10/07/15 12h20 PAR
Mathieu Dejan 10/07/15 12h20
Dans « Le 1 hebdo », Emmanuel Macron estime que « la démocratie ne se suffit pas à elle-même », et que « le grand absent est la figure du roi ». Il n’en fallait pas plus pour que certains le taxent de royalisme.
Emmanuel Macron est-il royaliste ?
Dans « Le 1 hebdo », Emmanuel Macron estime que « la démocratie ne se suffit pas à elle-même », et que « le grand absent est la figure du roi ». Il n’en fallait pas plus pour que certains le taxent de royalisme.
Polémique futile ou maladresse avérée ? Les propos du ministre de l’Economie Emmanuel Macron dans le 1 hebdo sorti le 8 juillet, font débat. Au cours d’un entretien fleuve sur son rapport à la philosophie, à la question « La démocratie est-elle forcément déceptive ? », il répond ceci :
«La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le Roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu ».
Il n’en fallait pas plus pour que l’ex-banquier d’affaire, devenu ministre d’un gouvernement socialiste (sans être encarté au PS), soit taxé de royalisme. De fait, cet extrait de l’interview est reprise sur le site de l’Action française Le blogueur de gauche, partisan d’une VIe République, Antoine Léaument, lui a également accordé un post très repris sur les réseaux sociaux, où il prend le ministre au mot pour lui rappeler que non, les Français d’aujourd’hui « ne sont pas nostalgiques de la royauté ». Cette polémique s’est-elle construite, elle aussi, sur un malentendu ?
Interrogé par Les Inrocks, l’historien Olivier Dard, auteur d’une biographie de Maurras ( Charles Maurras . Le maître et l’action) ( éd. Armand Colin, 2013), donne raison sur le fond au premier constat posé par Emmanuel Macron, mais est plus circonspect sur la référence au Roi :
«Je pense que ce qu’il dit n’est pas d’une originalité folle, à savoir qu’il y a un vide depuis la Révolution française, et que le pouvoir en France cherche à s’incarner. Je suis moins frappé par l’originalité de ses propos que par l’impact politique qu’ils peuvent avoir, de la part d’un ministre de la République, dans un gouvernement qui n’a que le mot République à la bouche. Peut-être l’a-t-il mal mesuré ».
« La démocratie est nécessairement incomplète »
Certains reprochent à Emmanuel Macron de dire que la démocratie comporte « une forme d’incomplétude », comme si c’était une manière de remettre en cause ce régime. Contacté par Les Inrocks, le professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne Dominique Rousseau, https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Rousseau_(juriste) auteur de « radicaliser la démocratie » (éd. Seuil), tempère. Selon lui dans ce que dit Emmanuel Macron, « il y a des choses correctes et d’autres qui sont de l’ordre de l’amusement ».
Qualifier la démocratie d’incomplète n’est ainsi pas une incongruité : « La démocratie se définit toujours par une forme incomplète, ouverte à l’accueil de l’autre, elle est toujours devant nous, ce n’est jamais une forme définitive. La démocratie est nécessairement une forme politique incomplète car ouverte, à la différence des dictatures qui sont fermées ». C’est cette « incomplétude » qui a permis par exemple l’extension du suffrage universel au cours de l’histoire.
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« L’absent n’est pas le Roi, mais le peuple »
En revanche, dire que l’absent de la politique française est « la figure du Roi » n’est pas exact selon Dominique Rousseau :
«Il y a en effet un absent du processus démocratique, mais ce n’est pas le Roi, c’est le peuple, car depuis 1789 ce sont les représentants du peuple qui parlent. Le système français fonctionne sur le principe selon lequel les représentants veulent pour le peuple, et il n’y a pas de volonté possible en dehors. La figure du représentant, quelle que soit sa forme, a saturé l’espace politique français ».
https://www.lesinrocks.com/2015/07/10/actualite/actualite/emmanuel-macron-est-il-royaliste/