Jean-Yves Pons. Approche de l’héraldique ou art du Blason (7)- Augmentation d’armoiries.

Chronique d’héraldique n° 7

      En guise d’introduction à l’héraldique institutionnelle et après avoir traité naguère des BRISURES                                                                                                                     https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2024/12/10/chroniques-heraldiques-de-jean-yves-pons-6-les-brisures/                                                                                                                          qui permettent de distinguer au sein de la même famille  les cadets de leurs aînés, nous voudrions dire un mot de ce que l’on nomme les AUGMENTATIONS D’ARMOIRIES à savoir les modifications apportées par le souverain (ou éventuellement un suzerain) à des armes familiales, territoriales ou communales préexistantes en remerciement de fidélité ou en reconnaissance d’un fait particulièrement honorable.

        Ces augmentations se font la plupart du temps par l’ajout d’une pièce (un chef ou un canton sont les plus fréquents) ou d’un meuble et, dans les cas qui nous occupent, il s’agit en général d’une ou de plusieurs fleurs de lys. Dans quelques cas plus rares l’octroi de l’augmentation se fait par la concession de la totalité des armoiries du souverain ou du suzerain comme nous le verrons plus loin.

       L’exemple le plus courant d’augmentation, en France, se trouve dans les armoiries de villes fidèles au roi en des circonstances particulières par l’attribution d’une pièce honorable explicite : le chef. Celui-ci est alors « de France ancien » (d’azur semé de fleurs de lys d’or) ou, plus tard, « de France moderne » (d’azur à trois fleurs de lys d’or). On parle alors du chef des « Bonnes villes de France » ou de celui d’une « Ville royale« .

 

 

 

 

 

 

 

Armoiries de Poitiers, Bonne Ville de France (Wikipédia)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Armoiries de Paris, Ville royale   (Wikipédia)

          Un blason-  des armoiries- « augmenté » devrait se lire en ignorant d’abord l’augmentation, puis en terminant par augmenté de…. Cette règle n’est en réalité jamais appliquée.

       Ainsi le blasonnement de Lyon devrait être de gueules à un lion d’argent augmenté d’un chef de France or le blasonnement habituel est le suivant : De gueules à un lion d’argent, au chef cousu d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or qui n’est pas fautif mais ne retrace pas l’évolution honorifique. Pourtant la notion d’émail sur émail l’est et le terme cousu indique alors que l’« anomalie » est reconnue.

     D’autres pays que le notre connaissent également cette notion d’augmentation d’armoiries. 

     Ainsi, dans le Saint-Empire romain germanique, l’empereur concède souvent ses armes (d’or à l’aigle bicéphale de sable) à l’occasion d’érections de terre en duchés ou en principautés. En particulier dans ses possessions italiennes:

 

 

 

 

 

 

 

Armoiries de la ville impériale de Trieste

     Dans la couronne d’Aragon, les armes royales d’or à quatre (le nombre peut varier) pals de gueules sont parfois décernées à des fidèles du roi.

    En Ecosse, l’augmentation la plus fréquente est obtenue par une bordure d’or chargée d’un double trescheur fleurdelisé et contre fleurdelisé de gueules, partie la plus reconnaissable des armes royales.

 

 

 

 

 

 

 

Armoiries de l’Ecosse

         Le roi accordait aussi des augmentations à des personnes physiques, tel membre d’une famille particulièrement honorable ou importante mais les exemples ne sont pas si nombreux qu’on pourrait le penser…

        Citons par exemple quelques familles italiennes récompensées pour le soutien apporté à la monarchie français, en particulier lors des guerres d’Italie. La plus célèbre concession fut sans doute celle accordée en 1465 par Louis XI à Pierre Ier de Médicis, remplaçant une des boules (tourteaux) de gueules du blason primitif par une boule aux armes de France. Il s’agissait de le remercier des services bancaires de cette famille auprès du roi !  

 

        Famille de Médicis : d’or à six boules mises en orle, cinq de gueules, celle en chef d’azur chargée de trois fleurs de lys d’or.

 

 

 

 

 

 Ou bien encore à la famille d’Este

Famille d’Este : Écartelé, en 1 et 4 d’azur, à trois fleurs de lys d’or, à la bordure endentée de gueules et d’or et en 2 et 3 d’azur, à l’aigle d’argent, becquée, languée et couronnée d’or.

 

               Notons également quelques augmentations d’armoiries célèbres ou particulièrement démonstratives concernant des familles de l’ancienne France. Ce fut le cas par exemple de la famille d’Estaing (à ne pas confondre avec… celle de Giscard ) à laquelle la légende attribue le port des armes de France sommées d’un chef d’or par le roi Philippe-Auguste, après la bataille de Bouvines en 1214 mais dont, finalement… on ne sait rien !

 

 

Armoiries de la famille d’Estaing

D’azur à trois fleurs de lys d’or ; au chef du même ( métal) https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Henri_d%27Estaing

 

 

Ou encore les familles de Castelbajac :                                                                                                                                                          

Castelbajac : D’azur à la croix alésée d’argent surmontée de trois fleurs de lys d’or.

 

 

 

 

 

 

                                                                       

 

 

De Mourins d’Arfeuil (augmentée par Philippe le Bel en 1308) :

De Mourins d’Arfeuil : D’azur, à une fleur de lys en abîme, accompagnée de trois étoiles, le tout d’or.

 

 

     Ou de Cardaillac, famille illustre de notre ami Catoneo (augmentées par Louis XII pour les Cardaillac de Saint-Cirq, puis par Louis XIV pour les Cardaillac de Lacapelle) :

 

Cardaillac : De gueules au lion d’argent armé, lampassé et couronné d’or, vêtu d’une cotte d’armes d’azur semée de fleurs de lys d’or et accompagné de treize besants d’argent posés en orle.

 

 

 

     En somme, que de belles créations et que d’honneur dont les récipiendaires eurent toutes les raisons d’être fiers.

    Hors de France, certains pays ou collectivités territoriales ont parfois exprimé, par l’utilisation des armes de France, un lien privilégié et historique avec notre pays. L’exemple le plus ancien et le plus notable est celui de la Grande-Bretagne qui, du XIII ème siècle jusqu’au début du XIX ème (en raison d’une revendication ancienne du roi Henri III) porta un écartelé de France et d’Angleterre. Ceci pris fin… en 1801.

 

Armoiries de la Grande-Bretagne en 1800 : écartelé de France et d’Angleterre.

 

 

 

 

Ce fut aussi le cas du Canada, pour les raisons historiques que l’on sait, comme de la province canadienne du Québec :

 

 

    Armoiries du Canada.

 

 

 

 

          La suppression des armoiries le 17 juin  1790 puis l’abolition de la monarchie française le   21  serptembre  1792 provoquèrent un effacement brutal du motif héraldique dit « de France« . Les représentations de ces armes, brisées ( détruites) ou non furent traquées et largement mutilées, comme symboles de l' »Ancien régime« . Après un retour officiel pendant les restaurations du XIX ème siècle (1814-1848), il fut à nouveau abandonné. Contrairement à l’expérience précédente, en revanche, il n’est pas interdit.

      C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il figure aujourd’hui dans de nombreuses créations héraldiques contemporaines, initiées en son temps par Robert Louis auquel nous avons eu l’occasion de rendre hommage (https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2024/11/11/jean-yves-pons-approche-de-lheraldique-ou-art-du-blason-2/). En voici un exemple :

Département de l’Essonne (91): tranché d’azur à l’escarboucle d’or et d’azur semé de fleurs de lys d’or; à la bande ondée d’argent brochant sur la partition.

       Elles ont été créées par feue l’héraldiste Suzanne Gauthier https://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Gauthier  et adoptées officiellement le 6 mars 1989. L’escarboucle symbolise héraldiquement un atome et fait référence à la recherche nucléaire dans le département. Le semi de fleurs de lys provient des armoiries de l’ancienne province d’Île-de-France et la bande ondée représente les rivières Seine et Essonne.

     Et un autre, dû au talent de Robert Louis, les armoiries de la ville de Vincennes (94300)  (où il résidait) qui, chose étonnante pour une ville royale, n’en avait pas…

     Vincennes: De gueules au château d’argent donjonné et crénelé, posé sur un chemin de ronde aussi crénelé, flanqué à dextre et à senestre d’une échauguette, le tout posé sur une risberme ( ouvrage de  consolidation d’un mur)  d’argent, maçonné et ajouré de sable, accompagné en pointe de trois boulets mal ordonnés aussi d’argent; au chef d’azur semé de fleurs de lys d’or. 

   Comme vous pouvez le constater, la science et l’art Héraldiques ont encore de beaux jours devant eux malgré l’ignorance des idéologues du moment et le dédain des pisse-froid ! 

Jean-Yves Pons, CJA.

2 thoughts on “Jean-Yves Pons. Approche de l’héraldique ou art du Blason (7)- Augmentation d’armoiries.

  1. Conseil dans l'Espérance du Roi

    Notez tout de même qu’à l’époque où le chef des « Villes royales » fut concédé… ni la Légion d’honneur ni la croix de Compagnon de la Libération ni la Croix de guerre 14-18 n’existaient ! Et aucun ordre de chevalerie n’a jamais été attribué à une commune de France.

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  2. Conseil dans l'Espérance du Roi

    En marge de cette chronique, ne vous privez surtout pas de découvrir les merveilles venues d’Europe de l’Est et, en particulier, le style inimitable de cet immense peintre héraldiste Tchèque Zdirad Cech, resté si proche de l’héraldique des premiers temps : https://www.youtube.com/watch?v=ENm6Wgvao38

    En plus, si vous en avez le goût, sachez qu’une visite à la page Facebook d’un autre grand héraldiste de talent, Russe cette fois, Michael Y. Medvedev mérite largement le détour : https://www.facebook.com/michael.y.medvedev/

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