Héraldique – Article de Monsieur Jean-Yves PONS :
Pour ceux que cela intéresserait encore un peu et en guise de post-face à notre article consacré aux spécificités du phénomène vicomtal en Limousin,
(https://charte-fontevrault-providentialisme.fr/index.php/2025/11/16/la-specificite-du-phenomene-vicomtal-en-limousin-ixeme-xveme-siecles-et-ses-aspects-heraldiques-en-hommage-a-alain-texier/)
nous voudrions poser la question suivante : que reste-t-il de celui-ci aujourd’hui ? En d’autres termes, qui peut encore prétendre en être l’un ou l’autre des représentants authentiques ?

Les vicomtés du Limousin
Pour cela, commençons par les vicomtés dont les maisons tenantes sont éteintes. Ce sont les plus nombreuses si l’on renonce bien sûr à toutes les prétentions issues d’alliances avec quelques héritières qui furent les dernières représentantes de leur lignée mais qui n’ont, finalement, transmis… que leur patrimoine génétique et non pas les titres vicomtaux des “chefs de nom et d’armes”.
C’est ainsi que les vicomtes de Limoges, de Brosse, de Gimel, de Bridier et de Ribérac quittèrent la scène limousine avant le XIV ème siècle.
Ceux de Comborn s’éteignirent d’abord dans la famille de Pierre-Buffière puis, de là, dans celle de Lasteyrie du Saillant au XVII ème siècle, famille qui subsiste aujourd’hui et a relevé abusivement le titre mais pas les armoiries ; elle porte “de sable à l’aigle éployée d’or” :

Armoiries de la famille de Lasteyrie du Saillant de Comborn et de Saint-Viance
Les vicomtes de Ventadour, issus comme vous le savez des Comborn et des Turenne, virent leur territoire érigé en comté en 1350 puis en duché au profit de la maison de Lévis-Ventadour en 1578 avant de s’éteindre dans la maison de Rohan-Soubise.
Les armoiries de Lévis-Ventadour se blasonnaient ainsi : “Écartelé : au 1, bandé d’or et de gueules ( Thoire-Villars) ; au 2, d’or, à trois chevrons de sable (Lévis); au 3, de gueules, à trois étoiles d’or ( Anduze /Florac); au 4, d’argent, au lion de gueules (Layre). Sur le tout échiqueté d’or et de gueules (Ventadour).”

Armoirie de Lévis-Ventadour
Celles des Rohan-Soubise sont plus complexes : “Coupé d’un trait, parti de trois autres qui font huit quartiers : au 1 : d’azur semé de fleurs de lys d’or à la bande componée d’argent et de gueules (qui est d’ Evreux ) ; au 2 : de gueules aux chaînes d’or posées en orle, en croix et en sautoir, chargées en cœur d’une émeraude au naturel (qui est de Navarre ) ; au 3 : d’or aux trois pals de gueules (qui est de Foix) ; au 4 : d’or, au lion de gueules, au double trescheur fleuronné et contre-fleuronné du même (qui est d’ Ecosse ) ; au 5 : d’hermine plain (qui est de Bretagne ) ; au 6 : d’argent, à une couleuvre ondoyante en pal d’azur, couronnée d’or, engloutissant un enfant de carnation, posé en fasce, les bras étendus (qui est de Visconti) ; au 7 : d’argent à la fasce de gueules et à la bordure d’azur (qui est de San Severino) ; et au 8 : d’or à la bande de gueules chargée de trois alérions d’argent (qui est de Lorraine ) ; sur le tout, parti : en 1 : de gueules à neuf macles d’or, posées 3, 3, 3 (qui est de Rohan ), et en 2 : d’hermine plain (qui est de Bretagne)”.

Armoiries de Rohan-Soubise
La première maison de Ségur semble s’être éteinte dans celle de Limoges mais une seconde maison du même nom apparaît plus tard sans lien prouvé avec la précédente (le nom de Ségur est un toponyme fréquent dans tout le sud-ouest). Cette dernière a donné de nombreux personnages important et perdure dans sa branche Austro-Hongroise des Ségur-Cabanac mais aucun n’a jamais porté les armoiries de la période limousine ce qui est très significatif :

Armoiries des vicomtes de la première maison de Ségur
Armoiries des vicomtes de la seconde maison de Ségur
Les vicomtes d’Aubusson demeurèrent en possession de leur vicomté pendant plus de quatre siècles (IX ème-XIII ème) mais le dernier vicomte en ligne directe, sans enfant, vendit ses terres vers 1260 au comte de la Marche, Hugues XI de Lusignan. Plusieurs branches cadettes perdurèrent cependant. En particulier celle de La Feuillade, érigée en duché en 1670 avec reprise du titre de vicomte d’Aubusson par la grâce de Louis XIV mais resta sans postérité à partir de 1725. Une dernière branche, dite de Castelnouvel, survécut jusqu’en… 1848 avant de s’éteindre à son tour.
Rappelons les armoiries de la famille d’Aubusson : “d’or à la croix ancrée de gueules”

Armoiries des vicomtes d’Aubusson
La vicomté de Turenne s’est, quant à elle, éteinte en trois phases. La première a concerné la première maison, celle issue des Comborn, par le mariage de la dernière de ses descendante, Marguerite fille de Raymond VI, avec Bernard VIII de Comminges. Cette deuxième maison de Turenne s’éteignit en 1350 avec le mariage d’Aliénor de Comminges avec Guillaume III Roger de Beaufort dont la dernière héritière, Anne Roger de Beaufort, épousa en 1444 Annet de La Tour d’Auvergne dont les descendants relevèrent le titre de vicomte de Turenne jusqu’en 1771 lorsque Charles-Godefroy de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, ruiné, vende sa vicomté de Turenne au roi Louis XV… SIC TRANSIT GLORIA MUNDI !
Et pourtant des Turenne existent encore de nos jours par des voies détournées (inscrits même à l’ANF). En vérité, ils sont issus d’une branche illégitime, les Turenne d’Aynac et d’Aubepeyre, descendant d’un bâtard de Raymond Roger de Beaufort et ayant relevé le nom et les armes de Turenne au XVème siècle. Nous ne les retiendrons donc pas comme issus de la première maison authentiquement viscomtine. Sur le plan héraldique, ils devraient au moins porter par exemple un “coticé d’or et de gueules au bâton péri en barre de sable…” à défaut de reprendre les armoiries des Roger de Beaufort : “d’argent à la bande d’azur accompagnée de six roses de gueules rangées en orle”

Armoiries de Roger de Beaufort
Nous avons gardé pour la fin la dernière des principales vicomtés du Limousin, celle de Rochechouart, la plus ancienne maison noble du royaume de France après les capétiens (sa devise qui exprime ses armoiries est explicite : “Ante mare, undae” – Avant la mer, les ondes -). Elle peut être considérée comme véritablement subsistante puisque elle n’a changé qu’une fois de titulaire par le mariage, en 1470, de Anne, fille unique de Foucaud de Rochechouart, avec Jean de Pontville, chambellan de Charles de France, duc de Guyenne et frère de Louis XI, qui releva les nom et armes de Rochechouart : “Fascé-ondé d’argent et de gueules de six pièces”.
Armoiries de la maison de Rochechouart
La maison de Rochechouart fut gratifiée par Louis XIV de titres importants (Madame de Montespan étant née Rochechouart) : ducs de Mortemart et de Vivonne, princes de Tonnay-Charente.
En 1980, la maison de Rochechouart a fêté son millénaire.
Nous espérons que ce tour d’horizon d’une des particularités du sud-ouest de la France aura intéressé quelques uns des fidèles lecteurs du blogue de la Charte de Fontevrault qui se souviendront que son Président-Fondateur est Alain Texier, une grande figure du Limousin.
Le 7 décembre 2025.
Pour le CER et La Charte de Fontevrault, Jean-Yves Pons, CJA.
