Il a 189 ans, le 5 juillet 1830, Alger capitulait devant les troupes françaises. La colonisation de l’Algérie pouvait alors commencer. GEO Histoire revient sur ces décennies de campagne à laquelle allait participer… le magicien Robert-Houdin.
C’est une impressionnante armada qui s’élance de la rade de Toulon ce 25 mai 1830 : sept vapeurs flambant neufs entraînent dans leur sillage pas moins de 103 navires de guerre et 572 bâtiments de commerce transportant dans leurs cales des bœufs, des chevaux, du bois, ou encore de l’eau potable. Mission : conquérir Alger. Mais ce n’est pas gagné. En 1541, Charles Quint s’y est cassé les dents. En 1775, les 30 000 Irlandais de Charles III y ont été mis en déroute. En apprenant le départ de la flotte française, Wellington, le vainqueur de Waterloo, s’est écrié : «Les Français sont fous ! Un revers terrible les attend sur les côtes d’Algérie.» De fait, le dey Hussein, régent d’Alger alors sous domination ottomane, les attend de pied ferme.
Le 13 juin, huit brigades d’infanterie et d’artillerie prennent pied sur la plage de Sidi-Ferruch, https://fr.wikipedia.org/wiki/Sidi-Fredj_(Alger)wiki/Sidi-Fredj_(Alger) à 28 kilomètres à l’ouest d’Alger. Tandis qu’on installe un campement grand comme une ville – avec baraquements, hangars préfabriqués, fours à pain, forges et même des guinguettes et un théâtre –, les premières escarmouches éclatent. Des cavaliers surgissent, frappent et disparaissent aussitôt. Des tueurs rampent entre les broussailles pour exécuter les sentinelles jusque dans les bivouacs. On retrouve les victimes décapitées, et il se dit que le dey paye une jolie somme pour chaque tête française.
Aucun plan militaire n’est prévu hormis la prise d’Alger
Le 28 juin, l’armée française arrive sur les hauteurs d’Alger. Sûr de sa victoire, l’agha Ibrahim, le gendre du dey qui commande la manoeuvre, a déjà revêtu son habit de parade et fait dresser les tentes des officiers. La sienne, somptueuse, est parfumée d’essence de rose et de jasmin. Le combat s’engage dans ce décor des «Mille et Une Nuits», puis bascule rapidement dans des scènes d’horreur. Les cavaliers arabes sont décimés par l’artillerie française. L’affrontement entre les fantassins est monstrueux. Les « dépeceuses », des femmes qui suivent les troupes arabes, mettent en pièce les cadavres des ennemis en leur arrachant les organes.
Après six jours de combats acharnés, l’artillerie française éventre les murailles d’Alger. Le 5 juillet 1830, le dey est obligé de se rendre. Dans les souterrains de son palais, les envahisseurs découvrent un trésor d’une valeur de plus de 50 millions de francs. Voilà déjà l’expédition remboursée ! Mais à l’entrée de la Casbah, une autre surprise, bien moins agréable, les attend : des pyramides de têtes de soldats français. Autre déconvenue : l’indifférence de la population algéroise, pour laquelle être sous domination turque ou française, c’est «kif-kif».
Et maintenant, quelle suite donner à la prise d’Alger ? Aucun plan de conquête n’a été arrêté. Pour occuper la troupe, on se lance dans quelques raids. Les indigènes répondent en harcelant les Français dès qu’ils s’éloignent de leurs bases. Zouaves et spahis (anciens fidèles du dey d’Alger ralliés à la France), se font tirer comme des lapins lors de la corvée d’eau. Des cavaliers fondent sur les campements et massacrent les légionnaires à coups de sabre. En représailles, le général Savary de Rovigo, ancien ministre de la Police sous Napoléon, fait raser des villages entiers. Les habitants, adultes ou enfants, sont égorgés, les vergers sont détruits.
La prise d’Alger, par Theodore Gudin
Dix années de lutte acharnée contre l’émir Abd el-Kader
En 1833, le pays entier est déjà prêt à s’embraser, il ne lui manque qu’un chef. C’est le moment que choisit un jeune homme de 25 ans pour sortir de l’ombre. Abd el- Kader est le fils d’un marabout (chef religieux) vénéré de la région de Mascara, dans le Nord-Ouest. Fédérant les tribus, qui le désignent émir, il isole Oran en attaquant les caravanes de ravitaillement. Les Français répliquent en massacrant ses soutiens, en pillant les récoltes, en enlevant femmes et enfants. Après plus d’un an de combats, le général Desmichels accepte de négocier avec Abd el-Kader. Un traité, conclu le 26 février 1834, permet à ce dernier de garder autorité sur tout l’Ouest algérien et même d’obtenir la livraison de 400 fusils afin de pacifier la région. Tâche dont il s’acquitte avec un grand zèle : les tribus sont soumises par le fer ou séduites par les discours de l’émir. Les routes de la région sont devenues si sûres, dit-on à l’époque, qu’un enfant pourrait les parcourir avec une couronne d’or sur la tête.
Mais, en juin 1835, Paris découvre que le traité est trop généreux avec Abd el-Kader (Desmichels avait gardé certaines clauses secrètes). La guerre reprend de plus belle. Le général Trézel, à la tête de 2 500 hommes, marche sur Mascara, mais en chemin, au défilé de La Macta, il est sévèrement battu. Le général Bugeaud est envoyé à la rescousse pour conclure une nouvelle paix avec le jeune chef. Par le traité de Tafna, qu’il signe le 30 mai 1837, Abd el-Kader reconnaît la souveraineté de la France qui s’octroie Oran, Mostaganem et Mazagran, mais il récupère les deux tiers de l’Ouest algérien. Il établit sa capitale à Taqdemt. La tribu des Ben Zetoun, qui se trouve sur son territoire, reste fidèle aux Français : Abd el-Kader, qui porte désormais le titre de sultan, fait égorger tous les membres du clan. Bientôt, les deux tiers de l’Algérie lui obéissent. Il n’attend plus que l’occasion de reprendre la «guerre sainte».
C’est le duc d’Orléans, fils du roi Louis-Philippe, qui va la lui fournir. Le 28 octobre 1839, une colonne de 5 000 hommes quitte Constantine pour rejoindre Alger. L’expédition a été organisée dans le plus grand secret. Par bravade, le duc d’Orléans a en effet décidé de traverser le territoire d’Abd el-Kader en passant par les «Portes de fer», un étroit défilé dans les montagnes Bibans où une poignée de combattants suffirait à décimer l’armée française. Orléans et ses hommes s’engagent dans ce coupe-gorge aux cris de «Vive le roi!». Ils en ressortent indemnes : le sultan n’a pas attaqué. Le 2 novembre, arrivé à Alger, le duc donne un grand banquet sur l’esplanade de Bab el- Oued pour célébrer son exploit. Abd el- Kader, dénonçant l’intrusion sur son territoire, peut alors rallumer les hostilités. Bugeaud, désormais gouverneur général de l’Algérie, avec les pleins pouvoirs et une armée de 100 000 hommes, repart au combat. Il mène une guerre dévastatrice, ne laissant derrière lui que de la terre brûlée. Les villes tombent les unes après les autres. Mais Abd el-Kader reste insaisissable : il se déplace sans cesse avec sa «smala», composée de ses soldats, ses artisans, ses serviteurs et leurs familles, au total près de 30 000 personnes. Le 16 mai 1843, le duc d’Aumale, profitant de l’absence de l’émir, fond sur la smala et s’en empare. Diminué, coupé des siens, Abd el-Kader se réfugie au Maroc avec un dernier carré de fidèles.
……….
Le 14 juin 1830, un énorme galion Français entre à l’heure de la sieste dans le port d’Alger et commence à cannoner les maisons situées sur le port, provoquant la débandande générale d’autoctones qui, habitués à des barques de pèche à voile rapides et légères n’ont jamais vu un batiment aussi imposant ! Simultanément, un corps expéditionnaire débarque à Sidi Ferouch, un commune voisine d’Alger. La capitale de la Régence capitule définitivement le 18 juillet.
Le Général De Bourmont recevra son bâton de Maréchal dans la douleur : de ses quatre enfants engagés à ses côtés dans cette expédition, un de ses fils y a trouvé la mort…