13 décembre. Messe en l’ Archibasilique du Latran -ROME- à l’intention du bonheur et de la prospérité de La France.

Chaque année, le  13Décembre, en la fête de sainte Lucie, le Cardinal Vicaire (c’est-à-dire celui qui administre le diocèse de Rome au nom du Pape, véritable évêque de Rome) célèbre dans l’archibasilique du Latran – « Mère et tête de toutes les Eglises » – une Messe à l’intention du bonheur et de la prospérité de La France : Pro felici ac prospero statu Galliae.

L’origine de cette messe remonte à l’année 1604, sous le règne de Henri IV le Grand, et c’est justement au jour anniversaire de sa naissance qu’elle est célébrée (13 décembre 1553).

Les difficiles commencements du règne d’Henri IV :

On sait que le Roi Henri III, dernier souverain de la branche capétienne des Valois, périt assassiné sous le couteau du dominicain Jacques Clément et qu’il n’avait pas de descendance.

La première des lois fondamentales du Royaume (ainsi nomme-t-on les lois qui règlent la succession au trône, voir  http://leblogdumesnil.unblog.fr/2015/08/24/2015-76-bref-expose-des-lois-fondamentales-du-royaume-de-france/ qui est la loi de « primogéniture mâle« , désignait comme Roi l’aîné de la branche collatérale la plus proche, c’est-à-dire Henri de Navarre, descendant en ligne directe de mâle en mâle, du dernier fils de Saint Louis.

Toutefois Henri de Navarre était de confession calviniste, et la quatrième de ces mêmes lois fondamentales est la « règle de catholicité » qui n’admet au trône que des princes de confession catholique.

Il y avait donc là un épineux problème successoral, puisque pour être dynaste il faut que le Prince remplisse toutes les conditions exigées par les lois fondamentales!

La France était alors profondément divisée entre catholiques et protestants, et d’ailleurs tout le XVIe siècle avait été ensanglanté par des luttes acharnées entre les tenants des deux confessions. Ce problème successoral ranima la lutte.

Henri de Navarre comprit qu’il ne pourrait régner qu’en rentrant dans le giron de l’Eglise Catholique : bien qu’elle fut motivée par des raisons politiques, il serait toutefois faux de penser que sa conversion fut seulement opportuniste, qu’elle était feinte ou qu’elle manquait de loyauté.

L’abjuration du Roi fut acceptée par le Clergé français, ce qui permit son sacre, à Chartres le 27 février 1594. Toutefois il fallut attendre encore l’année suivante pour qu’elle soit véritablement acceptée par le Saint-Siège (avec la levée de l’excommunication).

Le Roi rétablit ensuite la paix dans le Royaume par le célèbre édit de tolérance de 1598 (Edit de Nantes). Cette pacification devait s’accompagner aussi d’une oeuvre de reconstruction effective, longue et patiente : il fallait rétablir des droits légitimes qui avaient été spoliés, restaurer des établissements ruinés … remettre de l’ #Ordre et la #Justice partout.

L’abbaye de Clairac (47320)  et le chapitre du Latran:

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Saint-Jean-de-Latran#/media/File:Le_plafond_de_saint_Jean_de_Latran.jpg

Or il se trouvait que le chapitre de la Cathédrale de Rome – l’archibasilique du Très-Saint-Sauveur au Latran – en vertu d’une donation faite en 1482 par le Roi Louis XI, avait des droits sur une puissante abbaye d’Aquitaine : Clairac.

Fondée en 767 par Pépin le Bref, en bordure du Lot, l’abbaye bénédictine de Clairac connut des développements et une prospérité enviée. Au XIIIème siècle, elle était occupée par quelque 150 religieux ; l’abbé était également à la tête de 5 prieurés et de 50 paroisses. Si neuf moines seulement occupaient les lieux, après les vicissitudes de la guerre de Cent Ans, l’abbaye avait ensuite rapidement repris son essor et reconquis sa prospérité.

Pour la petite histoire, il me faut signaler que les fameux « pruneaux d’Agen » ont été inventés par les moines de Clairac à partir de plants ramenés du Moyen Orient, et aussi qu’en 1556, soit cinq ans avant Jean Nicot, le moine André Thevet avait rapporté d’un voyage au Brésil des graines de tabac qu’il avait semées dans les jardins de l’abbaye!…

Mais Clairac fut également le creuset des idées de la réforme et devint une citadelle du protestantisme : dès 1530 l’Abbé Roussel accueillit des prédicants et en 1534 ce fut Calvin lui-même qui fut invité à prêcher.

Théophile de Viau https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9ophile_de_Viau naquit à Clairac…

Pendant toute la période des troubles religieux le chapitre de la cathédrale de Rome fut donc privé de ses revenus.

En 1604, Henri IV rétablit le chapitre de la cathédrale du Latran dans ses droits et s’employa pour que les bénéfices qui lui étaient dus fussent désormais versés. En contrepartie il était stipulé que le Chapitre devrait célébrer chaque année et à perpétuité une Sainte Messe au jour de l’anniversaire du roi (le 13 décembre donc), pour demander à Dieu la prospérité de la France.

Cette clause se trouve encore rigoureusement observée de nos jours.

A la vérité, on ne connaît pas d’exemple d’une Messe célébrée de manière aussi solennelle dans la capitale de la Chrétienté en faveur d’autres nations. D’autant que cette fonction liturgique présente cet autre aspect insolite : elle est célébrée «pour le bonheur et la prospérité» d’une nation actuellement régie par une république qui se considère avec beaucoup d’orgueil et d’arrogance comme “laïque”, et qui s’est acharnée à couper violemment tous les liens qui l’unissaient à la Papauté!

Mais la situation actuelle ne rend-elle pas encore plus nécessaires ces prières solennelles pour la France?…

Pendant presque deux siècles donc, les énormes revenus de l’abbaye de Clairac assurèrent la subsistance du chapitre de la cathédrale du Pape (Louis XV les augmenta même en 1729, ce qui lui valut l’érection d’un monument de reconnaissance sculpté par A. Corsini à l’entrée de la chapelle Sainte Anne, dans la basilique).

La grande révolution supprima l’abbaye, spolia ses immenses propriétés et mit fin au versement des bénéfices.

Louis XVIII et Charles X relevèrent la tradition rompue en s’acquittant du versement d’une rente fixe au vénérable chapitre.

Si Louis-Philippe ne s’en préoccupa guère, Napoléon III la rétablit à son tour…

Quoique la rente fut supprimée à nouveau en 1871, le chapitre du Latran a, lui, conservé fidèlement la tradition de la Messe du 13 décembre.

Le Roi de France, Proto-chanoine d’honneur … le président de la république aussi :

Il y a une autre contrepartie à cette dotation du chapitre du Latran assurée par les libéralités des Rois de France. Pour les remercier de cette générosité et pour illustrer en même temps le lien particulier qui existe entre L’Église Romaine (dont – redisons-le – la basilique du Latran est la cathédrale) et la France*, le Roi de France fut créé premier (et unique) chanoine d’honneur du Latran de façon statutaire et héréditaire.

Sous l’Ancien Régime, on accordait parfois ce titre de chanoines, à titre héréditaire, à des laïcs : c’était un privilège honorifique attribué à de hauts personnages en échange de protections spéciales. Le Roi de France était ainsi depuis des siècles chanoine de Saint-Martin de Tours ; depuis Louis XI, chanoine de la cathédrale d’Embrun ; depuis François Ier, chanoine de la cathédrale de Saint-Jean de Maurienne… et donc depuis Henri IV, proto-chanoine de l’archi-basilique du Latran.

Lorsqu’il rétablit la rente annuelle versée par la France au chapitre du Latran, Napoléon III revendiqua le titre de chanoine honoraire et il lui fut confirmé, ainsi que les privilèges inhérents, par un bref pontifical.

Les usages de la république font que le chef de l’Etat est considéré comme l’héritier des privilèges religieux accordés aux chefs d’État des régimes antérieurs (Charles de Gaulle y tenait beaucoup).

C’est donc par héritage d’Henri IV et de Napoléon III, que le président de la république française** se retrouve officiellement aujourd’hui chanoine honoraire de la basilique du Latran. Le Général de Gaulle prit possession de sa stalle, Messieurs Chirac et Sarkozy aussi …

* On notera aussi justement qu’un autre roi de France, Charles V, avait fait restaurer la basilique au XIVe siècle et fait construire le ciborium monumental qui surmonte l’autel et abrite les reliquaires des têtes des Saints Apôtres Pierre et Paul, raison pour laquelle les lys de France sont représentés au sommet de l’arc triomphal

** qui est par ailleurs co-prince d’Andorre, dans les Pyrénées.

http://leblogdumesnil.unblog.fr/2007/12/13/67-pro-felici-ac-prospero-statu-galliae/

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