Michel Mertens. Je veux une monarchie pour … maintenir, éviter, établir.

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Je veux une monarchie pour maintenir l’égalité entre les différents départements, pour que la souveraineté nationale ne se divise pas en souverainetés partielles, pour que le plus bel empire d’Europe ne consomme pas ses ressources et n’épuise pas ses forces dans des discussions intéressées, nées de prétentions mesquines et locales; je veux aussi, et principalement une monarchie pour que le département de Paris ne devienne pas, à l’égard des 82 autres départements ce qu’était l’ancienne Rome à l’égard de l’empire romain…

Je voudrais encore une monarchie pour maintenir l’égalité entre les personnes, je voudrais une monarchie pour me garantir contre les grands citoyens ; je la voudrais pour ne pas avoir à me décider un jour, et très prochainement peut être, entre César et Pompée ; je la voudrais pour qu’il y ait quelque chose au-dessus des grandes fortunes, quelque chose au-dessus des grands talents, quelque chose même au-dessus des grands services rendus, enfin quelque chose encore au-dessus de la réunion de tous ces avantages, et ce quelque chose je veux que ce soit une institution constitutionnelle, une véritable magistrature, l’ouvrage de la loi créé et circonscrit par elle et non le produit de vertus dangereuses ou de crimes heureux, et non l’effet de l’enthousiasme ou de la crainte… Je ne veux pas d’une monarchie sans monarque, ni d’une régence sans régent, je veux la monarchie héréditaire…

Je veux une monarchie pour éviter l’oligarchie que je prouverais, au besoin, être le plus détestable des gouvernements; par conséquent, je ne veux pas d’une monarchie sans monarque et je rejette cette idée, prétendue ingénieuse, dont l’unique et perfide mérite est de déguiser, sous une dénomination populaire, la tyrannique oligarchie; et ce que je dis de la monarchie sans monarque, je l’étends à la régence sans régent … Dans l’impossibilité de prévoir jusqu’où pourrait aller l’ambition si elle se trouvait soutenue de la faveur populaire, je demande qu’avant tout on établisse une digue que nul effort ne puisse rompre. La nature a permis les tempêtes, mais elle a marqué le rivage, et les flots impétueux viennent s’y briser sans pouvoir le franchir. Je demande que la constitution marque aussi le rivage aux vagues ambitieuses qu’élèvent les orages politiques. Je veux donc une monarchie ; je la veux héréditaire; je la veux garantie par l’inviolabilité absolue ; car je veux qu’aucune circonstance, aucune supposition, ne puisse faire concevoir à un citoyen la possibilité d’usurper la royauté.

Pierre Choderlos de Laclos, « Le Journal des Amis de la Constitution » n°33 (organe officiel du Club des Jacobins), 11 juillet 1791 (Œuvres complètes, texte établi et annoté par Maurice Allem, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 626-627)

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