A propos d’un Jugement de Dieu sur les terres du vicomte de Turenne en 1178 (suite).
Avec un peu de chance certains se souviendront peut-être des trois articles que nous avons publiés sur ce site de la Charte de Fontevrault à propos d’une très intéressante Charte datant de 1178, écrite directement en langue limousine et relative à un duel judiciaire (Jugement de Dieu) qui fut tranché sous les auspices et sur les terres du vicomte de Turenne de l’époque, Raymond II (lequel participa, accompagné de quelques uns de ses vassaux, à la troisième croisade et mourut devant Saint-Jean d’Acre en 1191).
En 1178, nous étions à l’aube de la naissance des armoiries en France et, logiquement, le troisième de ces articles était un bref armorial de tous les participants à ce duel judiciaire avec, cependant, une seule exception, les armoiries de la famille de Saint-Céré, principale protagoniste de ce jugement mais que nous n’avons jamais pu retrouver dans aucun armorial médiéval.
Rappelons ici que les membres de cette famille, de modeste noblesse du Quercy, occupait alors les tours de Saint-Laurent (parçoniers), un château situé au-dessus de la cité de Sainte-Spérie (du nom d’une sainte et martyre locale au VIII ème siècle), devenue plus tard “Saint-Céré” (Lot), et qui appartenait alors aux vicomte de Turenne.
Nous ne disposions, au moment de la rédaction de nos articles, que de deux informations :
1/ le blason de la ville de Saint-Céré était connu de longue date et pouvait être blasonné ainsi : d’azur à la tour d’argent maçonnée de sable et accompagnée de sept croissants d’or, trois posés en pal de chaque côté de la tour et un en pointe.
2/ il était dit que ce blason avait été concédé par le vicomte de Turenne en même temps qu’une charte communale, reconnaissant des droits aux habitants de la cité, en 1292. Il s’agissait donc de Raymond VII.
Pourtant, peu satisfait par cette explication (pourquoi cette tour d’argent sur champ d’azur, quid des sept croissants et concession communale peu probable au XIII ème siècle avec attribution d’armoiries ?), nous avons poursuivi nos recherches…
Et nous avons découvert que ces armoiries communales ont bien été concédée par un vicomte de Turenne mais beaucoup plus tard, en 1642, par le seigneur du lieu de l’époque qui n’appartenait plus à la famille d’origine de Turenne (les Comborn) mais à celle des La Tour puis La Tour d’Auvergne ! Et tout devenait alors clair puisque les armes des La Tour d’Auvergne sont précisément celles-ci : d’azur semé de fleurs de lys d’or à la tour d’argent brochant. Il s’agissait donc bien d’une concession des armes originelles de la famille du vicomte d’alors, comme cela se faisait souvent pour une cité d’importance (la deuxième de la vicomté) mais avec une brisure : les croissant (d’abord sans nombre puis réduits en nombre) remplaçant les fleurs de lys.
Alors, direz-vous, pourquoi des croissants ?
Et c’est là notre seconde découverte : probablement pour rappeler qu’en 1178, lors des débuts de la cité de Saint-Céré, le seigneur du lieu auquel souhaitait se rattacher généalogiquement le concédant, était Raymond II mort courageusement à la troisième croisade sans doute accompagné de quelques vassaux… Rappelons que le port des croissants, dans l’héraldique médiévale, était souvent le rappel d’une participation aux croisades.
Voici donc pour la ville de Saint-Céré mais… nous ne connaissons toujours pas les armoiries des membres de la famille du même nom !
Sic transit gloria mundi.
Pour le CER et la Charte de Fontevrault, Jean-Yves Pons, CJA.