Par Anne-Laure DebaeckerPublié le 05/01/2020 à 21:13TwitterChapô
Valeurs actuelles ?
Et si les vertus de la royauté offraient une solution au marasme qui englue notre pays ? Une proposition pleine d’audace avancée par Jean Raspail. Entretien.
Un roi solitaire, en exil. Comme ce « roi au-delà de la mer », le roi Stuart Jacques II réfugié à la cour de France à qui ses partisans écossais rendaient hommage en levant leur verre au-dessus d’une carafe d’eau lors des toasts pour le roi. C’est à ce roi de France que s’adresse Jean Raspail, entre imaginaire et réalité, pour oser réaffirmer le principe royal et permettre à un autre royaume d’émerger. On limite bien trop souvent l’écrivain et explorateur à son prophétique Camp des saints. Pourtant, sa plume est riche de roman d’aventures, d’exploration, d’épopées fantastiques et de récits de voyage. Celui qui reçut, entre autres, le grand prix de littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, en 2003, offre avec le Roi au-delà de la mer, suite de Sire, un livre empreint de liberté et de poésie, reflétant son amour des causes (presque) perdues. Sa réédition enrichie d’une introduction, Le roi est mort, vive le roi, permet ainsi de redécouvrir un appel plein de souffle à adopter la voie de la fidélité à son âme, ses rêves et son devoir.
Valeurs actuelles. Dans votre livre, Le roi est mort, vive le roi, vous observez que « la République a même brisé les familles, la Famille, elle a tué les pères, le Père, l’honneur, le respect, et même le passé et sa transmission ». Est-ce pour cela que vous êtes royaliste ?
Jean Raspail. Ce sont des raisons qui font que je n’apprécie pas la République, mais ce ne sont pas les principales. Celles-ci tiennent à ses origines : pourquoi la République s’est-elle permis de supprimer la royauté de façon sanglante ?
Je conseille, tout particulièrement aux royalistes, pour réfléchir, d’aller visiter la nécropole des rois de la basilique de Saint-Denis. Si les gisants de pierre subsistent dans toute leur beauté, l’ossuaire royal n’est que pauvreté et dénuement. C’est la République qui, en octobre 1793, a profané les tombeaux, dégradé les corps avant de les balancer dans une fosse commune comme des ordures. De Dagobert Ier aux Bourbons, ce fut une multitude de princes, de princesses, rois et reines qui ont vu leurs sépultures violées par la fureur révolutionnaire. Je ne veux pas être au service d’une république qui a commencé d’une façon aussi épouvantable !
Je ne pense pas qu’avec un tel passé et sur de telles bases la République puisse être source de félicité. On ne peut être un partisan complet de la République quand on songe à la façon dont elle s’est déployée. Elle ne s’est d’ailleurs jamais excusée de ses forfaits.…
La république s’est attaquée à tout : aux morts : « Fouille dans les tombeaux pour y chercher des Rois » disait notre grand Victor Hugo – et aux vivants ô combien ! entre guillotinades, fusillades, noyades, génocide en Vendée et ailleurs ! morts sur des champs de batailles dans des guerres qu’elle a déclarées à l’Europe entière !!!
Et à toutes ces victimes humaines, il faut ajouter le vandalisme révolutionnaire détruisant tout sur son passage comme un cyclone ou un tremblement de terre : monuments, statues (tiens, ça revient à la mode !) oeuvres d’art dans tous les domaines !!!
Ben oui ! comme on dit : la « table rase » des hommes et des choses !!!
J’ignore si Mr. Raspail aura un successeur, espérons-le pour l’honneur de la France et, puisqu’il est probablement en Paradis, demandons-lui de nous assister de Là-Haut !
Amitiés à vous tous.
La fleur de lys : Jean Raspail l’arborait fièrement sur ses cravates !
Son œuvre en était tout aussi couverte. Le fameux SIRE (1991, qui narre le sacre de Philippe Pharamond de Bourbon en 1999), LE JEU DU ROI (1976), LE ROI AU-DELA DE LA MER (2000), réédité en 2019 en version augmentée sous le titre de LE ROI EST MORT, VIVE LE ROI ! ont nourri cet amour pour la Royauté. Profondément Chrétien, l’homme tenait à ses convictions. Dans son appartement, les ouvrages des guerres de Vendée rappelaient son attachement Royaliste. Le 21 janvier 1993, il organisa contre vents et marées une commémoration des 200 ans de la mort de Louis XVI, place de la Concorde, où nous étions tous présents, ce en en présence de l’ambassadeur des États-Unis Walter Curley.
En 1976, Raspail avait publié LE JEU DU ROI, roman où il évoquait un homme rêvant de son royaume évanoui en regardant la mer. Bravant les tempêtes, l’écrivain a tenu le cap, a continué à dire et écrire ce en quoi il croyait, sans jamais fléchir.