Le 1er novembre 1954 marque le début de la guerre d’Algérie. Ce jour-là, une série d’attentats orchestrés par des membres du Front de libération nationale (FLN) a laissé une empreinte indélébile sur l’Histoire, transformant cette journée en une « Toussaint rouge » chargée du sang d’innocentes victimes. Cet événement a aussi inauguré huit années de conflit sur le sol algérien, ainsi que de longues décennies de tensions et d’hostilité entre la France et l’Algérie devenue indépendante.
Un vent d’indépendance
Après la Seconde Guerre mondiale, un souffle d’indépendance parcourt le monde colonial et atteint l’Algérie, annexée en colonie en 1830 puis transformée en département en 1848 : des Algériens réclament leur autodétermination. Pour y arriver, des groupes clandestins sont formés pour mener une lutte armée et faire entendre leur voix dans un pays où coexistent huit millions de musulmans avec le statut d’indigène et un million de citoyens français.
En octobre 1954, le Front de libération nationale est fondé et conçoit une stratégie en deux volets : organiser des attentats ciblés contre l’État colonial et obtenir le soutien de la population algérienne pour contraindre la France à céder face à leur velléité.
Des crimes odieux
C’est ainsi que dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une trentaine d’actions violentes sont déclenchées simultanément sur l’ensemble du territoire algérien, visant des postes de police, des bâtiments administratifs, des infrastructures de communication et des fermes coloniales. Cette série d’attentats fait alors dix victimes, dont les noms méritent d’être cités au nom de la mémoire : le chauffeur de taxi Georges-Samuel Azoulay, le caïd Ben Hadj Sadok, l’ancien réserviste Laurent François, le forestier François Braun, l’agent de police Haroun Ahmed Ben Amar, les soldats Pierre Audat et André Marquet, le brigadier-chef Eugène, le lieutenant Darneaud et l’instituteur Guy Monnerot.
Le choix de la date – la fête catholique de la Toussaint – est, aussi, fortement symbolique et veut sans aucun doute marquer la lutte entre deux mondes, deux cultures, deux religions. Le FLN cherche ainsi à marquer les esprits par la gravité de ses actes.
La réaction de la France
Face à ces événements, le gouvernement français, sous Pierre Mendès France, réagit avec fermeté. François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, déclare : « La seule négociation, c’est la guerre » et affirme que « l’Algérie, c’est la France, et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne. ». Tous dénoncent les actes terroristes et acceptent l’envoi de renforts militaires pour rétablir l’ordre en Algérie. La France refuse aussi de reconnaître le FLN comme interlocuteur politique, en raison des actes terroristes que cette organisation a perpétrés. La riposte française s’accompagne alors d’enquêtes, de perquisitions et d’arrestations de toutes les personnes susceptibles d’être un danger. Cependant, cette répression n’entame en rien la détermination du FLN. Au contraire, elle permet la mobilisation croissante de combattants et permet au FLN de se structurer en une véritable armée de libération.
Une fracture durable
La Toussaint rouge marque ainsi, sans qu’on en ait eu conscience sur le moment, le début d’un conflit long et douloureux. Vont alors se dérouler, en Algérie, de nombreux combats sanglants d’opérations de guérilla et de représailles, entraînant des centaines de milliers de victimes dans chaque camp. Cette guerre déchirera la société française et sera à l’origine de la fracture durable qui s’est, par la suite, installée dans les relations franco-algériennes – fracture qui perdure encore aujourd’hui. Si, pour le FLN, encore au pouvoir aujourd’hui en Algérie, le 1er novembre 1954 représente l’aube de l’indépendance algérienne, il est cependant essentiel de rappeler que cette journée est marquée à jamais par l’infamie, mais aussi que toute célébration de cet événement serait une insulte envers la France, et surtout à l’égard des dix victimes innocentes assassinées, il y a maintenant 70 ans.