Louis XVI et la bague de Fersen (L’exposition «Les Atours de la Reine», présentée actuellement ( février-Mai 2001 –https://marie-antoinette.forumactif.org/t4357-catalogue-de-l-exposition-les-atours-de-la-reine-archives-nationales-2001 ) à l´Hôtel de Soubise, Musée de l’Histoire de France, donne une idée de la fascination qu’exercent toujours sur le public, après plus de deux siècles, les memorabilia de la dernière reine de l’Ancien Régime. Aux visiteurs qui regretteraient peut-être la seule présence, en ce florilège, de documents d’archive, nous proposons ici l’évocation d’un objet bien tangible, l’un des plus mythiques parmi tous ceux qu’aura secrétés le destin tragique de la famille royale.C’est la nuit la plus courte de l’année: une lueur point déjà sur l’horizon quand, ce 21 juin 1791 à trois heures passées, la grosse berline vert et jaune des souverains en fuite fait irruption dans la cour du relais de Bondy. Le convoi, parti depuis près d’une heure de la barrière Saint-Martin, a déjà pris du retard sur l’horaire. On connaît la situation: pour préserver l’incognito des fugitifs, la famille royale est déguisée en domestiques accompagnant une prétendue Mme de Korff dans son voyage d’agrément vers l’Est…
Tandis qu’on change les chevaux, le cocher de service, qui n’est autre que le beau comte de Fersen, ami de cœur de Marie-Antoinette, enjoint le roi de lui permettre d’accompagner le petit groupe jusqu’à Montmédy où sont censées attendre les troupes royalistes de Bouillé. Mais Louis XVI, bien que reconnaissant au Suédois de tous ses efforts, est peu soucieux de poursuivre sa route sous l’escorte d’un homme qu’il ne peut s’empêcher de regarder comme un rival. Il décline donc, et embrassant Fersen «avec effusion de cœur», lui remet discrètement, en hommage, la grosse bague en or qu’il portait à l’annulaire… Déjà le petit équipage s’ébranle vers Varennes et vers son destin; «Adieu, madame de Korff !» crie Fersen la gorge nouée. Il serre dans sa main le somptueux camée du roi, représentant une Bellone ( figure de la mythologie romaine, déesse de la Guerre semée de fleurs de lys : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bellone) , et qui restera sans conteste le plus touchant des présents jamais offerts par Louis XVI.Présent royal.
Trois ans plus tard, après l’exécution du roi et celle de la reine, Fersen va confier la précieuse bague au duc de Brunswick, le vaincu de Valmy, avec l’espoir qu’il pourra la faire remettre à l’orphelin du Temple, devenu Louis XVII pour les royalistes – et dont la disparition, en 1795, sera l’objet du mystère que l’on sait. Le chef prussien échoue dans sa mission, mais il conserve la bague…
En France, la Révolution reflue, faisant bientôt place au Consulat, puis à l’Empire. Fersen meurt en 1810, en Suède, écharpé par une foule qui le soupçonnait sans preuve d’avoir fait empoisonner le prince royal, duc d’Augustenborg… Quant au duc de Brunswick, il est déjà mort depuis quatre ans alors. Cependant le vœu de Fersen demeure comme une dette d’honneur chez les Brunswick; et des années plus tard, quand un certain Charles-Guillaume Naundorff, sorti des limbes, affirmera qu’il est lui-même l’enfant du Temple, les héritiers du duc, convaincus par sa thèse, lui remettront solennellement le camée royal… Seulement Naundorff ne convainc pas tout le monde aussi facilement; et il meurt en 1845 sans avoir pu faire reconnaître en France son éventuelle ascendance royale. Sa femme et ses enfants ne s’avouent pas vaincus pour autant: en 1850, ils intentent un procès en reconnaissance. Leur défenseur, le républicain Jules Favre, constitue un dossier solide – quoique insuffisant aux yeux des juges… Emplis néanmoins de gratitude à l’égard de l’avocat, ses clients lui offrent alors, présent royal, la bague de Fersen.Un sceau républicain.
C’est ainsi que la Bellone aux fleurs de lys va quitter la petite histoire pour entrer dans la grande. Par le plus grand des hasards, il est vrai. En effet quand, après l’effondrement de Sedan en septembre 1870, se constitue à Paris un gouvernement de Défense nationale, le portefeuille de la Guerre échoit à Jules Favre, qui négocie à ce titre avec Bismarck les conditions d’un armistice. Or, le soir du 28 janvier 1871, au moment de signer à Versailles ce document si décrié, Jules Favre se rend compte – acte manqué – qu’il a omis de se munir des sceaux de France ! A l’invitation du chancelier de fer, il accepte alors d’enfoncer dans la cire chaude du traité… le camée de Louis XVI !
NDLRB. A destination du Président Macron. La “naissance” de la III éme république si platement célébrée par la plus haute autorité de la république n’a précédé que de fort peu l’annexion de l’Alsace Lorraine
L’histoire, déjà peu ordinaire, pourrait s’arrêter là; seulement elle va connaître encore un ultime et incroyable rebondissement. L’érudit Jean Pastreau https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Prasteau nous apprend en effet que près de cinquante ans plus tard, au matin du 28 juin 1919, sur le chemin qui le conduit au château de Versailles pour la signature du célèbre traité de paix, un Clemenceau revanchard serait passé aux archives du ministère des Affaires Etrangères emprunter la bague de Jules Favre – et que c’est la Bellone aux fleurs de lys qui figurerait ainsi sur le sceau apposé près de sa signature… Ce qui tendrait à prouver au moins deux choses: d’abord que cet objet était voué à une gloire obscure; ensuite, que la culture du Tigre n’était pas aussi superficielle qu’on a pu le prétendre.
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Camée ou intaille ? La différence est d’importance car, d’ordinaire, le premier ne permet pas de sceller ce que permet la seconde. Et alors s’agirait-il de l’une des pièces remarquables, gravées par Louis Siries et faisant partie de la collection de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche et son mari l’empereur François Ier, héritées en partie par notre reine Marie-Antoinette ?
A Conseil dans l’Espérance du Roi.
Oui, c’est une intaille, elle a servi pour 1871 et à Georges Clémenceau . Axel de Fersen 1755-1810) l’a reçu de Louis XVI et transmise à Naundorff et ensuite à Jules Favre (1809-1880).
Tiens revoilà Fersen.
Il s’agirait donc de cette fameuse intaille dont l’origine, le parcours comme l’usage sont encore très controversés. Personne ne sachant réellement s’il s’agit d’un Diane chasseresse gravée sur grenat et qui aurait été (aucun témoin) offerte par Louis XVI à Axel de Fersen après l’échec de la fuite à Varenne puis, après un parcours chaotique passant par Naundorff (!), se serait retrouvée dans les mains de Jules Favre en 1871 puis de Clémenceau… Et dont, en plus, l’original aurait disparu.
Une seule certitude : CE N’EST PAS UN CAMÉE ! Sur ce point, tous les amateurs de glyptique seront d’accord.
CAMEE. https://fr.wikipedia.org/wiki/Camée#:~:text=Le%20camée%20est%20une%20technique,de%20couleurs%20contrastées%20(camaïeu).
INTAILLE. https://www.cnrtl.fr/definition/intaille#:~:text=Pierre%20précieuse%20ou%20pierre%20dure,de%20sceaux%20ou%20de%20cachets.
Un art ancien que celui du sceau, première expression de l’héraldique. Il perdure aujourd’hui encore dans les réalisations de quelques artistes héraldistes comme notre ami Laurent Granier https://laurentgranier.com/: ces gravures en creux sont certes réalisées sur métal (l’or la plupart du temps) afin de marquer comme il se doit la cire (cachet) mais elles le sont parfois sur pierres dures, à la façon des intailles bouclant ainsi la boucle des pierres gravées (https://laurentgranier.com/p-Chevalieres-Cachets-Bijoux-et-boutons?lang=fr).