Qu’est-ce qui fait de lui un saint ? John Henry Newman, le pasteur anglican devenu cardinal de l’Église catholique, est canonisé le 13 octobre par le pape François. « Il a vécu tout au long de sa vie à partir de l’âge de 15 ans avec le sentiment de la présence de Dieu au plus intime de lui-même », explique Keith Beaumont, grand connaisseur du cardinal Newman et auteur de « Prier 15 jours avec le cardinal Newman » (éd. Nouvelle Cité).
L’Église des premiers siècles est pour lui « la référence absolue »
« OÙ EST LA VÉRITABLE ÉGLISE ? »
Newman a connu une période où la doctrine de l’Église anglicane était déterminée par l’État. « Très tôt il se lance corps et âme dans un vaste mouvement de renouveau théologique et spirituel de l’anglicanisme », connu sou le nom de mouvement d’Oxford. Il veut inciter son Église « à retrouver ses racines catholiques » et une continuité avec l’Église des apôtres.
Sa rencontre avec les Pères de l’Eglise sera décisive pour Newman, « elle transforme radicalement sa conception de la vie chrétienne, il retrouve toute une richesse que l’Église d’Angleterre avait plus ou moins perdue à l’époque ». « Ceux que nous appelons aujourd’hui les anglicans à l’époque s’appelaient tous protestants et ils avaient perdu toute cette richesse spirituelle des premiers siècles de l’Église, des Pères de l’Église et puis du Moyen Âge. »
SA PREMIÈRE CONVERSION
Né à Londres « dans une famille anglicane de tradition mais sans ferveur religieuse particulière », John Henry Newman (1801-1890) est imprégné de la Bible dès son plus jeune âge. À 15 ans, il vit ce qu’il appellera sa première conversion. « Il parle de la découverte de deux êtres, et deux êtres seulement, dont l’existence est absolue et s’impose avec une évidence lumineuse, moi-même et mon créateur. Et c’est ça qui va déterminer le cours de sa vie. »
Très brillant élève, il n’a que 16 ans quand il est inscrit à l’université d’Oxford – alors le principal centre de formation du clergé. À 21 ans, il est nommé fellow, c’est-à-dire enseignant chercheur, d’Oriel College, le plus renommé des college d’Oxford. Devenu pasteur à 24 ans, il est le curé de la paroisse universitaire d’Oxford. « Il est le prédicateur le plus connu, le plus écouté et le plus lu de toute l’Angleterre car il commence à publier ses sermons. »
NEWMAN CATHOLIQUE
À partir de 1839, Newman doute de plus en plus de la fidélité de l’Église anglicane à celle des premiers siècles, qui est pour lui « la référence absolue ». « Il est hanté par la question : où est la véritable Église ? » Et vit « six années de doutes, d’angoisses, de questionnements avant de franchir le pas ». Mais sa « conversion », il faut la mettre entre guillemets car pour Newman elle n’est pas vécue comme un rejet, ni un reniement, ni une rupture, mais comme « un accomplissement« .
Sur le plan personnel, en revanche, « la rupture est énorme, ses amis le quittent, il est mis au ban de la société » et sa « conversion » est « vécue par les protestants comme une trahison, c’est un véritable scandale ! » Du côté des catholiques, on ne sait trop que faire de lui car « sa pensée est parfois en décalage avec l’étroitesse de la pensée de l’époque », selon Keith Beaumont. En 1859, son article sur le rôle des laïcs lui vaut d’être dénoncé à Rome pour hérésie : après cela, pendant plusieurs années il sera l’objet de suspicions de la part des catholiques.
En 1864, il est accusé de mensonge et de duplicité par un romancier populaire et pasteur anglican, Charles Kingsley. En réponse, Newman écrit en deux mois son « Apologia Pro Vita Sua » (revisité en 1865 sous le titre « Histoire de mes opinions religieuses »). Un récit où il revient sur son parcours et montre la cohérence de son cheminement spirituel. « C’est un succès de librairie extraordinaire, du jour au lendemain Newman est réhabilité dans l’opinion publique anglaise ». Reconnaissance suprême, en 1879, il est créé cardinal par le pape Léon XIII, à 78 ans. « Vers la fin de sa vie, c’est une figure nationale, même un héros national. Cette élévation au cardinalat est vécue par l’immense majorité des Anglais comme une occasion de fierté nationale qui dépasse de très très loin la communauté catholique. »