Jean-Yves Pons. Aspects héraldiques et sigillographiques des conséquences possibles de l’ascendance davidique des rois de France (Partie 1).

 Préface.

        Belle pensée d’Homère (Iliade, VI, 146-149) : “Telles les races des feuilles, telles les races des hommes : tantôt tombant sous le vent, tantôt s’accroissant innombrables, sous la poussée des forêts, quand survient la saison printanière; ainsi des générations : l’une croît et l’autre s’efface.”

         Reprenons à présent le fil de l’histoire énoncée par  Catoneo 

https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2023/01/31/contribution-decisive-a-letude-de-lascendance-davidique-des-rois-de-france/

https://royalartillerie.blogspot.com/2023/02/de-lascendance-davidique-des-rois-12.html

      A la lumière de l’apparition des armoiries, à peine deux siècles plus tard, tant il est vrai que les hommes de cette époque avaient la mémoire longue et qu’elle fut renforcée par cet élément nouveau mais essentiel de l’emblématique personnelle autant qu’institutionnelle.

      Notons d’abord la constance des couleurs dans la quasi-totalité des grandes familles occitanes, de l’Aquitaine à la Provence en passant par la Marche et l’Auvergne, aux confins de la Bourgogne : un champ de gueules (rouge), “le fond” en quelques sortes, sur lequel sont posés des meubles de couleur jaune (or). A une exception près mais qui confirme la règle : les Montpellier, des Guilhelmides aussi, cadets des Narbonne et portant donc, comme nous le verrons, des armes brisées. Le ciment territorial est bien sûr probable, ainsi que l’ont montré nombre d’études statistiques (cf. Michel Pastoureau,Vogue et perception des couleurs dans l’Occident médiéval : le témoignage des armoiries, dans Actes du 102e congrès national des sociétés savantes, Limoges 1977, tome II, p. 81-102) mais les liens familiaux ou communautaires n’y sont souvent pas étrangers tant “parentèle et clientèle furent les deux mamelles de l’époque médiévale“.

      Notons aussi, et peut-être pour les mêmes raisons, la fréquence des écus dits “au lion” – dont fait partie le léopard, variante sans doute artistique avant que d’être une brisure – (Michel PASTOUREAU, « Pourquoi tant de lions dans l’Occident médiéval ? », Il mondo animale = The world of animals. Actes du colloque de l’Université de Lausanne, 1998, 2000 -Micrologus-, 8, 1), p. 11-30) et qui ne dément pas l’adage de l’époque : “Qui n’a pas d’armes porte un lion” ! Il faut cependant observer ici un fait important : le dernier exilarque juif de Narbonne, Kalonymos ben Todros (expulsé en 1306 avec ses coreligionnaires) portait, sur son sceau conservé à Narbonne, un écu au lion dont on a dit qu’il rappelait celui de la tribu de Judas mais sans que l’on en connaisse les couleurs…(1)

      A propos du lion, il nous faut faire une remarque particulière. Il s’agit de la découverte assez récente du sceau de la communauté des moines bénédictins de Gellone dont vous vous souvenez qu’elle fut fondée en 804 par Guillaume de Gellone le quasi-point de départ de la tige des Guilhelmides. Il existe deux empreintes de 1245 et 1284, provenant de la même matrice et livrant une double image du saint. Le sceau est circulaire ce qui est rare pour les sceaux ecclésiastiques. Il s’agit, à l’avers, d’un sceau équestre sur lequel Guillaume est représenté en guerrier contemporain du XIII ème siècle, armé et portant un écu sur lequel on distingue encore assez nettement UN LION COURONNÉ. Il porte aussi un pennon armorié avec le même lion. Au revers, le saint est encore représenté, à mi-corps émergeant des nuées du paradis, tenant de la main droite un faisceau de verges, symbole de la palme du martyre qu’il ne pouvait toutefois pas porter, et dans l’autre, un livre replié sur la poitrine indiquant le rang de confesseur du fondateur de l’abbaye. Dans toute sa sobriété, le sceau résume la carrière militaire et monastique du guerrier carolingien converti, du monachus quondam miles (1 bis).

      Le revers avec la mention sigillum conventus sancti Guillelmi désigne la communauté des moines et l’avers porte sigillum sancti Guillelmi, légende évoquant le saint patron de l’abbaye, propriétaire de son patrimoine, saint Guillaume en personne, considéré comme un individu, ce qui n’est guère habituel pour les établissements monastiques. Les moines de Gellone avaient ainsi pourvu leur saint patron d’un sceau comme s’il avait été un baron terrien des XII ème ou XIII ème siècles ! Et ils s’étaient naturellement donné le droit d’en user pour leurs besoins temporels largement compris, comme si le saint l’avait confié à leur garde.

      La protection du saint s’effectue aussi, symboliquement, les armes à la main ! Le culte du saint guerrier sort directement du scriptorium de l’abbaye, l’image est en conformité avec la production écrite, hagiographique, épique et idéologique dont Gellone est la source.

       Le sceau conventuel de Gellone offre une double lecture à travers l’énoncé de l’avers et du revers : l’exégèse médiévale insiste volontiers sur la multiplicité et la superposition de différents niveaux de sens dont un mot, un énoncé ou un texte peuvent être porteurs. Cette matrice permet également un double discours héraldique : le lion rampant, arme la plus courante au XIIe siècle mais que n’avait jamais portée Guillaume de Gellone à l’époque où il vécut, est l’emblème le plus apprécié de l’aristocratie chevaleresque et guerrière occidentale mais, nous l’avons vu, occitane aussi. Cet écu au lion est l’armoirie stéréotypée du combattant chrétien mais nous n’en voyons pas la signification particulière concernant ce membre de la lignée des Guilhelmides sinon qu’il se retrouve dans nombre de familles qui en sont issues après le milieu du XII ème siècle…. Sa symbolique est à la fois profane (symbole de force, de courage, de noblesse) et sacré (symbole de Dieu, accentué ici par la couronne). En outre, le lion est souvent assimilé au Christ car, selon les bestiaires médiévaux, il a le pouvoir de ressusciter de son souffle ses petits morts-nés. Cette signification religieuse, les bénédictins la connaissaient bien. Ainsi, la double signification du lion, sa dimension christologique et chevaleresque, renvoient à Guillaume de Gellone, saint et guerrier, champion sacralisé par le lion présent sur l’écu et le pennon. Mais nous verrons bientôt une autre observation sigillographique plus troublante encore.

Pour le CER et la Charte de Fontevrault, Jean-Yves  Pons  CJA.

8 thoughts on “Jean-Yves Pons. Aspects héraldiques et sigillographiques des conséquences possibles de l’ascendance davidique des rois de France (Partie 1).

  1. Hervé Joseph VOLTO

    LE LYS : de France, ou associé (Angevains de Naples et de Hongrie, Bourbons d’Espagne, de Naples et de Parme).

    L’AIGLE : à deux têtes, impérial (germanique ou russe), et à une têtte, napoléonnien

    LA CROIX : blason de Chevalier ayant gagné sa Noblesse aux Croisades, comme la Maison de Savoie, qui descend d’un gentilhomme qui gagna sa Noblesse en Terre Sainte. Comme tout le monde le sait, les Savoie devinrent Comte, puis Duc, puis Rois de Piémont-Sardeigne puis Roi d’Italie.

    LION : “qui na pas dArmes prenne un Lion !” comme dit l’adage de l’époque.

    Par exemple, l’antique Maison de Bourbon possédait comme blason “D’Or au Lion de Gueule, le tout entourré de coquilles saint Jacques d’Azur”.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Bourbon#/media/Fichier:Armoiries_Bourbon_Dampierre.svg

    C’est par le mariage de Béatrice de Bourgogne, Dame de Bourbon, Comtesse de Charolais, avec Robert de France (1256-1317), Comte de Clermont, VI° fils de Saint Louis, que la Maison de Bourbon abandonna les Lions des Bourbons-Archambaualt et des Bourbon-Dampierre pour adopter les Lys : “D’Azur au semis de Lys d’Or augmenté d’une Bande de Gueule”, qui est le Blason ancien de la maison capétienne de Bourbon (jusqu’à Charles V qui réduit les les Lys au nombre de 3, posés en deux et un : Jésus-Christ, Sainte Marie et Saint Michel archange, les 3 vainqueurs de Satan).

    La Maison de Bourbon deviendra Maison de France à partir de 1589 avec Henri IV, quand est abandonné la Bande de Gueule.

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  2. Hervé Joseph VOLTO

    Les couleurs
    Elles sont au nombre de huit, dont les deux dernières (pourpre et orange) sont peu employées. On distingue :

    Deux métaux :

    OR = jaune
    ARGENT = blanc

    Les émaux :

    GUEULES = rouge
    AZUR = bleu
    SABLE = noir
    SINOPLE = vert
    POURPRE = violet
    ORANGE = Orange

    Une règle toute simple : ne JAMAIS mettre une couleur à coté d’une même couleur, les deux même couleur ne doivent pas se toucher.

    Pour approfondir : Héraldique, quelques rudiment
    http://dardel.info/heraldique/Heraldique.html

    Qui dit Blason dit Noble, qui dit Noble dit Chevalier
    https://confrerieroyale.com/wp-content/uploads/2021/08/De-lesprit-chevaleresque-25-aout-2021.pdf

    A lire : Alain Texier, NOBLESSE, TITRES ET ARMOIRIES (LGM)

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  3. Catoneo

    Très intéressant.
    Maintenant je me demande si la devise “rien sauf le lion” q’applique bien aux armes du Rouergue qui sont “de gueules au léopard lionné d’or”, puisque le premier baron apanagé de ce comté fut le duc mérovingien Nicet d’Auvergne, vassal du roi Gontran de Burgondie (Guntchramn), vers 587 ; et que les Toulousains n’arrivèrent entre Tarn et Truyère qu’avec le chef croisé Raymond IV de Saint-Gilles (1042-1105) par captation d’héritage.
    Normalement on aurait dû avoir des armes typiques du nord, voire plus tard la croix d’Arles (occitane).
    https://royalartillerie.blogspot.com/2018/05/de-gueules-au-leopard-lionne-dor.html

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    1. Conseil dans l'Espérance du Roi

      L’exception fait la règle, même en héraldique où les changements d’armes et autres surprises sont légion (même si c’est souvent avec un fil rouge) ! En tout cas, très bel et riche article que ce “de gueules au léopard lionné d’or”.

      Reply
  4. Catoneo

    Dans une recherche qui n’a rien à voir, j’ai relevé une famille Lévi de Rodez qui, entre 1281 et 1349, a donné plusieurs consuls au Bourg de Rodez (demi-ville des comtes de R.). La famille est issue d’un Guillaume Leu ou Lévi, chevalier, époux de Bertrande de Calmont de Plancatge, de la souche directe des Calmont d’Olt (d’argent au lion de sable), puissants seigneurs dont le château fut ruiné par Richelieu.
    Le patronyme “Leu” peut provenir de Dacie (Roumanie actuelle) où beaucoup de juifs ont émigré après la ruine du Temple.
    Le doublon “Lévi” utilisé dans les archives consulaires n’est pas innocent et pourrait montrer l’intention de plaire aux seigneurs du cru.
    Je n’ai pas ses armes.

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    1. Conseil dans l'Espérance du Roi

      Le plus drôle dans cette affaire est que les comtes de Rodez avaient des droits sur le château de Calmont qu’ils semblent avoir partagé avec les Calmont d’Olt et que, plus fort encore, Bernard de Rodez dit d’Arpajon (fils de Hugues 1er) fut d’abord qualifié de seigneur de Calmont de Plancatge puis d’Arpajon avant de forger la lignée du même nom…

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