Danièle Sallenave, de l’ Académie Française : «Pour Charles Maurras, le mot commémoration pose problème»

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INTERVIEW – Après le véto du ministère de la Culture concernant l’écrivain, le Haut comité aux commémorations nationales doit se réunir pour réviser la liste des personnalités dont le souvenir sera commémoré en 2018. En attendant, la présidente du cénacle souhaite engager une réflexion sur sa mission.

Françoise Nyssen, la ministre de la Culture, a retiré de la liste des commémorations nationales Charles Maurras, écrivain et polémiste qui a eu une grande influence sur la vie intellectuelle, littéraire et politique de la France. Mais directeur de L’Action française, soutien du régime de Vichy, il avait été condamné pour intelligence avec l’ennemi à la réclusion criminelle à perpétuité et à la dégradation nationale. La polémique ne devrait pas s’arrêter là, on évoque désormais  le cas de Jacques Chardonne écrivain collaborationniste, mort il y a cinquante ans, également présent dans ce livre des commémorations.

L’ensemble du Haut comité aux commémorations nationales n’a pas pu encore se réunir, c’est en son nom personnel que Danièle Sallenave, sa présidente, réagit. Elle est à peu près sur la même longueur d’onde que deux autres membres éminents de ce comité, Jean-Noël Jeanneney, ancien ministre et ancien président de la BNF, et l’historien Pascal Ory qui ont écrit une tribune dans   le Monde .

LE FIGARO.- Comment le choix de Charles Maurras d’intégrer dans Le Livre des commémorations nationales 2018 s’était-il établi?

Danièle SALLENAVE.- Pour 2018, il nous était apparu impossible de ne pas parler de Charles Maurras l’année des 150 ans de sa naissance (il est né le 20 avril 1868). Je rappelle que cette liste des commémorations – il y en a une centaine – avait été approuvée par le ministère de la Culture.

Qu’est-ce qui a posé problème, alors?

C’est certainement le mot commémoration qui pose problème, il y a une connotation proche de l’hommage, positive. Il est évident qu’il y a une équivoque quant au terme de «commémoration». À mon avis, il est important que nous menions une vraie réflexion sur le mot, sur son usage. Dans Le Dictionnaire de l’Académie française*, parmi les sens que l’on donne au verbe commémorer il y a «évoquer, célébrer la mémoire d’une personne, d’un événement». Il y a indéniablement une connotation positive ; c’est cela qui a gêné.

Comment parler des personnalités qui ont eu une influence intellectuelle reconnue mais avec des comportements condamnables et condamnés?

Nous devons mener une réflexion sur notre rôle et sur le sens des commémorations. Il est indispensable de trouver un moyen de transmettre, notamment aux jeunes générations, une vision complexe de l’histoire de France, avec ses hauts faits, sa grandeur, mais aussi ses zones sombres.

* Le Dictionnaire de l’Académie française donne la définition suivante, avec des exemples: «Commémorer v. tr. XIVe siècle. Emprunté du latin commemorare, “mentionner, rappeler, évoquer”. Rappeler, célébrer le souvenir d’une personne, d’un événement. Commémorer une naissance, une mort. Commémorer une victoire. Commémorer l’armistice de 1918. La colonne de Juillet, sur la place de la Bastille à Paris, commémore les Trois Glorieuses de juillet 1830.»

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