En hommage à mon Père. Souvenir de mes 23 ans. Le film » La nuit des morts vivants »

 https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Nuit_des_morts-vivants . Attention . Il vous est possible de  visionner ce  film  de Georges A. Romero- sorti en 1963 -en son entier  grâce à une case dédiée  à cette possibilité  en allant  dans la  partie  la plus à droite de la page WiKi  référencée  ci-dessus   

Ce post n’est pas  comme les autres. En effet , à première  vue du moins , il ne parle pas de Dieu et  du roi, quoique ? 

L’annonce de la mort de ce maître  de l ‘épouvante m’offre l’occasion de  vous dire ce qui suit  et constitue l’occasion rêvée de rendre hommage à mon Père Jean Texier , Président du Tribunal de Grande instance de Limoges , sans doute pendant plus de vingt ans.

    J’avais 23 ans à l’époque où mon père  me pria de l’accompagner  pour aller  voir  le film devenu culte cité  dans le titre de ce post. Ce n’était d’ailleurs pas là une première . pour autant  que je m’en souvienne , c’est vers 15 ans (?) que mon père et moi avions pris l’habitude d’aller  voir ensemble des films de ce genre ; peut -être ne souhaitait-il pas  y aller tout seul ? En tout  cas , grâce à lui, j’ai une assez  bonne connaissance de ce genre de films.

  Bien sûr , il y eut  quelques effets secondaires. Il est des soirs d’hiver où rentrant à la maison et entendant des pas derrière moi, j’ai parfois l’impression d’être suivi par une momie qui ressuscite… mais passons.

   Lorsque nous sortîmes du Cinéma, ce soir là, ayant regagné ma chambre , je pris le traversin sur lequel j’avais l’habitude reposer ma tête et j’en ramenais  les deux extrémités sur mes yeux  pour essayer de m’endormir … mais ce  fût assez longtemps en vain.

   Ce film m’a tellement marqué que pendant tout le temps de ma carrière professionnelle , j’ai ponctuellement  raconté à mes étudiants de première année de Licence en droit les bons  moments de cet « horrible » film… et je suppose qu’aujourd’hui où nous quitte Georges A. Romero , il s’est peut-être trouvé certains de mes étudiants pour se souvenir  de cette époque où ce  que je leur  racontais les fascinait autant  que cela les épouvantait.

Mon père n’était pas royaliste, d’ailleurs ni lui, ni ma mère , Yvette née Fourcade – oh là non !- ni mes deux frères ne l’étaient ou ne le sommes. Or un jour où j’avais  convaincu ma parentèle de visiter le  village martyr des Lucs-sur-Boulogne (85170).  http://www.vendeensetchouans.com/archives/2015/03/01/31624454.html.                      Au sortir de ce lieu martyrisé , mon père me  dit:  » Tu vois Alain, aujourd’hui je te  comprends mieux ».

Le premier  véritable poste de magistrat de mon père  fut  sa nomination au Tribunal d’instance de Loudun (86200).

L’église Saint Hilaire du Martray à Loudun où j’ai été baptisé.

C’est là qu’il s’installa avec  celle qui allait  devenir ma mère, jeune institutrice, fraichement épousée et  qui résidait avec ses parents non loin de Mirebeau(86110) dans le tout petit  village de Brizay  (curieusement partagé entre les  Communes de Coussay-86110/ et de  Verrue -86420 )- Voir infra le panneau routier indiquant des destinations qui me sont  chères  . Et c’est là aussi qu’il entreprit sa thèse de Doctorat d’Etat en droit dont il est parlé avec honneur dans les lignes qui suivent.

Jean CARBONNIER Jean (1908-2003). Magie et Hérésie ou l’Amalgame dans le procès d’Urbain Grandier. Poitiers, Max Texier, s. d. [sans date, vers 1956-1959]. 1 vol. in-8°, 11 p.

L’affaire Urbain Grandier vue par un un juriste français, professeur de droit privé et spécialiste de droit civil. Une approche tout à fait originale enrichie de documents souvent ignorés. 

Par commodité nous avons renvoyé les notes originales de bas de page en fin d’article. Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection privée sous © histoiredelafolie.fr

MAGIE ET HÉRÉSIE
ou
l’Amalgame dans le procès d’Urbain Grandier
par
 Jean CARBONNIER

POITIERS
SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’IMPRIMERIE ET DE LIBRAIRIE
& IMPRIMERIE MARC TEXIER RÉUNIES
6 et 8, rue Henri Oudin

 Le roman qu’Aldous Huxley a récemment dédié aux Diables de Loudun ramène l’attention sur la figure, passablement discutée, d’Urbain Grandier. Ni l’érudition très réelle dont témoigne l’auteur, ni le pathétique avec lequel elle est mise en œuvre (1), ne feront oublier aux juristes que Huxley, qui comprend tout, ne comprend pas nécessairement le droit.

La tentation du non-juriste est d’imaginer que le droit pénal est en état de conspiration permanente pour perdre des innocents ou, du moins, des misérables : toute condamnation capitale est alors facilement condamnée à son tour, comme assassinat juridique.

La tentation compensatrice est, pour le juriste, de se persuader que tout est bien, que tout a toujours été bien, qu’il n’est pas de condamnation, si mal que nous l’acceptions aujourd’hui, qui n’ait été justifiée par le droit de son temps. Voici justement un magistrat, M. Jean Texier, qui, dans une thèse de doctorat, d’ailleurs excellente, soutenue devant la Faculté de Poitiers, examine pas à pas le procès d’Urbain Grandier, en le confrontant avec le droit criminel pratiqué en ces premières décades du XVIIe siècle (2). Sa conclusion est que tout ou à peu près, même le jugement par commissaires, a été correct et conforme au droit en vigueur. C’est un peu la réhabilitation historique de Laubardemont.

N’allons-nous pas tomber d’un excès dans l’autre ? Les juristes savent de reste que les procédures ne sont que formes, et qu’une forme régulière peut vêtir une violation profonde du droit. Si, dans l’esprit de quelques-uns au moins de ses juges, Grandier était tenu pour coupable avant que l’instruction n’eût commencé, l’observance minutieuse des formes ne pouvait plus faire que son procès fût un procès juste, un due process, un procès régulier selon le droit naturel. Au siècle dernier, le docteur israélite Salvador avait aussi entrepris de prouver la parfaite conformité de la condamnation de Jésus à la législation mosaïque. Sa démonstration, dans le détail, est peut-être irréfutable, mais elle n’a converti personne.

M. Jean Texier admet lui-même que Grandier, envoyé au bûcher pour magie, maléfice et possession, selon les termes de l’arrêt, a été condamné pour un crime qu’il n’avait point commis. Non point que ce fût un crime impossible. Dans les idées du temps, auxquelles il faut nécessairement se reporter, la réalité de la sorcellerie, relève M. Texier, n’était point douteuse. Mais l’action de Grandier, en tant qu’auteur des faits, n’avait pas été sérieusement établie (3)

….

 NOTES.

(1) Un critique littéraire sourcilleux pourrait d’ailleurs trouver que les Diables de Loudun ne valent pas Contre-Point. Certains traits de Huxley y grossissent en faiblesses : le snobisme des nouveautés scientifiques, le saupoudrage au piment, et cette ironie trop uniformément anti-autoritaire qui ne saurait tenir lieu de philosophie de la liberté – surtout pour des Français blasés par Voltaire, Anatole France et tant d’autres,

(2) Jean Texier, Les procès d’Urbain Grandier, thèse dactylographiée, Poitiers, 1953. Il faut souhaiter vivement que ce travail, d’une rare probité intellectuelle, puisse être bientôt imprimé. Jamais encore le drame de Loudun, si judiciaire pourtant, n’avait été saisi sous cet .éclairage spécifiquement juridique. Il y a d’ailleurs, sur le sujet, une littérature immense, dont il faut détacher l’ouvrage fondamental de Les procès d’Urbain Grandier, Gabriel Legué : Urbain Grandier et les possédées de Loudun, 2e éd. Paris, 1884.

(3) M. Texier ajoute que, si Grandier n’avait point commis ce crime, son innocence n’était pas pour autant entière. C’était déjà l’opinion de Michelet (La sorcière, livre 2, chap. VII, en note) : je suis, écrivait-il, contre les brûleurs, mais nullement pour le brûlé ; c’était un fat, vaniteux, libertin, qui méritait, non le bûcher, mais la prison perpétuelle. Le sentiment de Huxley n’est pas tellement différent. La sensualité de Grandier est passée en légende. On dit que sa conduite fit scandale, à une époque qui, cependant, exigeait moins que la nôtre des ecclésiastiques. Mais la calomnie est prompte et peu contrôlable en ces domaines. Que Grandier ait eu à se reprocher d’avoir succombé aux tentations de la chair, ce n’est pas niable, puisque lui-même, avant de mourir, avoua avoir commis des crimes de fragilité humaine, plus grands que la magie (allusion sans doute à cette clause quantum fragilitas humana permittit, dont quelques-uns disaient que pouvait être assorti le vœu de chasteté, ainsi que l’observe Luther, A la noblesse chrétienne de la Nation Allemande, quatorzièmement). L’action la plus fâcheuse à la charge de -Grandier parait être la séduction de Philippe Trinquant, la fille d’un de ses amis: elle avait vingt ans, toutefois, et le fait, qui, de nos jours, ne serait plus pénalement punissable, ne l’eût été au XVIIe siècle qu’en considération, du caractère sacerdotal du séducteur, et de l’atteinte portée à la puissance paternelle. Pour ce qui est de la liaison avec Madeleine de Brou, liaison librement consentie et qui eut toute la constance d’un mariage, on pourrait se borner à dire Contra negantem principia non est disputandum. La condamnation ne pourrait être portée qu’au nom d’une théologie que Grandier récusait, puisqu’il jugeait licite le mariage des prêtres. Les autres affaires de cœur ne semblent point démontrées, et il peut aussi bien s’agir de ces commérages qui, de tout temps, ont ravagé les petites villes.

http://www.histoiredelafolie.fr/sorcellerie/loudun/magie-et-heresie-ou-lamalgame-dans-le-proces-durbain-grandier-par-jean-carbonnier-sans-date-vers-1955-1959

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