La Régence (1715-1723) bien dans ses meubles…. finalement.

 

                  C’est un court moment de l’histoire du royaume de France, mais remarquablement intense par ses bouleversements politiques : la Régence dure huit années riches en événements, de la mort de Louis XIV (1715) à la majorité de son héritier Louis XV (1723).

     De la Régence, on retient des images d’Épinal : la corruption, la débauche, les conspirations, toutes immortalisées par Bertrand Tavernier dans le film multi-césarisé Que la fête commence… (1975).

       Mais ce court moment (1715-1723) du début du XVIIIe siècle marque surtout un changement dans la conception de l’Histoire, souligne l’historien Laurent Lemarchand, maître de conférence à l’université de Rouen et auteur de la thèse La monarchie absolue entre deux âges : épreuves, expériences et réalisations de la Régence (1715-1723). « On passe d’une Histoire statique, dominée par les grands hommes, les institutions, le régime, une Histoire fossilisée autour de Louis XIV, à une Histoire dynamique, qui conçoit que la monarchie puisse évoluer. »

    La Régence, pour reprendre la formule du fameux historien Emmanuel Le Roy Ladurie, a été une période de « transition conservatrice de l’absolutisme ». « Conservatrice, c’est-à-dire qu’on reste dans l’absolutisme, explique Laurent Lemarchand. Mais un absolutisme qui transite, qui évolue. L’absolutisme de Louis XV diffère largement de celui de Louis XIV. »

1er septembre 1715 : la mort de Louis XIV

     Lorsque le Roi-Soleil meurt, le 1er septembre 1715, son testament affirme qu’en attendant la majorité légale du dauphin, le futur Louis XV, c’est à un autre fils de Louis XIV, le duc du Maine, un bâtard légitimé, que revient l’exercice du pouvoir réel, c’est-à-dire la régence. Le duc Philippe d’Orléans, neveu et gendre du roi, ne reçoit que la charge honorifique de « président du conseil de régence ». C’est pourtant ce dernier qui s’empare du pouvoir dès le lendemain, fort du soutien du Parlement de Paris.

2 septembre 1715 : Philippe d’Orléans est proclamé Régent du royaume

      Dès l’automne 1715, le duc d’Orléans met en place un train rapide de réformes. Le Parlement retrouve son droit de remontrance avant l’enregistrement des édits, tandis que la Cour déménage de Versailles à Paris, laquelle redevient la capitale politique du royaume. Le 1er octobre, le Régent fait adopter le système dit de la polysynodie, poussé par les parlementaires qui gagnent ainsi un pouvoir accru. « La politique du Régent est, par prudence, d’empêcher la formation d’une nouvelle ligue de Frondeurs contre le roi, précise Laurent Lemarchand. Il choisit donc de gagner les faveurs de ses ennemis, en leur ouvrant les portes du gouvernement. »

1715-1718 : la Régence libérale et pacifiste

       Ces nouveaux conseils, en réalité des ministères collégiaux conçus pour assister le Conseil de Régence, ont le droit d’opposer critiques, remarques, voire refus aux textes de lois proposés par la monarchie. Ces conseils spécialisés, composés pour moitié de nobles d’épée et pour moitié de nobles de robe, sont au nombre de sept, chargés respectivement de la « conscience » (c’est-à-dire de religion), des affaires étrangères, des affaires du dedans du Royaume, de la marine, du commerce, des finances et de la guerre.

     Et la tâche est ardue : la guerre de Succession d’Espagne (1701-1713) a mis la France à genoux. Lorsque le duc d’Orléans parvient au pouvoir, les caisses de l’État sont vides. La dette publique s’élève à 2,8 milliards de livres, un record. Le Roi-Soleil l’admet lui-même sur son lit de mort, où il a en août 1715 cette phrase célèbre : « J’ai trop aimé la guerre ». « La Régence hérite de cette crise de Louis XIV, résume Laurent Lemarchand, la traite et la résout. »

       Sous la direction du cardinal Dubois, principal ministre de l’État, le royaume rompt avec l’absolutisme guerrier du XVIIe siècle, prend ses distances avec la belliqueuse Espagne pour se rapprocher de l’Angleterre, joue la carte de l’équilibre européen. « La paix cesse d’être le moment où on prépare la guerre, détaille Laurent Lemarchand, pour devenir une fin en soi. »

1716 : l’expérience de Law

     La paix préservée, reste l’épineux problème des finances publiques. Le Régent découvre en 1716 le système original proposé par l’économiste écossais John Law, qui défendait que l’État se fasse banquier et commerçant, boostant le commerce extérieur en produisant une monnaie papier, aisément fabricable et transportable. Le duc est séduit, le système adopté, une compagnie commerciale par actions est fondée sous la houlette de Law, la Compagnie des Indes, issue de la fusion des compagnies coloniales françaises.

     Une Banque générale est créée dans la foulée, et reconnue Banque d’État en janvier 1719. Las, lorsque Law réunit la Banque d’État à la Compagnie des Indes en 1920, la confiance des actionnaires disparaît rapidement, faute de dividendes satisfaisants. Le cours des actions chute alors et la Banque fait faillite. Law est ruiné et banni.

 »      On oublie que le système de Law n’est pas véritablement un échec, rappelle Laurent Lemarchand. Il a permis à la monarchie de financer et satisfaire ses soutiens, le duc de Condé et plus généralement l’aristocratie, de sortir de la banqueroute provoquée par Louis XIV. Si Law a échoué dans sa volonté de sortir d’un système bimétallique et de réformer les impôts, c’est grâce à lui que la monarchie parvient à diminuer considérablement sa dette, et à sortir de la dépression économique. »

1718-1723 : la Régence autoritaire

    Les réformes politiques, elles aussi, vacillent. En 1718, la belle entente entre les conseils se fissure et des conflits éclatent, y compris entre les conseillers de la noblesse d’épée et le Régent lui-même. Le 24 septembre 1718, le duc d’Orléans se résout à dissoudre la polysynodie pour revenir au système des secrétariats d’État. Son existence a été éphémère — trois ans à peine —, mais a prouvé son utilité : la Régence n’a jamais vu le retour de la Fronde.

     « La Régence n’a jamais été un moment de faiblesse, au contraire, souligne Laurent Lemarchand. Elle a été un moment de renforcement de l’État, qui est doté de plus de forces, plus de moyens financiers, et qui va jouer un rôle nouveau, notamment dans le développement des Lumières. »

https://www.geo.fr/histoire/la-regence-en-cinq-dates-clefs-216825

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