Charles Beigbeder : « Je commencerai par introduire les racines chrétiennes dans la Constitution »

 

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À l’occasion de la parution de Charnellement de France, suite de l’entretien http://fr.aleteia.org/2016/06/14/le-grand-entretien-12-charles-beigbeder-ce-qui-fait-le-plus-defaut-aujourdhui-cest-lamour-charnel-de-la-france/ avec Charles Beigbeder, l’entrepreneur et l’homme politique. Il l’a récemment publié, en collaboration avec Benoit Dumoulin, un essai qui invite à repenser notre conception de la laïcité et à poser les fondements d’une nouvelle République : la République de France. Entretien avec les deux auteurs.

Aleteia : Venons-en à ce que vous proposez concrètement pour la France. Quels sont les grands principes qu’il vous paraît indispensable de transmettre aux nouvelles générations ?

Charles Beigbeder : Nous estimons fondamental de pouvoir renouer le fil de notre histoire, rompu par les secousses de la Révolution française. On n’aura jamais fini de méditer sur les conséquences de la Révolution qui a ouvert dans l’histoire de France un cycle politique dans lequel nous sommes toujours inscrits, ce qui nous empêche d’apprécier l’évènement à sa juste mesure et d’en saisir les méfaits. « La Révolution française peut être interprétée à la fois comme le produit de ce qu’elle a appelé l’Ancien Régime, et comme l’avènement de la civilisation où nous vivons depuis » explique François Furet. Certes, tout n’est pas à rejeter dans l’héritage révolutionnaire mais on ne peut passer sous silence cette politique de la « tabula rasa » qui, par une démesure de l’esprit humain, estime nécessaire de rejeter, par principe, tout héritage des générations passées pour reconfigurer le réel à sa guise. C’est ainsi que plus de deux cents ans plus tard, nous en arrivons à considérer la France comme une page blanche sur laquelle n’importe quelle assemblée pourrait légiférer sans prendre en compte la densité du passé. L’incantation permanente des valeurs de la République n’y change rien ; ce sont des principes abstraits qui ne définissent pas ce que nous sommes. Nous en appelons donc à ré-enchanter la République en guérissant enfin des séquelles intellectuelles laissées par la Révolution française. Nous voulons réconcilier les Français avec eux-mêmes en les ré-enracinant dans leur histoire que nous considérons comme un tout ; en un mot, terminer le cycle politique ouvert par la Révolution sans pour autant revenir en arrière. C’est cela la philosophie de la République de France qui remplacerait dans mon projet politique l’actuelle République française. Au-delà du choc de la formule, on pourrait résumer le concept d’une expression : instituer une République enracinée.

C’est le modèle même de République qu’il convient en fait de refonder. D’un point de vue pratique, par où commencer ?

Je commencerai par introduire les racines chrétiennes dans la Constitution. Certes, ce ne sont que des mots et il serait illusoire de croire que l’adjonction de termes puisse changer, à lui seul, le réel. Cela, seuls les dictateurs le pensent ! En revanche, nous estimons que cette affirmation des racines chrétiennes participe de cette thérapie que le peuple français doit effectuer pour retrouver l’estime de soi. Dans une France traversée par des tensions communautaires et qui connaît un décrochage culturel dans certains quartiers que j’appelle des zones de non-France, il est fondamental de s’enraciner dans l’identité qui nous a constitués. Par ailleurs, une telle inscription permettra d’être mieux armé pour lutter contre le communautarisme et de relancer l’assimilation sans laquelle il n’est plus d’unité nationale. En effet, si l’assimilation est en panne, c’est qu’il n’y a plus de volonté politique d’une part, et que l’on ne sait plus trop à quoi assimiler, d’autre part. L’enracinement sera donc la clé de toute politique de francisation, selon l’antique adage : « À Rome, fais comme les Romains ! ». Enfin, la reconnaissance des racines chrétiennes permettra de fonder en droit la prééminence du fait culturel chrétien tout en considérant les religions à parité sur le plan strictement cultuel. Ce n’est pas une affaire de religion mais de culture et les Français de sensibilité musulmane le comprennent souvent mieux que certains Français d’origine. Chaque culte doit évidemment être traité sur un même pied d’égalité mais il va de soi que vous ne pouvez donner la même place symbolique à la mosquée qu’à l’église. Nulle discrimination dans cette affirmation mais la simple prise en compte de notre identité. En effet, ce qui symbolise un village français aujourd’hui, c’est un clocher roman ou gothique et non un minaret. Cela, tous les Français sont prêts à le reconnaître, même ceux qui ne mettent pas les pieds dans une église. Il n’est donc pas possible de considérer également christianisme et islam sous l’angle culturel. C’est ce que nous voudrions voir graver dans le marbre de la constitution.

Vous avancez également que nous avons fait fausse route concernant la laïcité. Éradiquer toute manifestation religieuse de l’espace public, n’est-ce pas cette laïcité folle, héritée de la Révolution française, qui est à l’origine de bien des maux ? Comment y remédier ?

La laïcité est la distinction du temporel et du spirituel, du domaine de César et de celui de Dieu, qui est une invention du christianisme. Dans les régimes modernes, elle s’accompagne souvent – mais pas obligatoirement – de la neutralité religieuse de l’État, comme c’est le cas en France depuis 1905. Ailleurs, il existe encore des États confessionnels, comme en Grande-Bretagne, à Malte ou à Monaco. Ces derniers sont tout aussi laïcs que les premiers car ils distinguent les activités religieuses des affaires profanes et reconnaissent à tous les cultes la liberté de conscience. Le problème surgit en fait lorsque l’État, souvent aidé par des lobbys, tente d’imposer la neutralité à la société. Que l’État soit neutre religieusement peut résulter d’un compromis historique qui s’avère finalement positif pour l’équilibre social d’une nation, comme c’est le cas en France depuis 1905 ; mais qu’il prétende imposer cette neutralité à la société relève d’un génocide culturel qui gomme notre histoire et traduit une grave erreur anthropologique en évacuant la dimension religieuse de l’homme. À ce stade, il ne s’agit plus de laïcité mais de laïcisme, c’est-à-dire de la civilisation du vide qui débouche malheureusement sur le vide de la civilisation. Pour reprendre l’exemple que nous citions tout à l’heure, une laïcité mal comprise pourrait en venir à décréter l’interdiction de toute sonnerie des cloches pour mieux s’opposer à l’édification de minarets, par une forme de symétrie mal placée. Au final, il ne resterait dans nos villes que des centres commerciaux avec leurs inévitables fast food, symboles d’une société de consommation à la dérive qui ne peut satisfaire les exigences spirituelles de l’homme. Là encore, la République de France pourra faire prévaloir la culture chrétienne tout en traitant dignement et également chaque culte.

Propos recueillis par Jean Muller 

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