Édit publiant l’ouverture de la Cause de Canonisation de la Servante de Dieu Madame Élisabeth
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- Édit publiant l’ouverture de la Cause de Canonisation de la Servante de Dieu Madame Élisabeth
- 15 novembre 2017
Le 10 mai 1794, mourait à Paris la Servante de Dieu Élisabeth de France, sœur de Louis XVI, dite Madame Élisabeth. Sa renommée de sainteté progressant toujours malgré les années, la demande formelle étant présentée de commencer sa cause de canonisation et d’en donner connaissance à la communauté ecclésiale, nous avons décidé, ayant reçu l’avis de la Conférence des évêques de France et le Nihil obstat de la Congrégation pour les causes des saints, d’ouvrir cette cause par décret du 15 novembre 2017.
Nous invitons tous les fidèles à nous communiquer directement toutes les informations susceptibles de donner prétexte, de quelques manières, à douter de la renommée de sainteté de la Servante de Dieu.
Selon le droit de l’Église, nous ordonnons aussi par le présent ÉDIT, à tous ceux qui en posséderaient, de remettre au Président de la commission d’enquête, dans les délais les plus brefs, tout écrit, édité ou non, qui aurait pour auteur la Servante de Dieu, et n’aurait déjà été consigné à la Postulation de la Cause, et tout document intéressant cette cause. Ceux qui voudraient conserver les originaux pourront en présenter la copie dûment authentifiée.
Ces documents doivent être adressés au Président de la commission d’enquête pour cette cause, 17 rue des Ursins à Paris 4e.
Enfin, nous ordonnons que le présent ÉDIT demeure pendant deux mois sur le site internet du diocèse de Paris. De plus il sera publié dans Paris Notre-Dame.
Donné à Paris, le 15 novembre 2017
André Cardinal VINGT-TROIS
Archevêque de Paris
Par mandement,
Jean-Marie Dubois, Chancelier
Biographie
Élisabeth, Philippine, Marie, Hélène, naît le 3 mai 1764 à Versailles, jour de l’invention de la Sainte Croix. Huitième et dernière enfant du Dauphin, Louis-Ferdinand et de sa seconde épouse, Marie-Josèphe de Saxe, elle est baptisée le jour-même par Mgr de la Roche-Aymon, Grand-Aumônier de France. Âgée de vingt mois, lorsque meurt son père, le 20 décembre 1765, elle n’a pas encore que trois ans au décès de sa mère, le 13 mars 1767. En souvenir de ses parents, le testament maternel lui lègue une relique de la vraie croix dans un reliquaire de cristal et une Vierge d’ivoire provenant de l’oratoire de son père.
Éduquée, en compagnie de sa sœur Clotilde, par la gouvernante, Madame de Marsan et surtout par la sous-gouvernante, Madame de Mackau, la petite « Babet » est très aimée de son grand-père, Louis XV, et de son frère, Charles Philippe, comte d’Artois, avec lequel, elle entretient des liens particuliers. Il est vrai que la petite princesse séduit beaucoup de monde, famille et étrangers. Le comte de Provence écrit que « Babet est un perpétuel printemps », alors qu’Horace Walpole la trouve « aussi ronde et gracieuse qu’un pudding ». Les deux jeunes princesses reçoivent une excellente éducation spirituelle et intellectuelle, ayant pour professeur de botanique le docteur Lemonnier, pour professeur de physique expérimentale et d’histoire naturelle, l’abbé Jean Antoine Nollet, et pour professeur de mathématiques, G. Leblond, Élisabeth marquant un don particulier pour cette dernière science. L’étude de la harpe, du dessin, de la broderie complète leur formation. Un des plaisirs autorisé consiste à se rendre à Saint-Cyr pour y rencontrer les pensionnaires.
Le mercredi 16 mai 1770, la famille accueille la jeune archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche, qui épouse Louis Auguste. Très vite, la future reine de France, adolescente, et la petite fille qu’est encore Élisabeth éprouvent de l’affection et animent de leurs jeux, le château de Versailles. La future reine écrit à sa mère à propos d’Elisabeth, « C’est une charmante enfant qui a de l’esprit, du caractère et beaucoup de grâce ».
Préparée par l’abbé de Montaigne, Élisabeth est confirmée le 11 août 1775, et communie le 13 août 1775, par les mains de l’évêque de Senlis, premier aumônier du roi. La princesse, dont le caractère malicieux, colérique, difficile, s’adoucit peu à peu, se stabilise et trouve un appui dans la foi et la pratique de la méditation, ce qui l’aide à surmonter un premier grand chagrin. Le 29 août 1775, Clotilde, sa sœur aînée, si bonne et raisonnable, qui la guide, lui donne l’exemple, lui a appris à lire, part pour Turin où elle doit épouser le Prince de Piémont. Marie-Antoinette écrit à sa mère, « Cette pauvre petite a été au désespoir. Elle s’est trouvée mal… » À l’occasion des fêtes données pour ce mariage, Élisabeth porte son premier grand habit et participe à son premier bal officiel.
Comme il est de règle pour une princesse, des projets de mariage sont envisagés pour Élisabeth. Versailles a songé tout d’abord à l’infant de Portugal, prince du Brésil, puis lors de la venue de Joseph II, le frère de Marie-Antoinette, en 1777, on a pensé qu’une union serait possible entre l’empereur d’Autriche et une princesse de France. Rien ne se fit pour différentes raisons, dont les principales, en ce qui concerne personnellement Madame Élisabeth, sont une réelle attirance vers la spiritualité et un désir profond de rester vivre en France. À la fin de sa courte vie, elle laissera échapper un regret, « Pour moi, il n’y a rien de comparable à Versailles ! »
Beaucoup pensent qu’elle entrera en religion, comme sa tante Louise, tant sa piété est apparente. Louis XVI, assez réticent à cette idée, estime qu’il lui laissera un choix de vie, lors de sa majorité (25 ans). Mais Élisabeth ne semble pas avoir eu, à cette époque, le désir de la vie religieuse, alors que, par sa tante Louise et les dames de Saint-Cyr, elle la connaît bien. À quinze ans, elle signe une lettre, « Élisabeth de France, dite la Folle », et à 18 ans, elle se moque de ses rondeurs : « J’espère… que vous reviendrez aussi grasse que moi… », écrit-elle à la marquise de Rohan, en 1782. Vivre enfermée dans un lieu clos n’est pas dans sa nature. Elle a besoin de vivre au grand air, de marcher beaucoup, ce qu’elle fait en de longues promenades, dans le domaine de Versailles, et surtout en pratiquant l’équitation. Excellente cavalière, elle éprouve une réelle passion pour les chevaux, ne tenant aucun compte des dangers, au point que son frère, le roi, a fait élaguer tous les bois du domaine de Versailles.
Divers évènements, la politique, les tempéraments des jeunes princes et princesses devenues adultes et l’accession au trône de Louis XVI et de Marie-Antoinette conduisent la famille royale à se diviser plus ou moins ouvertement. Seule, Madame Élisabeth côtoie tout le monde, est acceptée à Trianon, domaine de la reine, s’amuse avec Artois (futur Charles X), discute avec Provence (futur Louis XVIII) et reste présente auprès du roi, sans oublier d’aller voir ses tantes éloignées à Bellevue, ainsi que Louise (dernière fille de Louis XV), carmélite à Saint-Denis. Elle trouve sa place à la Cour, participe aux activités, festivités, suit la mode, tant à Versailles, qu’à Choisy, Compiègne, Marly ou Saint-Cloud. Les activités sportives ne l’empêchent pas de continuer à étudier et à devenir une excellente mathématicienne, auteure d’une table préparatoire à l’étude des logarithmes, utilisée par l’École Militaire, ce dont elle s’étonne. Elle pratique le tout avec modération, effacement, se consacrant aux œuvres de charité, se réfugiant quotidiennement dans la prière, particulièrement à la Vierge Marie et au Cœur Sacré de Jésus.
Le roi lui constitue une Maison et Madame Élisabeth garde fidèlement ses amies d’enfance et dames d’honneur, n’aimant guère les changements. L’amitié qu’elle éprouve pour Angélique de Mackau, devenue Marquise de Bombelles et Marie de Causans, devenue Madame de Raigecourt, dure jusqu’à son dernier jour. Son attachement pour Madame de Guéménée, mise au ban de la société à la suite de la faillite de son mari, est public ; par l’intermédiaire de Marie-Antoinette, elle obtient du roi la dot de Mademoiselle de Causans, soit 50 000 livres, se privant, en échange, de cinq années d’étrennes. En 1781, le roi lui offre également le domaine de Montreuil, dont elle regrettera la vente et les souvenirs qu’elle en avait gardés, lors de ses séjours chez les Guémenée. Dans ce cas, c’est encore la reine qui lui remet les clés du domaine, car Louis XVI charge sa femme de remettre les cadeaux à sa sœur : « J’ai donné à la reine pour le jeu d’Élisabeth… » écrit-il dans son journal. Élisabeth n’a jamais dormi à Montreuil, n’ayant pas atteint ses 25 ans avant le déclenchement de la Révolution.
C’est à Montreuil, rattaché à Versailles en 1787, que dans la journée, elle met en pratique les principes chrétiens qui guident sa vie. Elle visite pauvres et malades, écoute les gens du peuple, commence à comprendre le mécontentement qui existe et pressent de grands bouleversements. La renommée de la « Bonne Madame Élisabeth » se répand, ainsi dans la romance du Pauvre Jacques, son vacher. En 1781, l’Almanach des Muses publie :
Pour le portrait de Madame Élisabeth de France, Sœur du Roi
Digne sœur d’un Monarque auguste et bienfaiteur
À faire des heureux, elle passe sa vie :
Sa bonté, ses vertus, son air noble et touchant
Donneraient même aux Dieux un peu de jalousie
Si le nom de Bourbon pouvait craindre l’envie
Par M. L. C. D. F.
Le malaise, qui s’étend dans la société, gagne la famille royale, où des tensions se manifestent, mais qui, endeuillée par la mort de Sophie-Béatrice le 22 juin 1787, dernière enfant du couple royal et du premier Dauphin, Louis-Joseph, se rapproche momentanément. Le 3 juin 1789, Madame Élisabeth atteint sa majorité, alors que le 4 juin et le 5 juin a lieu l’ouverture des États-Généraux. Dès le 17 juin 1789, elle regrette le manque de fermeté de son frère devant les atteintes à l’autorité royale et réalise, le 14 juillet, avec la prise de la Bastille, les dangers qui menacent sa famille. Elle ne veut pas partir et prend la ferme décision de rester près de son frère et des siens. Lors des journées des 5 et 6 octobre 1789, elle partage les dangers, quitte Versailles et s’installe aux Tuileries, où elle soutient le moral de Louis XVI et de la reine, trouvant une aide dans sa foi.
Le 10 février 1790, jour anniversaire du vœu de Louis XIII, renouvelé par Louis XVI à Notre-Dame de Paris au cours d’une messe, elle conçoit l’idée de fonder une association de prières et de sacrifices pour obtenir la protection de la France. Idée qu’elle réalise avec quelques amies, dans le prolongement des cultes rendus au Sacré-Cœur et au Cœur Immaculé de Marie, et fait exécuter deux cœurs en or pur portant gravé « L’Église de France, la Famille royale », et déposer à Notre-Dame de Chartres dans le reliquaire du voile de la Très Sainte Vierge.
Aussi, vit-elle très mal l’adoption par l’Assemblée Constituante de la Constitution Civile du Clergé, le 12 juillet 1790, la confiscation des biens du clergé, la dissolution des ordres religieux, et la position de son frère qui s’y soumet jusqu’à la réaction du pape Pie VI, qui dénonce la constitution civile et demande aux prêtres jureurs de se rétracter. L’interdiction populaire violente de quitter les Tuileries pour faire ses Pâques à Saint-Cloud, des mains d’un prêtre réfractaire, conduit Louis XVI à quitter Paris, secrètement. C’est le départ pour Varennes, les 20 et 21 juin 1791, auquel participe Madame Élisabeth, l’arrestation, le retour au milieu d’une foule hostile, mais où la princesse tient une place intéressante en conversant avec Pétion et Barnave.
La constitution du 3 septembre 1791 établit une monarchie constitutionnelle avec droit de veto, que le roi ne peut utiliser sans provoquer de soulèvement populaire comme celui du 20 juin 1792. Au cours de cette première invasion des Tuileries, Madame Élisabeth offre sa vie, se faisant passer pour Marie-Antoinette, contre laquelle se manifeste la violence populaire. Deux mois après, le 10 août 1792 a lieu le sac des Tuileries. Si la vie de la famille royale est sauvée en trouvant refuge dans le bâtiment de l’Assemblée Législative, elle devient dès ce moment prisonnière de la Commune de Paris.
Ainsi, Madame Élisabeth, qui aurait pu quitter la France, plusieurs fois, à la demande du roi, en particulier lors du départ de ses tantes en 1791, a toujours décidé de rester auprès de son frère et c’est volontairement qu’elle devient prisonnière, elle aussi, de la Commune de Paris et qu’elle entre dans la Tour du Temple le 13 août 1792.
Son anéantissement dans la prière est manifeste, comme l’atteste Cléry dans son journal. Il pouvait agir dans la pièce où se trouvait la princesse en train de prier, sans la déranger. Elle récite quotidiennement une prière, « Que m’arrivera-t-il aujourd’hui… rien que vous n’ayez prévu de toute éternité. Je m’y soumets… » Cet abandon à Dieu lui donne une grande force vis à vis des municipaux, les élus de la Commune qui assurent la garde, et qui la craignent. Ils ont appris à connaître ses colères, ses réparties, son opposition intelligente lors des humiliations organisées, son respect de la monarchie et ses pratiques religieuses. Ils ont même fini par s’apercevoir qu’elle communiquait avec certains d’entre eux par un langage de gestes codé qu’elle avait inventé. Ils comprennent que c’est elle le soutien de la famille, depuis la mort du roi, en s’occupant de sa belle-sœur affaiblie, de sa nièce qu’elle prépare à rester seule, à garder une pratique religieuse à tenir sa position de fille de France, bien malheureuse de devoir être confrontée aux propos de son neveu, qu’elle réfute avec mépris et silence. Toute cette énergie se déploie au détriment de sa santé. Madame de Bombelles écrit, le 22 avril 1793, « sa maigreur est, dit-on, effrayante, mais la religion la soutient ; elle est l’ange consolateur de la Reine et des enfants. »
Elle fournit à son frère l’abbé Egworth, son confesseur, pour l’assister dans ses derniers moments. C’est lui qui célèbre pour le Roi, une dernière (et première messe) dans la Tour du Temple. C’est lui qui recueille sa dernière confession et l’accompagne jusqu’à l’échafaud. Ainsi c’est par elle, que Louis XVI peut avoir dans ces dernières heures les secours d’un prêtre non jureur.
Le 2 août 1793, la reine part pour la Conciergerie. Madame Élisabeth n’apprend son exécution qu’au moment où elle-même séjourne dans cet antre de la mort, les 9 et le 10 mai 1794. Son procès est « préfabriqué » comme celui de bien d’autres sous la Terreur. Elle ne peut même pas s’entretenir avec son avocat, Chauveau-Lagarde. Condamnée à mort, elle fait partie d’un groupe de vingt-quatre personnes qu’elle va aider à se préparer à mourir, parmi lesquels l’ancien ministre Loménie de Brienne, Madame de Lamoignon, Madame de Montmorin et son fils, mais aussi va sauver la vie d’un innocent, faisant comprendre à la comtesse de Sérilly de déclarer sa grossesse. Cette dernière survécut à la Terreur et put élever le fils auquel elle donna le jour quelques mois plus tard.
Sur le passage de la charrette, « le peuple l’admire et ne l’insulte point », relate le municipal Moelle. Tous les condamnés se regroupent autour d’elle qui, à l’arrêt de la charrette, s’est levée la première, disant à ses compagnons, « nous allons tous nous retrouver au ciel ». Chacun à leur tour, les femmes l’embrassent, les hommes ploient le genou, tandis que la princesse récite le De Profondis. À son tour, la dernière, tête nue, elle gravit avec fermeté, les marches de l’échafaud, manifeste un dernier geste de pudeur en demandant qu’on la couvre de son fichu, avant de basculer sur la guillotine.
Toutes les relations et les Mémoires de ce temps s’accordent à dire qu’à l’instant où elle reçut le coup fatal, une odeur de rose se répandit sur toute la place Louis XV (Place de la Révolution). Son corps fut inhumé dans une fosse commune au cimetière des Irancy. Cette fosse a disparu. Son corps n’a pu être retrouvé et identifié.
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