Article de Monsieur Jean-Yves PONS :
Faisons un rêve et imaginons que le Roi de France est rappelé sur le trône de Saint-Louis. Tous les grands mais aussi les moins grands du royaume se retrouveraient alors à Reims pour son sacre mais ils y seraient alors étonnés de découvrir que la cathèdre de l’archevêque de ce lieu emblématique ne porte pas les armoiries du titulaire de l’archevêché mais une simple banderole avec une devise mystérieuse.
Éric de Moulins d’Amieu de Beaufort, dit Éric de Moulins-Beaufort, né le à Landau in der Pfalz (Allemagne), fut évêque auxiliaire de Paris de 2008 à 2018 puis nommé archevêque de Reims le président de la Conférence des évêque de France de 2019 à 2025.
Il est le fils de Jean-Louis de Moulins (autorisé par décret du à ajouter à son nom celui d’Amieu de Beaufort) , général de brigade, et de Françoise Liénard.
La famille s’appela d’abord et tout simplement… Damieu. Cette famille fut à Beaufort en Minervois au diocèse de Saint-Pons au début du XVIIIe siècle et déjà Claude est en 1708 prieur de la Bourse des marchands de Toulouse, puis son frère Pierre en 1715. En 1711 et 1712 Pierre et Claude sont élus successivement capitouls de Toulouse (charge anoblissante, noblesse dite de cloche).
On ne connaît pas de postérité à Pierre. Jean, fils aîné de Claude, né en 1689, est président des trésoriers de France au Bureau des finances de Montauban le 28 octobre 1716, charge anoblissante également. Il achète avec son père les seigneuries de Blagnac près Toulouse comme on le sait, Monbrun dans le Volvestre, au diocèse de Rieux (aujourd’hui Montbrun-Bocage) et la très vieille seigneurie de Beaufort dans le Minervois (le château domine toujours le village). Claude est alors baron de Blagnac à la suite de Jean d’Aldeguier. Le château est maintenant intégré dans une abbaye. La baronnie fut vendue au XVIIIe siècle.
Les descendants de Claude formeront trois branches, les Amieu de Blagnac (éteinte avec Claude, fils de Jean), de Monbrun et de Beaufort.
François fils cadet de Claude, seigneur de Beaufort est père de François, mousquetaire, capitaine de dragons, seigneur puis maire de Beaufort, lui-même père d’un autre François, maire à son tour, mort en 1847, dont le fils François Achille, baron de Beaufort, commissaire de police, mort à 83 ans à Bordeaux en avril 1901, semble être le dernier mâle connu de ces trois branches. Sa fille Caroline d’Amieu de Beaufort (1849-1899) avait épousé en 1874 Georges (de) Moulins (1850-1905).
C’est leur descendance qui fut autorisée à relever le nom par décret du 18 septembre 1954 pour devenir de Moulins d’Amieu de Beaufort (les voies de la Justice sont parfois aussi impénétrables que celles du Seigneur !). Un rameau, éteint depuis, avait été autorisé le 6 août 1817 à substituer le nom de Saint-Maurice à celui de Beaufort.
La famille d’Amieu de Beaufort portait “d’azur au chevron d’argent chargé de trois étoiles de gueules accompagné de trois cœurs d’or celui en pointe sommé d’un carreau du même, au chef de gueules à trois trèfles d’argent (Pierre Amieux, sic, marchand bourgeois de la ville de Toulouse, Armorial général, en 1696 – http://saint-pons-de-thomieres.pagesperso-orange.fr/amieu-de-beaufort.html -).
Armoiries d’Eric de Moulin d’Amieu de Beaufort
s’il avait consenti à les porter dans sa charge épiscopale.
La famille de Moulins se serait d’abord appelée Moulins et semble sans origine nobiliaire malgré de belles illustrations et de belles alliances. Elle trouverait selon l’Annuaire High-Life, son origine en Orléanais au XIVe siècle puis en Poitou et voudrait donc se rattacher aux du Moulins de Rochefort par cette origine. Ceux-là anoblis par charge en janvier 1464 furent admis aux honneurs de la Cour. Quant à la famille dite “de Moulins” apparentée aux Amieu de Beaufort, elle est qualifiée de fausse noblesse par Philippe du Puy de Clinchamps, spécialiste en la matière.
Les porteurs du nom utilisent des armes qui sont celles des Moulins et font songer à celles parlantes de la capitale du duché de Bourbon, soit d’argent à trois croix ancrées de sable percées du champ (évoquant des fers de moulin).
Armoiries de la ville de Moulins.
Bref, bien des doutes et quelques équivoques sur ces familles dont l’archevêque de Reims est issu. Lorsqu’il fut nommé évêque auxiliaire de Paris puis archevêque de Reims… il préféra simplement s’abstenir de porter les armoiries liées à son état-civil et choisit de ne porter qu’une devise qui figure d’ailleurs en lieu et place de celles-là sur sa cathèdre : « Ingredietur et egredietur » soit « Il entrera et il sortira » ( Jean 10,9). (Jésus dit alors : … Je suis la porte.
Qui entrera par moi sera sauvé ; il entrera et il sortira et trouvera sa pâture.)
La cathèdre de Mgr Eric de Moulins-Beaufort à Reims
Notons néanmoins que Mgr de Moulins-Beaufort aurait pu décider aussi de faire créer de nouvelles armoiries en lien avec sa charge épiscopale et non pas sa famille comme le firent d’autres prélats. Mais ne doutons pas que ce choix, considéré par certains comme un reniement, aurait entrainé de rudes conflits familiaux !… PRUDENCE EST MERE DE SURETÉ.
A moins que l’archevêque de Reims n’ait revendiqué par cette décision un militantisme progressiste basé sur l’erreur historique d’une lien obligé entre les armoiries et la noblesse (https://conseildansesperanceduroi.wordpress.com/2021/11/11/lheraldique-ecclesiastique-ne-se-porte-pas-si-mal-chez-nous/). Nous ne le saurons sans doute jamais.
Le 28 août 2025.
Pour le CER et la Charte de Fontevrault, Jean-Yves Pons, CJA.
Peut-être que Mgr de Moulins-Beaufort sera sensible à vos travaux quand il accèdera au cardinalat ; ce qui ne devrait tarder.
Qu’importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse du sacre !