1919. La Paix espérée – mais non réalisée en fait- par les traités mettant fin à la Grande Guerre.

Les 28 juin, 10 septembre, 27 novembre 1919 et 4 juin 1920 furent signés les traités de paix qui ont mis fin à la Grande Guerre, les traités de Versailles avec l’Allemagne, de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche, de Neuilly-sur-Seine avec la Bulgarie, du Trianon avec la Hongrie. Quand le traité de Sèvres (10 août 1920) fut signé avec la Turquie, il était déjà inapplicable et fut remplacé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923). Le plus important a été évidemment le traité de Versailles. Les traités de paix ne concernaient pas, en théorie, la Russie, mais dans la pratique, la question russe a été tout le temps présente lors de la conférence de la Paix et ensuite… Si l’on laisse de côté les folles dépenses du conflit qu’on évalue à 186 milliards de dollars – elles ont été soldées en grande partie par la suite, au moins pour la France et l’Allemagne, pour qui la guerre avait été faite à crédit dans une grande mesure –, les dix millions de morts et un nombre incalculable de blessés plus ou moins graves, à la suite des traités, l’Europe a connu un immense bouleversement politique et territorial.

  • 1  2 500 000 Hongrois appartiennent à d’autres États.

Jusqu’en 1914, l’Europe était à peu près totalement monarchique, la principale exception étant la République française. Après la guerre, les quatre grands Empires, l’allemand, l’austro-hongrois, le russe et l’ottoman ont disparu.

Mais ces disparitions sont loin d’avoir toutes la même signification. Pour l’avenir de l’Europe, la principale est sans conteste l’écroulement de l’Empire austro-hongrois. Personne ne l’aurait imaginé avant le conflit. Le caractère multinational de l’Empire était sans doute une raison de faiblesse, mais son existence était non moins sûrement une cause de stabilité de l’Europe. Sa ruine a ouvert la voie à la naissance d’une série d’États nouveaux ou partiellement nouveaux qui étaient tous hétérogènes : la Tchécoslovaquie, dont la totalité du territoire provenait de l’ancien Empire austro-hongrois, rassemblait deux peuples différents, les Tchèques à l’ouest et les Slovaques à l’est, sans compter une importante minorité allemande en Bohême et une importante minorité hongroise en Slovaquie ; la Roumanie qui s’agrandissait, à l’ouest, de la Transylvanie enlevée à l’Autriche-Hongrie (où les Hongrois étaient à peu près aussi nombreux que les Roumains) et, au nord-est de la Bessarabie enlevée à la Russie, où Russes et Allemands étaient très nombreux ; la Yougoslavie (d’abord appelée Royaume des Serbes, Croates et Slovènes) où la Serbie avait été associée avec la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Slovénie anciennement autrichiennes ; la Pologne, à qui était revenue l’ancienne Galicie autrichienne, avait été, en outre, édifiée à l’ouest avec des territoires enlevés à l’Allemagne, Posnanie, Prusse occidentale, haute Silésie où la population allemande était presque égale à la population polonaise, et à l’est avec des territoires enlevés à la Russie, avec laquelle tracer une frontière fut extrêmement difficile. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Lord Curzon, l’avait proposée à peu près à la longitude de Brest-Litovsk. Néanmoins, après une guerre avec la Russie soviétique en 1920, où la situation polonaise d’abord très critique fut rétablie grâce à l’aide d’une mission dirigée par le général Weygand et dont faisait partie le capitaine de Gaulle, la Pologne parvint à la faire fixer 150 à 200 kilomètres à l’est de la ligne Curzon, ce qui englobait d’importantes populations biélorusses et ukrainiennes. En outre, pour donner un accès à la mer à la nouvelle Pologne, il fut créé un couloir séparant la Prusse orientale de l’Allemagne et s’achevant par le port de Dantzig, ville largement  allemande, à qui fut donné le statut de ville libre. De l’ancien Empire ne restaient qu’une petite Autriche (83 000 kilomètres carrés, 6 500 000 habitants) uniquement allemande, dont la population aurait souhaité son unification avec l’Allemagne, ce qui lui fut interdit – l’Allemagne serait sortie de la guerre plus grande qu’elle n’y était entrée – et qu’une petite Hongrie (92 000 kilomètres carrés, 8 millions d’habitants ).

     On a souvent accusé le président du Conseil français, Clemenceau, d’avoir voulu la destruction de l’Empire austro-hongrois. En réalité, les différentes composantes de l’ancien Empire avaient proclamé leur séparation de l’Autriche-Hongrie avant même la fin de la guerre.

Jean-Jacques Becker

Les conséquences militaires des traités de paix

https://journals.openedition.org/rha/6303

1 thought on “1919. La Paix espérée – mais non réalisée en fait- par les traités mettant fin à la Grande Guerre.

  1. Hervé J. VOLTO

    On a souvent accusé le Président du Conseil de la République Française, Georges Clémenceau, d’avoir voulu la destruction de l’Empire Austro-Hongrois. En réalité, les différentes composantes de l’ancien Empire -et les Pays de Visegrade en premier- avaient proclamé leur séparation de l’Autriche-Hongrie avant même la fin de la guerre.
    Le dernier Empereur, Charles I° d’Habsbourg, a pu être canonisé car il fut un Chrétien ayant régné en Chrétien… mais ni ses prédécesseures, ni son fils Otto de Habsbourg qui a honteusement renoncé au Trône d’Autriche-Hongrie en 1963 et s’est vendu AUX LOGES, n’ont jamais été et ne seront jamais à sa hauteur.

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