Touc ces mots ( et non « maux ») qui viennent de l’Eglise

    Deux prêtres, Gautier Mornas et Loïc Bonisoli, ont écrit un dictionnaire décalé de ce vocabulaire dans leur ouvrage « Ni sainte ni touche ! » (éditions du Cerf, 2023). Avec humour et science, ils s’attachent à retrouver l’origine de ces mots, leur définition et leurs applications contemporaines. Car oui, nombre des expressions de la langue française ont un lien – parfois ténu, souvent insoupçonné – avec la culture chrétienne.

      Ainsi la pomme d’Adamqui désigne la saillie du cartilage thyroïde propre aux hommes, s’inspire du fruit défendu qui se serait coincé dans la gorge du premier être créé par Dieu. Le capharnaüm, qui caractérise la pagaille, vient de la ville éponyme située au bord du lac de Tibériade où Jésus commença son ministère public. La grande activité commerciale de cette ville lui valut de devenir un symbole de confusion en raison des nombreux mouvements de foule qui s’y pressaient. Le fait d’atteindre un âge canonique, présumé respectable, renvoie à l’âge prévu par les canons (les règles de droit interne de l’Église), à partir duquel une femme peut assurer le service domestique chez un clerc, pour écarter tout soupçon.

       Si certaines formules font clairement référence aux textes bibliques comme se faire l’avocat du diable, connu ni d’Adam ni d’Eve, du pain béni, prêcher dans le désert, être attendu comme le Messie, d’autres expressions trouvent également leur origine dans le christianisme, mais beaucoup l’ignorent. Ainsi d’un événement qui remonte à Mathusalem, en référence à Mathusalem, le grand-père de Noé dont la Bible nous dit qu’il vécut… 969 ans (il s’agirait plutôt de mois, en raison d’une erreur de traduction). Le concept dannée sabbatique a lui aussi une origine biblique méconnue. Selon le livre du Lévitique, les habitants d’Israël devaient faire une pause d’une année dans les champs tous les sept ans afin de laisser la terre en jachère.

       Mieux vaut d’ailleurs connaître l’origine de certains termes pour éviter d’être floué : si l’on vous propose de vous payer à la Saint Glinglin, inutile d’attendre car ce saint ne figure guère dans le calendrier officiel de l’Église ; si l’on vous traite de grenouille de bénitier, ne soyez pas flatté : ce terme compare les personnes passant leur temps à l’Église à des crapauds qui ne s’éloignent jamais de leur bassin, en référence au bassinet rempli d’eau bénite situé à l’entrée des églises.

        Enfin les gourmands recourent volontiers à des mots empruntés au christianisme, sans le savoir le plus souvent, quand ils se délectent d’un Saint-Honoré -nommé ainsi en hommage à l’évêque d’Amiens et patron des boulangers – ou d’une religieuse nommée ainsi au XIXesiècle à Paris par un pâtissier qui baptisa son gros chou garni de crème pâtissière en pensant aux formes généreuses des religieuses de l’époque. À moins qu’ils préfèrent croquer dans un pet de nonne, ce petit beignet soufflé et sucré créé par une sœur au XVe siècle ?!

« Nous vivons en un temps et dans un milieu saturé d’idées chrétiennes qui ne se souviennent plus de leur origine » écrivait Étienne Gilson dans sa Leçon inaugurale au Collège de France en 1943. Il n’avait pas tort !

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