Est-il possible d’être d’accord avec Charles Péguy : « La République une et indivisible, c’est notre royaume de France »?

« Manque-t-il un roi à la France ? »
par Jean-Christian Petitfils.

Qu’un ministre de la République en fonction – et qui plus est, l’un des plus importants -, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique depuis août 2014, ait pu affirmer qu’il manquait « un roi à la France » et que « la démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même » peut paraître étonnant assurément (Le 1 hebdo du 8 juillet 2015). Cependant, en privé, bien des hommes politiques de gauche comme de droite le rejoignent sur le fait qu’il manque à la tête de l’État une figure impartiale – un « pouvoir neutre », comme disait Benjamin Constant – capable de représenter la France dans son unité et sa continuité. Ils s’accommoderaient très bien d’une monarchie parlementaire, comme en Grande-Bretagne, en Espagne, en Belgique, aux Pays-Bas ou dans les pays scandinaves. Mais, en politique, il ne suffit pas de rêver pour transformer en réalité ce qui est aujourd’hui de l’ordre de la chimère.

La France a connu une histoire très différente de ses voisins. Le roi y est mort trois fois. La première fois, le 10 août 1792, lorsqu’une petite minorité de sans-culottes parisiens, de sectionnaires et de fédérés (les Marseillais venus à Paris en chantant le « Chant de guerre de l’armée du Rhin », qui devint ainsi La Marseillaise) s’est emparée des Tuileries et a renversé la monarchie constitutionnelle issue de la Constitution de 1791. Comme chacun sait, dans la turbulence des événements, la Révolution fut conduite à la proclamation de la République, à instruire le procès de Louis XVI et à le faire décapiter le 21 janvier 1793, lors d’une cérémonie publique assimilable à un découronnement sanglant. Ce ne fut pas seulement le roi constitutionnel qui fut alors exécuté sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde), mais le roi Très-Chrétien, l’Oint du Seigneur, héritier de la longue dynastie des Capétiens ayant reçu l’onction du sacre (le fait qu’on ait appelé Louis XVI « Louis Capet » est éloquent à cet égard).

La seconde (NDLRB . Il faudrait dire   » deuxième »  fois, ce fut le 2 août 1830, lorsque Charles X, retiré à Rambouillet après la Révolution de Juillet, abdiqua.

La troisième et dernière fois, ce fut à l’automne de 1873. Alors que la restauration paraissait sur le point d’aboutir – la majorité appartenait aux royalistes à l’assemblée -, le comte de Chambord, petit-fils de Charles X, crispé dans une attitude contre-révolutionnaire, réaffirma son attachement au drapeau blanc et rejeta le drapeau tricolore qui aurait fait de lui, selon ses propres termes, « le roi légitime de la Révolution ». Son lointain cousin Juan Carlos, de la branche espagnole de la maison de Bourbon, n’a pas eu de tels scrupules lorsqu’il prêta serment en 1975 au Movimiento Nacional franquiste, tout en préparant secrètement le retour à la démocratie… « Paris vaut bien une messe », avait dit Henri IV ! Le dernier rendez-vous de la monarchie et de l’histoire de France fut ainsi raté, stupidement. L’Histoire ne repasse pas les plats.

Si l’Action française a pu devenir un mouvement royaliste relativement attractif entre les deux guerres, ce fut en raison de la faiblesse congénitale de la IIIe République, de son système parlementaire instable et des scandales à répétition qui avaient terni son image. Mais elle fut loin de s’imposer ou de dominer la droite.

Le régime de la Ve République a changé la donne avec l’instauration d’un parlementarisme rationalisé, l’élection au suffrage universel du président de la République. Certes, tout n’est pas parfait dans l’actuel système constitutionnel, et ses défauts se sont aggravés avec le référendum du 24 septembre 2000 instaurant le quinquennat : le président n’est plus que le chef d’un parti majoritaire, soignant sa clientèle en vue de sa prochaine réélection plutôt que l’homme de la Nation au-dessus des partis, comme l’avait voulu Charles de Gaulle. Mais cette monarchie républicaine à laquelle les Français sont très attachés, particulièrement à l’élection du président au suffrage universel, a détruit, semble-t-il à jamais, le principe même de la monarchie héréditaire.

En attendant une très hypothétique restauration monarchique, contentons-nous de défendre notre belle cathédrale pluriséculaire qu’est la France, aujourd’hui si douloureusement assaillie. Qu’on le veuille ou non, « la République une et indivisible, comme le disait Charles Péguy, c’est notre royaume de France. »

0 thoughts on “Est-il possible d’être d’accord avec Charles Péguy : « La République une et indivisible, c’est notre royaume de France »?

  1. Capreolus

    Monsieur Petitfils, au demeurant honnête historien des Louis XIII, Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, accumule ici les poncifs du libéralisme « à la française ». D’ailleurs, ce qui est fort logique, il place sa réflexion sous les auspices de Benjamin Constant, chantre par excellence du libéralisme français (avec sa bonne amie Germaine de Staël).

    Personnellement, je m’étonne qu’on donne autant de crédit à M. Petitfils dans les milieux royalistes et contre-révolutionnaires. J-C Petitfils n’est ni royaliste, ni contre-révolutionnaire. Il suffit de lire les pages de ses Que sais-je consacrés à la droite et à l’extrême droite en France pour s’en convaincre. Petitfils est, pour ce qui regarde les XVIIe-XVIIIe siècles, un honnête historien, et pour qui veut connaître dans le détail l’histoire des rois Bourbon, la lecture des livres précités est devenue incontournable.

    Il n’empêche que l’auteur raisonne profondément faux.

    Le « pouvoir neutre » de Benjamin Constant n’est pas et ne peut pas être un roi. Encore moins le roi de France.

    1. Parce qu’un roi digne de ce nom est un mon-arque, un souverain, et non pas (comme aujourd’hui en Grande-Bretagne, en Espagne, en Belgique, dans les pays scandinaves, etc.) un fonctionnaire héréditaire prétendument au service du peuple prétendument souverain, c’est-à-dire au service des hiérarchies occultes qui s’entendent à si bien manipuler « le peuple ».

    2. Parce qu’un roi digne de ce nom est un roi chrétien. C’est-à-dire non pas un roi « neutre », non pas un prince éventuellement chrétien en tant que personne privée, et qui serait « neutre » en tant que personne publique, en tant que « pouvoir ». Le roi chrétien est le lieutenant du Christ, vrai Roi des nations, qui, par le ministère du prince, doit régner dans la loi et dans le gouvernement des hommes.

    3. Et parce que le roi de France est le fils aîné de l’Eglise et du Sacré Coeur. Autrement dit, en tant que roi chrétien, le roi de France est celui qui donne le « la » dans la Chrétienté, parmi les autres rois chrétiens.

    « Paris vaut bien une messe ». On se tromperait sûrement si l’on ne voyait là (avec Voltaire) que du cynisme. La correspondance entre Henri IV et saint François de Sales atteste de la sincérité de la conversion du Béarnais à la foi catholique. Même si la conversion des mœurs n’était manifestement pas au rendez-vous. Si Henri IV n’avait été qu’un cynique, il aurait abjuré le calvinisme dès la mort de son prédécesseur, et non pas cinq ans plus tard (1594) !

    A la différence d’Henri IV, qui a abjuré l’hérésie pour devenir le lieutenant du Christ, Juan-Carlos le Parjure, modèle des adorateurs du « pouvoir neutre », a abjuré l’héritage des Rois Catholiques, restauré vaille que vaille par le Caudillo, pour devenir le parrain du règne de Satan, qu’est assurément la démocratie en Espagne ou en France. Henri IV est un reitre calviniste devenu fils aîné de l’Eglise. Juan-Carlos est l’héritier du Caudillo d’Espagne par la grâce de Dieu, devenu serviteur des Loges. On ne saurait concevoir deux démarches plus opposées l’une à l’autre ! Un véritable chassé-croisé ! Chose qui ne peut qu’échapper au libéral Petitfils.

    Le Comte de Chambord, si moqué précisément par l’école libéral, ne voulut pas être autre chose que le lieutenant du Christ. Il ne voulut pas jouer la comédie et prostituer les apparences de la royauté au service d’une contre-royauté : le « pouvoir neutre ». Par son « grand refus » (comme ils disent) le prince a sauvegardé l’héritage qu’il avait en dépôt. Un héritage sauvegardé pour une authentique Restauration dont les révélations de Paray-le-Monial nous donnent l’assurance.

    En attendant, Monsieur Petitfils et ses semblables, vrais héritiers de 1789, se contentent fort bien de la République Cinquième du nom, façonnée par l’idole de Colombey ; l’une et l’autre étant censées réaliser l’impossible synthèse entre la France de la Pucelle et la République des Loges, sous les auspices d’un Péguy toujours resté, en raison de ses propres contradictions, au seuil de la Cathédrale qu’il a pourtant si bien chantée.

    « Notre Royaume de France », « la République une et indivisible » ?

    Mais enfin…

    « Quel accord entre le Christ et Bélial ? » (II Corinthiens, VI, 15)

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    1. hathoriti

      Capreolus, excellente réponse à « Charles Péguy… » Vous avez tout dit, tout expliqué , très clairement, merci à vous.Je n’ajouterai qu’une seule chose : JAMAIS nous n’accepterons la république !

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  2. Pingback: Capréolus. Lorsque M. Petitfils raisonne profondément faux à propos du « pouvoir neutre  que ne saurait être le roi de France. | «La Charte de Fontevrault

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