par Sylviane Lamant.
La symbolique des couleurs a toujours existé, mais elle a varié avec le temps et avec l’espace. La couleur fait partie intrinsèque de nos codes, conscients ou non, elle est un marqueur de notre identité culturelle. Portées ou boudées par les modes, bousculées par l’évolution des mentalités et l’élargissement croissant de nos paysages intimes, les couleurs restent cependant chargées d’histoire, imprégnées d’un parcours qui les distingue et leur rend hommage. La couleur violette, associée à la royauté et à la puissance est particulièrement riche de significations.
Sur son portrait de couronnement en 1937, le roi George VI, père de la reine Elizabeth II, porte du violet (Image : Domaine public)
« La couleur ne se laisse pas prendre au piège des normes et des paramètres. Ce qu’elle est pour les sciences humaines diffère de ce qu’elle est pour la physique, la chimie ou la neurologie », prévient le médiéviste bien connu Michel Pastoureau.
Des deux teintes pourpre et violette, seul le violet fait partie de l’arc-en-ciel, on le reconstitue par le mélange de deux couleurs primaires et contrastées, le bleu et le rouge. La pourpre est une teinture d’un rouge violacé profond, d’origine animale.
Fréquemment, ces couleurs sont pourtant données comme proches, avec lilas, mauve, lavande, mûre, toute la palette qui va de la couleur pourpre, tirant sur le rouge, à la violette, allant vers le bleu. En fait, cette proximité vient de ce que, dans l’Antiquité la pourpre s’obtenait, à partir de l’encre de mollusques, les murex, en plusieurs couleurs allant du rose au violet presque noir. En France, la langue courante a choisi de faire usage du mot « violet » pour désigner de façon générique les différentes teintes de mauve, pourpre, lilas,… En Belgique, le mot le plus fréquent est le « mauve », et en anglais, il s’agit de « purple », soit « pourpre ».
Le violet, cette couleur aux nuances variées, devient ainsi, sous le nom de pourpre, l’apanage des rois car sa fabrication est si coûteuse que seuls les plus riches peuvent se l’offrir. Il fallait, dit-on, quelque 12 000 mollusques gastéropodes – les bien-nommés pourpres – pour obtenir 1,5 gramme de teinture violette !
Le mucus sécrété par le Hexaplex trunculus, un mollusque gastéropode permet d’obtenir la pourpre d’améthyste.
Dans l’Empire romain, l’engouement pour la pourpre atteignit son paroxysme. Néron interdit sous peine de mort le port d’étoffes teintes en pourpre, les réservant à son seul usage. Constantin fait de la pourpre un monopole impérial. Selon l’importance et le statut social, une bande, plus ou moins large, est autorisée sur le vêtement.
Honneur à la pourpre
En tout temps, les hommes ont considéré que le caractère de ce qui est rare, difficile à obtenir, devait revenir au plus noble, au guide, au chef, au roi, au détenteur du pouvoir. Privilège mais aussi signe distinctif, repère visible et compréhensible pour chacun, révélatrice du statut social, la pourpre va non seulement accompagner mais représenter le pouvoir régalien : elle devient la couleur des rois, des prêtres, des magistrats autour de l’ensemble du bassin méditerranéen ; déjà, la Bible la mentionnait – le tissu que Moïse doit offrir à Dieu pour confectionner les rideaux du Tabernacle est « purpura » ; dans l’Iliade, Ajax offre à Hector une ceinture de pourpre éclatante…
Emblématique, le mot « pourpre » en vient à désigner, jusqu’à nos jours, une aisance hors du commun : « naître dans la pourpre », « viser la pourpre cardinalice » etc. Aujourd’hui, l’Eglise réserve encore dans les tenues d’apparat, la pourpre aux cardinaux, tandis que les évêques s’habillent de violet, ce qui laisse supposer une hiérarchie qui traverse les siècles.
Le violet dans tous ses états
C’est en l’an 1200 que, dans l’Église, le pape Innocent III définit le violet comme le signe de la pénitence, de l’attente et du pardon. On utilise alors des teintures, à partir de jus de myrtille et, au début du XVIIe siècle, du carmin de cochenille, renouant avec l’origine animale de la couleur.
Comment est-on passé de la pourpre brillante à la teinte retenue du violet ? Certaines interprétations avancent que la pénitence, la prière, l’humilité sont justement ce qui élève et enrichit. Quoi qu’il en soit, le violet liturgique s’emploie au temps de l’Avent, pendant celui du Carême. Lors de la messe des défunts, il devient une sorte de déclinaison du noir, symbole du deuil, et les rois de France auront seuls le privilège de porter le deuil en violet. Plus tard, dans une nuance plus claire, le violet légèrement adouci de blanc suggérera, pour les femmes, un deuil passé, moins récent que celui que le noir donnait à voir.
Depuis la découverte d’un chimiste anglais, W.H. Perkins, https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Henry_Perkin au milieu du XIXe siècle, il devient possible de produire synthétiquement du violet. La couleur pourpre reste cependant emblématique de la monarchie, en particulier anglaise, lors des couronnements des monarques, George VI en 1937, Elizabeth II en 1953. Aujourd’hui, toute la palette de la couleur violette éclot dans les nombreuses tenues de la souveraine, tandis que la duchesse de Cambridge n’est pas en reste !
Mais à présent démocratisé, détourné même, le violet, c’est aussi la couleur retenue par les suffragettes et les féministes, une couleur « psychédélique » affectionnée par des peintres tels qu’Andy Wahrol, une couleur prisée par les logos de grandes entreprises, FedEx, Yahoo, Mercure. Le violet, un moyen d’expression qui est loin d’avoir dit son dernier mot !
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