérin. Au passage, c’est pour cela que 75% des femmes emprisonnées au Pakistan sont derrière les barreaux pour l’ignoble crime d’avoir été victimes de viol.

On finit par presque sourire lorsque l’on apprend que Marte, lâchée par son employeur et soutenue du bout des doigts par son pays d’origine, ira d’abord trouver refuge à la Norvegian Seamen’s Church. L’Eglise comme ultime bastion des valeurs occidentales dans un monde ensauvagé ? De quoi aider à retrouver la foi ! En attendant, les prières de Sœur Marte ont été entendues puisque, dans la crainte d’ébruiter pareil scandale, les autorités Emirati ont finalement accepté de la gracier, ou plutôt de lui accorder un « pardon », ce qui du même coup revient à confirmer sa culpabilité dans cette sordide affaire. Rassurer la communauté internationale d’un côté tout en préservant la cohérence du dogme de l’autre. Aux Emirats, la Charia retombe toujours sur ses pattes.

http://www.causeur.fr/viol-dubai-charia-23529.html

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