Le mot du Gouverneur : Louis XIV… Attention, Danger ! (1)

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La scène : Dans la rue, deux concierges des beaux quartiers, Madeleine Picard et Germaine Breton.

Conversation matinale :

– Bonjour madame Picard !

– Ah, bonjour madame Breton.

– Vous allez bien ce matin ?

– Oh oui, comme d’habitude madame Breton.

– Ah, faut que j’vous dise, j’ viens d’apprendre hier une terrible nouvelle…

– Ah oui, mais quoi donc madame Breton… vous n’avez toujours pas retrouvé l’balai et la p’tite pelle qu’vous avez égarés la semaine dernière ?

– Ah pardon, je ne les ai pas égarés, on me les a volés… et sous mon nez, encore ! C’est comme j’l’ai déclaré à monsieur Voltaire, vous savez l’agent de police qui habite au 3^ème.

– Vous fâchez pas madame Breton, j’disais ça comme ça… Mais, vous m’avez l’air toute chose… Qu’est-ce qu’y a de si terrible ?

– Oh Madeleine, je peux vous appeler Madeleine, ‘pas, depuis le temps qu’on se connaît… Vous allez en pleurer : Louis XIV n’est pas Louis XIV !

– Ah bon ? On s’est trompé de numéro ? Oh, c’est pas bien grave, Germaine ! Vous êtes comme moi, vous r’ cevez souvent dans votre loge des tas de gens qui s’trompent de numéro.

– Mais non, c’est bien plus sérieux que ça Madeleine : Louis XIV n’est pas le fils de son père !

– Ah, alors c’est encore le fils d’un facteur ? J’me disais bien qu’j’ai raison de me méfier d’ celui que nous avons. Il est louche… Il lorgne tout le temps sur ma loge au lieu de regarder ses boîtes aux lettres.

– Nooon ! Je veux dire que Louis XIV n’est pas le fils de Louis XIII !

– C’est donc qu’est-ce que je disais avant, on s’est trompé de numéro… et si j’comprends bien alors, Louis XIV ne peux être que le fils de Louis XIII bis. C’est le seul emplacement possible que j’vois maintenant.

– Pas du tout ! Ce qui est sûr et certain maintenant, c’est que Louis XIV est le fils de François...

– Ah, j’ai d’viné, Germaine, de François Ier ?

– Mais Madeleine, arrêtez d’me couper la parole à tout bout de champs enfin… l’affaire est trop importante, voyons !

– Excusez-moi Germaine, j’ vous interromps plus.

– C’est le fils de François Danger…

– Pfff ?  J’vois point qui c’est Germaine !

– Moi, pas plus que vous… mais à ce qu’on en sait, ce s’rait l’fils d’un cardinal… !

– Ah ben si les curés s’en mêlent alors… !

– Et même qui serait le père du Masque de fer !

– Ah ouiiii ! maintenant qu’vous l’dite, je m’souviens que Louis XIV avait une poigne de fer… C’est dans la famille ça, c’est une famille de métallos.

– Mais Madeleine, le plus grave, c’est que si Louis XIV est un Danger, Louis XV est aussi un Danger, Louis XVI est un Danger… et tous les autres sont des Danger !

– Vous avez raison Germaine ! La preuve, j’viens d’y penser, c’est qu’Louis XVI faisait des serrures… et même qu’il avait une armoire de fer, à c’ qu’on dit… C’est les gênes Germaine, c’est les gênes… C’est d’ l’atabisme, c’est d’ l’atabisme, c’est sûr !

-De l’atavisme Germaine ! L’atavisme, c’est l’hérédité !

– Oui, eh bien moi j’vous l’dis qu’on a eu drôlement raison d’ faire la Révolution… Ça nous a évité de gros soucis et pas mal de Dangers. Vous croyez pas ?

– Bof, vous savez, après tout ce temps, la sécurité c’est plus ce que c’était hein ! Comme dit Ange Pitou : « assurément, assurément, pas la peine de changer de gouvernement ! »… C’est ce que j’répète tous les jours à mon policier du 3^ème.

– Oh oui, la sécurité c’est plus ça… même pour nous hein, parce qu’en fait de danger, nous, on est à la première loge !

– Ah c’est bien vrai Madeleine ! Allez, on bavarde, on bavarde, et le turbin n’se fait pas. Faut que j’aille sortir Miquette, ma p’tite chienne… Elle se morfond dans ma loge.

– Ah oui, mais attention hein Germaine, pas ses besoins dans notre avenue.

– Vous tracassez pas Madeleine, je l’emmène toujours dans un petit square pas très loin d’ici, vous savez le square Richelieu ! J’y vais d’ce pas.

– Allez, à plus tard !

Chouandecoeur

Armoiries des Gouverneurs