Trésor à vendre : Le Louvre acquiert une grande partie du dernier service de toilette royal d’époque Régence
Mercredi 27 novembre, Christie’s a organisé une vente dédiée aux arts classiques et décoratifs. Le Louvre y a fait valoir son droit de préemption pour acquérir une grande partie de l’extraordinaire service de toilette royale de la duchesse d’Orléans.
Parmi les douze toilettes recensées pour les membres de la famille d’Orléans, celui de Charlotte-Aglaé d’Orléans (1700-1761) est de loin le plus complet et le plus lourd (plus de 37 kg) jamais offert à une fille de France. Il comporte 41 pièces, dont quinze sont répertoriées aujourd’hui et onze sont mises en vente par Christie’s : un carré, deux boîtes à poudre, un crachoir, une aiguière et son bassin, une paire de pots et leurs couvercles, un flacon à parfum, une gantière et une vergette. À titre de comparaison, le service de toilette de la reine Marie-Antoinette, livré en 1789, ne compte que 37 pièces, et celui de la duchesse de Cadaval fait entre 1738 et 1739 ne pèse que 26,250 kg. Cadeaux de mariage ou de diplomatie de prédilection de Louis XIV, ce service de toilette a été offert à Charlotte-Aglaé d’Orléans, petite-fille du Roi Soleil, lors de son mariage au duc de Modène, François-Marie III d’Este (1698-1780) en 1720. Le lot a été commandé par Philippe II d’Orléans, dit le Régent (1675-1723) à l’orfèvre français Nicolas Besnier, légataire de l’héritage ornemaniste de et Nicolas Delaunay, créateurs de l’orfèvrerie de Louis XIV et spécialiste des toilettes royales. Les poinçons de toutes les pièces datés, en 1717 et 1719, indiquent que le service a été fabriqué et livré très rapidement. L’ensemble, qui provient d’une collection privée, a échappé aux fontes royales et révolutionnaires grâce à son envoi à Modène puis son legs à la deuxième fille de Charlotte-Aglaé, Mathilde (1729-1803), qui n’a pas de descendance directe.
Le dernier témoin du style Régence
Ce service combine à la fois le vocabulaire stylistique de Ballin, reconnaissable par la linéarité des motifs enrichie par une superposition de bordures décoratives, et le style de Delaunay, identifiable par un assouplissement des lignes et une compartimentalisation des motifs. Exemple idéal du style Régence, l’ensemble présente un décor couvrant qui combine de multiples motifs ornementaux allant de la coquille à cinq branches à la tête de faune et de femme en passant pour les fonds quadrillés et pointillés. Parmi les pièces dispersées par Christie’s, deux sortent du lot. Le carré de vermeil, estimé entre 800 000 et 1,2 million d’euros, et l’aiguière et son bassin, à l’estimation similaire. Le premier, généralement utilisé pour ranger les brosses et les peignes, est l’élément le plus imposant du service de toilette féminin avec le miroir. Il ne porte pas le poinçon du maître-orfèvre mais peut être attribué à Nicolas Besnier grâce aux entrelacs sur les côtés, identiques aux dessins réalisés par Ballin et Delaunay pour le cadenas en or de la reine Marie-Thérèse, réalisé par l’associé de Besnier en 1678. L’aiguière et son bassin sont des éléments essentiels d’une toilette au XVIIIe siècle. Elle est utilisée pour verser l’eau parfumée sur les mains et laver le corps. Le musée du Louvre conserve son pendant créé pour la mère de Charlotte-Aglaé d’Orléans, Françoise-Marie de Bourbon (1677-1749). C’est certainement pour cette raison que l’institution a acquis par préemption le crachoir, l’aiguière et son bassin, la paire de pots et leurs couvercles, le flacon à parfum, la gantière et la vergette du service mis aux enchères par Christie’s le 27 novembre dernier.
En plus d’être un ensemble exceptionnel par son style, ce service de toilette témoigne également de la réalité économique et politique de son époque. En décembre 1689, Louis XIV avait émis un décret limitant le poids de certaines pièces de services de toilette afin de contrôler les dépenses. Dès la fin de règne du Roi Soleil en 1715, le Régent réintroduit à Versailles richesse et luxe. Entre 1716 et 1720, le système de Law, qui développe l’utilisation du papier-monnaie, provoque une euphorie économique qui profite à Philippe d’Orléans, lui permettant de commander ces pièces d’orfèvrerie exceptionnelles pour le mariage de sa fille.
Enfin de belles choses exposées à la vue des Français. Un chef d’oeuvre d’orfèvrerie !