9 juin 1925 1
Lettre ouverte à M. Morain, préfet de police
Monsieur le Préfet de police,
Pour être absolument en règle avec les usages, je viens m’acquitter auprès de vous d’une formalité dont il me semblait que les événements anciens et récents pouvaient me dispenser.
Le 22 janvier 1923, l’assassin Germaine Berton, qui, disait-elle, me cherchait, a tué Marius Plateau, mon ami, parce qu’il était mon ami et qu’il travaillait à la même œuvre nationale que moi.
Le 25 mai 1923, un autre assassin qui, de son aveu, me cherchait aussi, le nommé Taupin, est venu tirer des coups de revolver dans une salle de mon journal en manière d’avertissement, disait-il.
Le 26 mai 1925, un troisième assassin, qui me cherchait aussi, dit-elle, a tué mon ami Ernest Berger/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Berger/ parce que, dit-elle toujours, Ernest Berger me ressemblait.
Maria Bonnefoy sera certainement acquittée comme Germaine Berton 2, / https://fr.wikipedia.org/wiki/Germaine_Berton /ou condamnée à quelque peine dérisoire, comme Taupin. Les émules éventuels de ces trois assassins comptent sur cette impunité, et, dans ces conditions, Monsieur le préfet de police, il n’y a pas au monde un être sensé qui puisse concevoir que je sorte sans armes ; il n’y a pas non plus un homme sensé pour concevoir que mes amis, ceux qui me ressemblent par le visage ou par les idées, ceux qui travaillent avec moi, puissent se reposer du soin de leur sécurité sur les forces dont vous disposez.
Payant l’impôt comme les autres, ils ne sont pas protégés comme les autres. Ils sont réduits à se défendre par les moyens qui dépendent d’eux et non de vous, Monsieur le préfet de police.
Ces jours-ci, votre personnel a fait admirer sa promptitude et sa célérité quand il s’est agi de retrouver le bijou perdu d’une reine de la République, belle-sœur du secrétaire particulier de M. le président du Conseil. Mais les instigateurs de l’assassinat de Plateau courent encore, et ceux qui les connaissent ont été prudemment supprimés. Les assassins de Philippe Daudet 3 sont encore en place, non loin de vous, Monsieur le préfet de police. Ni les communistes assassins de Marseille 4 ni ceux de la rue Damrémont 5 n’ont payé leur dette. Ils ne sont pas à la veille de la payer. Nous avons dit, écrit, imprimé, démontré par l’aveu patent des coupables, quelle camarilla de police s’opposait aux libres recherches de la justice dans l’affaire Philippe Daudet ; nous avons publié leur délibération criminelle tendant à peser et pesant en fait sur le gouvernement précédent pour arrêter l’œuvre du ministre, du parquet et du juge : nous n’avons pas vu l’ombre d’une sanction contre ces coupables certains.
Plus récemment enfin, nous avons connu avec clarté votre point de vue lorsqu’à la veille de la fête de Jeanne d’Arc 6 (le 7 mai 1925) vous avez dit à un témoin digne de foi que vous protégeriez tous les Parisiens hormis les royalistes qui auraient à se débrouiller avec les communistes. Il est vrai que, le jour où ces paroles scandaleuses furent connues et publiées, un autre témoin également digne de foi est venu nous dire que vous démentiez et désavouiez ce propos. La valeur de vos deux sincérités successives n’est pas douteuse : vous avez dit, vous vous êtes dédit. Mais votre conduite ultérieure a bien montré quel était votre véritable sentiment. On pouvait hésiter là-dessus jusqu’à l’attentat de la rue Hermel 7 ; depuis que vos agents ont désarmé les royalistes pour les livrer sans défense aux coups de scélérats internationaux, la preuve est établie, l’opinion est faite, tous les patriotes et tous les honnêtes gens vous diront comme moi, Monsieur le préfet, qu’ils seraient criminels et fous de compter sur vous et sur vos services pour les défendre et les garder : vous êtes trop occupé à préparer de mauvais coups d’accord avec les bandes que vous êtes censé combattre. Rue Hermel (des journaux qui nous sont hostiles, comme les Débats, l’ont constaté) il y avait le même soir deux réunions : l’une était tenue par les amis des assassins de la rue Damrémont, l’autre par les amis d’Ernest Berger, de Philippe Daudet et de Marius Plateau. / https://fr.wikipedia.org/wiki/Marius_Plateau/La cause est entendue, Monsieur le préfet de police : ceux que vous avez ordonné de désarmer étaient les amis des victimes, non les amis des assassins.
Jamais un homme en place n’accorda une couverture aussi large à l’assassinat. D’autres épargnèrent le crime. Vous collaborez avec lui.
Cela dicte notre devoir. Ferait-il bon marché de son existence, un citoyen digne de ce nom sait ce qu’il doit à la patrie et à la société. Aucun Français de cœur n’abandonnera son pays à la horde anarchiste qu’un infâme régime soudoie, manœuvre, couvre et appuie par tous les moyens. Aussi longtemps que ces idées, ces mœurs, ce personnel règneront, notre légitime défense fera du port du revolver non pas un droit, mais un devoir.
J’ai l’honneur de vous adresser, Monsieur le préfet, le salut de cette arme qu’il ne m’est pas permis de quitter.
http://www.maurras.net/textes/249.html
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