Chers amis, voici la suite :
- Voir pour le début de l’analyse; : https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2022/09/09/rencontres-fontevristes-2022-9-communication-sur-la-triple-donation-partie-1/
Le document témoin
Je vous ai dit précédemment * que nous n’avions pas en notre possession le document matériel de la Triple Donation elle-même.
Ce que nous avons est un témoignage de l’événement de la Triple Donation constitué du récit succinct de cet événement et des circonstances dans lesquelles il eut lieu, en particulier de l’intervention de secrétaires (ou notaires) royaux à la demande de Jeanne pour l’écriture de l’acte et son enregistrement.
L e document rapportant le fait est un rajout à la fin d’une œuvre intitulée Breviarium Historiale, rajout écrit au Vatican en mai ou Juin 1429 par un clerc français, Jean Dupuy, Inquisiteur de Toulouse qui sera nommé évêque de Cahors en 1431. Pour mémoire, Breviarium Historiale peut être traduit par Abrégé de l’Histoire du Monde, depuis la création jusqu’à l’année 1428. Le rajout, lui, concerne l’intervention de Jeanne la Pucelle, donc de février à mai 1429 seulement.
Ce texte fut découvert au Vatican en 1885 par le comte Ugo Balzani, et une communication en a été faite la même année à l’Ecole des Chartes par Léopold Delisle.
On connait sept exemplaires du Breviarium Historiale manuscrit, imprimés à Poitiers en 1474. On les trouve à la Bibliothèque Nationale (4ex.), au Vatican (2ex.), et à Genève (1ex.) Ces exemplaires ne comportent pas le rajout sur Jeanne. Seul le document personnel de Jean Dupuy (au Vatican) possède ce rajout. Cependant il existe à Madrid et à Salamanque deux exemplaires supplémentaires incluant aussi le rajout, plus d’autres passages (de Jean Gerson), ces derniers ne donnant aucune information nouvelle supplémentaire sur l’événement de la Triple Donation.
Voici d’abord en latin le texte du Breviarium évoquant la triple Donation :
(Ces simples phrases sont vraiment tout ce que nous possédons – actuellement – comme récit de la Triple Donation).
Quid plura ? Dicta puella a Francorum rege unum donum sibi dari impetravit. Quod et rex spopondit. Et ipsa petiit tunc regnum sibi dari. Quo[d] rex admiratus, post tractus temporis, illi dedit et ipsa acceptavit, voluitque sibi litteras per quatuor regis secretarios confici et recitari sollemniter. Quo facto, rex remansit aliquantulum admiratus. Et ipsa circumstantibus ait : « En hic est pauperior miles sui regni ! » Et post pusillum temporis, coram dictis notariis, tanquam donataria regni Francie, illud remisit Deo omnipotenti. Post autem alium temporis tractum, Dei jussu, ipsum regem Karolum de regno Francie investivit, et de omnibus voluit litteras sollemniter confici.
Accompagné de sa traduction faite par Léopold Delisle de l’Ecole des Chartes :
Que dire de plus ? Un jour, la Pucelle a demandé au roi de lui faire un présent. Cette prière fut aussitôt agréée. Jeanne ne demanda rien de moins que le royaume de France. Le roi, étonné, fit le cadeau après un instant de réflexions. Jeanne l’accepta, et s’en fit faire, par les quatre secrétaires du roi, une charte dont il fut donné une lecture solennelle. Le roi en était un peu ébahi, et Jeanne, en le montrant à l’assistance, tint ce propos : « Voilà le plus pauvre chevalier de son royaume ! » Presqu’en même temps, par-devant les mêmes notaires, elle livra au Dieu tout-puissant le royaume de France qu’elle venait de recevoir en don. Puis, au bout d’un instant, obéissant à un ordre de Dieu, elle investit le roi Charles du royaume de France ; et de tout cela elle fit dresser un acte solennel.
J’ose même vous donner ma propre traduction (la plus littérale possible, mais j’espère compréhensible), car je me suis aperçu que le texte latin, ne mentionnait pas du tout les mots « un jour » rajoutés par Léopold Delisle dans sa traduction.
Quoi de plus ? La dite Pucelle obtint du roi des Francs qu’un don lui soit fait. Ce que le roi promit. Et elle-même demanda alors que le royaume lui soit donné. Ce que le roi, surpris, lui donna après un certain délai, et elle-même accepta et voulut que cela lui soit fait par écrit et lu solennellement à haute voix par quatre secrétaires du roi. Cela fait, le roi resta un tout petit peu déconcerté. Et elle-même dit à ceux qui l’entouraient : « Voici le plus pauvre soldat de son royaume ! » Et après un instant, devant les dits notaires elle remit celui-ci, comme son propre don du royaume de France, à Dieu Tout Puissant. Cependant après un autre laps de temps, sur l’ordre de Dieu, elle dota le même roi Charles du royaume de France, et elle voulut que tout cela fut fait par écrit solennel.
Ainsi, vous voyez que :
. Nulle date ni lieu ne sont donnés par le rédacteur originel,
. Le récit est on ne peut plus laconique, sans fioritures d’aucune sorte.
Sur ce dernier point, il serait intéressant de donner l’ensemble des différentes variantes en français du récit, pour donner un aperçu de son évolution jusqu’à l’emphase du texte par des précisions inventées.
La date… la date vous dis-je !
Si notre quête est de retrouver le document de la Triple Donation, et à moins d’un coup de chance inouï, il va de soi qu’il faut la pister de proche en proche, et donc commencer par connaître la date et le lieu de sa création, puis partir de là… !
Aujourd’hui, la date du 21 juin 1429 est la tête d’affiche, à la une d’Internet. Tout les sites se la reprennent effrontément les uns les autres, sans aucune retenue, sans aucune prudence ni la moindre vérification de base de sa véracité.
La date du 21 juin 1429 (et Saint-Benoît sur Loire qui va avec, bien que Jeanne et Charles n’y soient que passés le 22 juin au matin en se rendant à Châteauneuf sur Loire pour un conseil des capitaines l’après-midi), est le cas d’école d’une vérité fabriquée à partir d’une date sans fondement ni source documentaire. Elle est devenue une vérité qui marche !
Consulter : https://jeannetripledonation.forumactif.com/
Il faut savoir aussi qu’aujourd’hui, les dominicains de Saint-Benoît sur Loire après réflexion et recherche (frère Philippe est affecté à la question), pensent que rien de tel ne s’est passé dans leur abbaye, hormis le passage de l’équipage du dauphin accompagné de la Pucelle, dont une plaque, apposée par la suite fait mémoire.
Si la Triple Donation avait réellement eut lieu en cet endroit où les clercs ont le savoir-faire, la compétence et l’automatisme de tout noter et mémoriser, cela se saurait, non seulement par quelques écrits mais aussi par une fière tradition oralement transmise au sein de l’abbaye.
Après le récit du Breviarium Historiale, la deuxième source du XVème siècle, elle-aussi bien connue, est la déposition du duc d’Alençon lors du procès de réhabilitation de Jeanne.
Là, un témoin de la scène (le duc) raconte la demande de Jeanne au dauphin pour qu’il fasse don de son royaume à Dieu. On sait que cela se passe à Chinon quelques jours après l’arrivée de Jeanne.
Voici ce témoignage complet :
« Interrogé d’abord sur ce qu’il sait pour déposer à propos du contenu des Ier, IIe, IIIe et IVe articles, il dit et déclare sous serment que, lorsque Jeanne vint voir le roi, celui-ci se trouvait dans la ville de Chinon ; le témoin était alors dans la ville de Saint-Florent, et au cours d’une promenade pour chasser aux cailles, en français, un de ses intendants vint le prévenir de l’arrivée auprès du roi d’une Pucelle, qui se déclarait envoyée par Dieu, pour mettre en fuite les Anglais et faire lever le siège mis par ceux-ci devant la ville d’Orléans. Aussi dès le lendemain le témoin se rendit auprès du roi à Chinon, et il y trouva cette Jeanne, qui s’entretenait avec le roi. A l’arrivée du témoin, Jeanne demanda qui il était, et le roi répondit que c’était le duc d’Alençon. Alors Jeanne déclara : « Vous, soyez le très bien venu ! Plus nombreux seront-ils ensemble du sang royal de France, et mieux cela sera ». Le lendemain Jeanne vint à la messe du roi et, lorsqu’elle vit le roi, elle s’inclina ; puis le roi l’emmena dans une chambre, avec le témoin et le sire de La Trémouille, que le roi retint, en ordonnant aux autres de se retirer. Alors Jeanne adressa plusieurs requêtes au roi, et entre autres pour qu’il donnât son royaume au Roi des cieux : après cette donation le Roi des cieux agirait comme il l’avait fait pour ses prédécesseurs, et le remettrait en son état antérieur ; il y eut aussi beaucoup d’autres choses, que le témoin ne se rappelle pas, mais dont on parla jusqu’au repas. Après le repas le roi alla se promener dans les prés, et Jeanne y courut avec la lance ; le témoin, voyant comme elle se comportait en tenant la lance et en courant avec la lance, lui donna un cheval. »
Dans ce témoignage :
- Le lieu est certain (Chinon), mais pas la date (*),
- Il n’est pas question à priori d’une Donation via Jeanne, mais n’est évoquée qu’une donation directe, qui de toute façon n’a pas eu lieu puisque le dauphin a répondu à la Pucelle par son mutisme habituel.
Ainsi, ce témoignage du duc d’Alençon semble montrer que Jeanne a essuyé un refus silencieux de la part de Charles une première fois à Chinon …
Où et quand eut lieu la deuxième tentative, positive celle-là ?
A Chinon (de nouveau) ? à Poitiers ? à Loches ?
Où sont ces manuscrits de la Triple Donation, existant certainement en quatre exemplaires dus à la présence des quatre secrétaires royaux ?
A ce jour, nul ne sait.
L’aide de vous tous est la bienvenue !
Chouandecoeur
(*) En fait, la date exacte à Chinon, dépend de la date d’arrivée de Jeanne dans cette ville.
Certains historiens considèrent que Jeanne est arrivée le 6 mars, et d’autres pensent que c’est le 24 février. D’autre part en France, l’année commençait à Pâques qui tombait alors le 27 mars. Son arrivée à Chinon s’est donc faite encore dans l’année 1428 du calendrier julien (Il faut tout considérer ce qui concerne Jeanne en regard du calendrier julien). Il faut aussi remarquer qu’entre le 24 février et le 6 mars, il y a 11 jours d’écart, différence exacte de jours entre le calendrier julien et grégorien (qui a été mis en place à la fin de 1582). Attention, l’année 1428 est une année bissextile du calendrier julien, c’est-à-dire qu’à l’époque il y avait deux 24 février. Ainsi, du premier 24 février au 6 mars il y a effectivement 11 jours d’écart.
A Chouandecoeur,*
Nous espérons que les partisans du 21 juin 1429 seront éclairés par votre exposé.
Bien à vous
N’ayant aucun matériau privilégiant la date et le lieu de la triple donation, je ne gloserai pas sur des hypothèses, mais je perçois le fond de la démarche de la Pucelle dans le témoignage d’Alençon que l’on pourrait exprimer ainsi en français d’aujourd’hui :
– Sire, votre dynastie a quasiment ruiné le royaume que Dieu vous a confié, il n’est plus que temps de le Lui rendre pour qu’il en opère le « reset » et qu’Il vous le rende ensuite restauré dans son état premier.
Louis XVI n’a pas eu cette chance.
Sainte-Jeanne d’Arc a fait signer aux notaire la Triple Donation en date du 21 juin 1429.
La Triple Donation du Royaume de France est racontée dans le BREVARIUM HISTORIALE, texte rédigé peu après, au cours de l’été 1429, qui est consultable à la Bibliothèque Vaticane.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur la Triple Donation
Bonjour Hervé,
Je ne sais pas si vous avez bien lu le développement de la partie n° 2 de la communication sur la Triple Donation, et, je ne sais quoi faire de plus pour faire comprendre que l’Histoire s’étudie avec des sources documentaires.
Si le Breviarium Historiale ne donne ni date ni lieu, ne dites pas que la Triple Donation a été signée le 21 juin 1429.
Sur quelles sources affirmez-vous cette date ?
Hervé, c’est le moment de nous donner vos sources une fois pour toute.
C’est le moment aussi de vous fendre d’une petite recherche de base, et de ne pas nous donner des liens Internet qui rabâchent des informations sans fondement.
Il est encore temps de faire de l’Histoire… LA VRAIE.
Bien à vous,
Chouandecoeur