Petit Paul “miraculé” de la Thérapie champenoise

Histoire de Petit Paul

    Nous sommes en 1938, Petit Paul a 7 ans et vit avec ses parents et sa grande sœur Monique à Paris dans un très modeste logement, en haut de l’avenue d’Italie près de la place du même nom. La famille n’est pas riche c’est le moins que l’on puisse dire car les affaires du Papa qui tenait un restaurant à Chenevières au bord de la Marne ont périclité, il a probablement des dettes et il a du prendre un emploi de chauffeur de camion pas trop bien payé.

     C’est l’automne et Petit-Paul attrape un rhume. A cette époque, lorsqu’on était pauvre on ne dérangeait pas de médecin pour un rhume d’autant que la Sécu n’était pas encore inventée. Un peu d’aspirine un lait de poule et la mise au lit faisaient généralement l’affaire. Mais pour le coup les choses tournèrent mal et le rhume s’est transformé en bronchite, puis en pneumonie et Petit Paul dut faire l’expérience de l’hôpital à Trousseau ou aux Enfants Malades, la mémoire familiale n’a pas enregistré l’endroit exact. A l’hôpital, faute d’antibiotiques qui, comme la sécu n’étaient pas encore inventés, la seule thérapie connue était l’enveloppement sinapisé sorte de torture à base de moutarde qu’une infirmière tortionnaire infligeait deux fois par jour à Petit Paul, terrorisé à sa seule vue. Les visites étaient interdites et Petit Paul se souvient encore du visage d’un homme en casquette qui le regardait parfois à travers la vitre d’une fenêtre. C’était son papa qui avait traversé les jardins pour pouvoir l’apercevoir un instant. L’efficacité de la médecine s’avéra faible car la fièvre résistait et au bout d’un mois, le médecin-chef convoqua le père de Petit Paul pour lui dire : ” nous allons vous rendre votre enfant car il vaut mieux qu’il meure dans les bras de sa mère“. Chaude ambiance !

      Mais on sait ce que sont les mères lorsque le destin menace de leur voler leur enfant : ce sont des lionnes qui se battent. Et la maman de Petit-Paul s’est battue. Une voisine venue aux nouvelles lui conseilla d’appeler un docteur très réputé dans le quartier pour son efficacité, c’était un médecin juif débarqué d’un pays de l’Est. Son nom est resté gravé dans la mémoire familiale : Dr Sandérovitch, presque comme le nom d’une voiture en 2019. La maman de Petit-Paul alla le chercher, il vint, évalua la situation et livra sa prescription : ” Madame, vous n’êtes pas riche (finement déduit) mais rassemblez vos quatre sous pour trouver une bouteille de Champagne et vous lui en donnerez un fond de verre, une gorgée, toutes les deux heures ou plus souvent“. Ce qui fut fait.

     Le soir, Petit-Paul eut faim et sa maman stupéfaite mais heureuse lui donna un beefsteak de cheval qui fut avalé dans l’instant. Le lendemain la fièvre avait lâché prise, au bout d’une semaine Petit-Paul pouvait sortir et il reprit le chemin de l’école de la rue Vendresane un mois plus tard. Cette histoire fut gardée dans l’armoire aux souvenirs de la famille et aujourd’hui Petit-Paul qui est devenu un très vieux bonhomme la raconte de temps en temps mais pas trop souvent de peur qu’elle ne devienne qu’un radotage du genre de ceux qui font hocher la tête des esprits forts.     

    Mais elle perdure dans les faits. La semaine dernière Paul est traîné par son ami Frédéric pour un exercice de piété qui n’est pourtant pas son fort, exercice qui consiste à rester une heure en méditation silencieuse dans une église frigidaire. Le lendemain fièvre et nez qui coule : c’est le rhume et pour Paul : rhume appelle Champagne. L’affaire est soldée dès la demi bouteille (rassurez-vous le reste n’a pas été perdu). Sur ce, l’ami Frédéric téléphone et dit ” je crois que j’ai choppé la grippe, je vais appliquer ta thérapie champenoise“. Le lendemain, le téléphone sonne de nouveau. C’est Frédéric : ” formidable, je n’ai plus rien ! “. Réponse de Paul : ” termines quand même la bouteille“.

Paul ( 88,8 ans) Novembre 2019  

2 thoughts on “Petit Paul “miraculé” de la Thérapie champenoise

  1. Irène Pincemaille

    Hé bien ! voici mon expérience personnelle dans ce domaine : je n’ai pas l’âge de Petit Paul mais j’ai, ô combien, connu les cataplasmes à la farine de moutarde, enchaînant grippes et bronchites à rythme accéléré, j’en conserve moi aussi un souvenir, disons… pénible !!! je devais avoir dans les 6 – 7 ans à peu près ; notre médecin n’a pas recommandé à mes parents de me donner du Champagne mais du… St. Émilion !!! hé oui : un verre de ce bon vin de Bordeaux chaque jour ! = environ une bouteille par semaine et comme nous non plus n’étions pas riches, pendant ce temps-là, mes parents buvaient de l’eau !!!
    Hé bien, voyez-vous, ainsi biberonnée au bon vin, je suis encore de ce monde à 75 ans !!! il faut croire que le traitement n’était pas si mauvais et ce n’est pas Petit Paul qui dira le contraire !!!
    En plus, rions un peu : et si on essayait ça contre contre le “coronamachin” ??? il faut demander l’avis du professeur Raoult !!!
    Amitiés à tous.

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    1. Agnès Lacour

      Votre expérience madame ajoutée à celle de petit Paul est très touchante et ravive aussi certains souvenirs en moi
      moi aussi j’ai eu des enveloppement comme cela et aussi avec une serviette trempé dans l’eau très chaude et humectée très fortement avec de l’alcool camphrée. J’appréhendais aussi ces traitements . Ma maman a eu beaucoup de mal à m’élever aussi car toutes les maladies infantiles se faisaient avec de bronchopneumonies double foyer . Plus une thyphoïde à 4 ans .et comme remontant j’avais un petit verre à liqueur de QUINQUINA !!! Eh oui la chloroquine de l’époque : un petit flacon que maman achetait à la pharmacie et qu’elle versait dans une bouteille de bon vin : un petit verre à liqueur tous les jours avant le déjeuner
      Qu’il est bon d’échanger des douceurs dans ce monde de fous et de bruts
      Merci beaucoup

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